Les espions qui n’existaient pas
Les rares visiteurs autorisés au troisième étage du palais apostolique
peuvent découvrir la secrétairerie d’État, le cœur battant de l’administration
vaticane. Au début du règne de Jean-Paul II, elle fonctionne avec une
centaine d’employés, répartis en deux sections principales : d’un côté le
bureau central du service des affaires étrangères pontificales, également
appelé section des affaires extraordinaires ; de l’autre la section des affaires
ordinaires, qui gère tous les aspects de la vie interne de l’Église. L’ensemble
occupe une vingtaine de bureaux bondés, encombrés de paperasse, qui
donnent sur la cour Saint-Damase. Le cardinal Villot dirige alors la
secrétairerie, où il passe parfois tout ou partie de la nuit. Le nouveau pape
Jean-Paul II l’a maintenu à son poste. Pour les initiés, le bureau du cardinal
dispose d’une salle de bains contiguë, ornée d’œuvres « délicatement
licencieuses » du peintre Raphaël…
Deux hommes se présentent un matin de la fin 1978 pour « effectuer un
devis sur la réfection des installations électriques ». Les minutanti (chefs de
bureau) ne les croient qu’à moitié, parce qu’il n’est pas logique qu’ils soient
accompagnés par Camillo Cibin, mais leur métier requiert la discrétion,
alors ils ne font aucun commentaire. Cibin est le patron de l’Ufficio centrale
di Vigilanza, le service de sécurité intérieure du Vatican. C’est un homme
massif aux tempes grisonnantes, pas du genre à badiner ni à perdre son
temps. Il est en contact permanent avec tous ses hommes, mais aussi avec
les carabinieri et d’autres services de sécurité italiens. Il peut en cas de
besoin mobiliser rapidement des centaines de policiers et boucler la place
Saint-Pierre. De façon moins officielle, il est en liaison constante avec
l’antenne romaine de la CIA.
Les visiteurs-venus-pour-un-devis vont passer pendant une semaine d’un
bureau à l’autre, examiner en détail leurs moindres recoins. Ils visiteront
également les bureaux du gouvernorat, l’administration qui gère la Cité du
Vatican. C’est vraiment beaucoup de travail pour un simple devis… Comme
souvent, le bouche-à-oreille se met en marche à la curie, jusqu’à ce qu’une
conviction prenne forme : les deux hommes appartiennent aux services
secrets italiens. Ils sont venus, à la demande de Cibin, pour vérifier la
présence éventuelle de surveillance électronique…..
source : B.F.