L’IHEDN

Dans un monde où les rapports de force se redéfinissent à une vitesse vertigineuse, les forums stratégiques sont devenus des lieux clés où se jouent les grandes dynamiques internationales. Ces événements, où se croisent diplomates, militaires, leaders d’opinion et experts influents, ne se contentent pas de discuter des enjeux du moment : ils dessinent l’avenir des relations mondiales. Un forum stratégique n’est pas qu’un simple lieu de débat : c’est un véritable centre de pouvoir où se rencontrent ceux qui façonnent l’avenir géopolitique. Selon David Cadier, chercheur en sécurité européenne à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), ces événements sont « des carrefours stratégiques », des moments clés pour « prendre la température d’une communauté politico-stratégique ». Pour lui, la véritable force d’un forum réside dans sa capacité à « concentrer des personnalités influentes ». Ces rencontres ne servent pas uniquement à évaluer les performances militaires des États, mais aussi à observer les rapports de forces mondiaux en constante évolution. Guillaume Devin, professeur à Sciences Po et spécialiste de la sociologie des relations internationales, le résume ainsi : « Ces forums permettent de créer un environnement où l’objectif est de partager des informations, de construire des idées, d’inventer des récits et de proposer des innovations dans la recherche ». Ces échanges sont essentiels, car ils permettent de redéfinir les priorités stratégiques et de poser les bases des relations internationales futures.   LES FORUMS COMME CATALYSEURS DE CHANGEMENTS GÉOPOLITIQUES Prenons l’exemple du doyen de ces forums (1963), la conférence de Munich sur la sécurité, qui a vu se succéder plusieurs discours marquants. L’un des plus célèbres reste celui de Vladimir Poutine en 2007, lorsqu’il a dénoncé l’ordre mondial unipolaire, marquant un moment décisif dans la diplomatie du pays. David Cadier analyse ce discours comme « un véritable tournant dans la politique étrangère russe », un moment où la posture de la Russie a changé pour adopter une vision plus assertive et agressive, redéfinissant ainsi la dynamique internationale. En février 2025, un discours tout aussi retentissant a été prononcé à Munich par J. D. Vance, vice-président américain. Ces déclarations ont secoué la communauté internationale, provoquant une véritable onde de choc. Pour David Cadier, « ce discours marque un point de bascule dans les relations transatlantiques », tout comme celui de Poutine en son temps. Ces forums sont donc bien plus que des lieux de rencontre : ils sont des tremplins pour réorienter les stratégies internationales. Dans cette dynamique, la France a habilement utilisé ces forums pour affirmer son rôle stratégique. En 2023, lors du Forum Globsec – un évènement géopolitique majeur rassemblant les pays d’Europe du Nord et de l’Est – le président Emmanuel Macron a réaffirmé la position de la France en tant que leader européen lors de son discours de clôture. Ce discours, prononcé à Bratislava, a marqué un réengagement de la France en Europe centrale et orientale face à la guerre en Ukraine. Il est rapidement devenu le « la » de la diplomatie de l’Hexagone. Selon David Cadier : « Ce discours est devenu un véritable jalon de la politique étrangère française dans la région, les diplomates et analystes centre-européens y font régulièrement référence. »       Malgré cette affirmation, une réalité importante demeure, selon le chercheur : « La France sous-performe encore en termes d’influence dans les débats sur la défense et la sécurité en Europe. » C’est là que le Paris Defence and Strategy Forum (PDSF), lancé en 2024, pourrait jouer un rôle décisif, en offrant à la France un espace pour diffuser sa vision et influencer les politiques européennes de défense.   LE PDSF : UN LEVIER STRATÉGIQUE POUR LA FRANCE ET L’EUROPE Dans un contexte international de plus en plus imprévisible, la France a souhaité aller plus loin en lançant le PDSF. En 2024, le général de corps d’armée (2S) Benoît Durieux, ancien directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale et président de l’Académie de défense de l’École militaire, a inauguré la première édition de ce forum français. Il souligne que le PDSF se distingue par sa volonté de ne pas « se limiter à une seule thématique ». Contrairement à d’autres forums comme Munich ou Varsovie, qui se concentrent sur des questions spécifiques, le forum parisien aborde une palette plus large de sujets géopolitiques, allant de la sécurité en Europe de l’Est à la situation en Afrique, en passant par l’Indopacifique. Benoît Durieux insiste sur la variété des thématiques :   « Le PDSF ne se cantonne pas aux seules problématiques militaires. Il ouvre la discussion sur des enjeux plus larges, comme la désinformation, la souveraineté numérique ou les défis environnementaux. Il veut prouver que l’Europe ne se concentre pas uniquement sur la guerre en Ukraine. » Cette approche globale offre une perspective nouvelle sur la défense et la sécurité, soulignant l’importance d’une vision européenne plus cohérente et inclusive face aux défis mondiaux. En abordant ces questions complexes, le PDSF s’affirme comme un espace où la France et l’Europe peuvent repenser leur rôle stratégique dans un monde multipolaire. L’objectif est de porter une vision européenne qui ne se limite pas à une réaction face aux crises, mais qui anticipe les défis de demain.   INSTRUMENT D’UNE DIPLOMATIE ACTIVE POUR LA FRANCE Les forums stratégiques sont bien plus que de simples lieux d’échange intellectuel. Ce sont des instruments puissants d’influence diplomatique, permettant à chaque nation de faire entendre sa voix sur les grandes orientations géopolitiques. Pour la France, le PDSF représente une occasion unique de renforcer sa position au cœur de la défense européenne, tout en jouant un rôle clé dans les débats mondiaux. Ces regroupements permettent de nouer des contacts, de redéfinir des priorités et de modeler l’ordre du monde pour les décennies à venir. Comme l’indique le chercheur David Cadier, ces événements jouent un rôle central dans l’analyse des orientations géopolitiques de chacun : « Ces forums sont des carrefours stratégiques où les acteurs peuvent jauger leur position respective », et façonner les dynamiques futures de la politique internationale.   Dans un monde où les fractures se multiplient, « la réflexion stratégique en Europe n’est plus seulement essentielle, elle est indispensable », estime le général de corps d’armée Hervé de Courrèges, actuel directeur de l’IHEDN et président de l’Académie de défense et de l’École militaire. Il souligne l’importance de forums tels que le PDSF, offrant à la France et à l’Europe l’opportunité d’affirmer leur vision stratégique, particulièrement dans une période troublée :   « À l’heure où l’Europe réalise qu’elle ne peut compter que sur elle-même pour sa sécurité, le Paris Defence and Strategy Forum permettra d’approfondir la réflexion cruciale sur les doctrines, moyens et politiques que nous devons appliquer afin de garantir cette sécurité. »

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