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Le syndrome d’Asperger

La notion de syndrome d'Asperger ([aspɛʁɡœʁ]1de l'allemand [ˈaspɛʁɡɐ]2) est utilisée jusqu'en 2018 pour désigner un autisme sans déficit intellectuel ni retard de langage.

Le syndrome d'Asperger est défini cliniquement en 1981 par Lorna Wing, à partir de la « psychopathie autistique » décrite en 1944 par Hans AspergerNote 1. Le syndrome d'Asperger intègre les classifications nosographiques officielles en 1993 dans le cadre des troubles envahissants du développement (CIM-10) et en 1994 dans celui du DSM. Il est remplacé au cours des années 2010 par une approche plus évolutive des troubles du spectre de l'autisme (TSA)Note 2. Le diagnostic de syndrome d'Asperger n'est plus utilisé par les médecins, et de moins en moins mentionné dans la littérature scientifique en raison du passé eugéniste de Hans Asperger.

Comme tous les TSA, le syndrome d'Asperger se caractérise par des difficultés significatives dans les interactions sociales, associées à des intérêts spécifiques ou des comportements répétitifs. Il s'en différencie par l'absence de déficit intellectuel et de retard dans l’apparition du langage. Il s'associe souvent à une maladresse physique et à une utilisation atypique de la parole, bien qu'elles ne soient pas toujours retenues pour le diagnostic.

Les causes du syndrome d'Asperger sont majoritairement génétiques. Les recherches neurologiques ont révélé des particularités dans le fonctionnement cérébral, à l'origine de troubles sélectifs de l'empathie. Lorsque le diagnostic est établi, un accompagnement pluridisciplinaire peut être proposé. L'efficacité de certaines interventions est difficile à estimer, car les données sont limitées. Les thérapies cognitivo-comportementales se concentrent sur les capacités de communication, les routines obsessionnelles et répétées. La plupart des enfants s'adaptent à la vie en société quand ils deviennent adultes ; en revanche, leurs difficultés sociales et de communication persistent. Les personnes Asperger sont vulnérables à de nombreux troubles de l'humeur, particulièrement à l'anxiété et à la dépression. D'après une estimation réalisée en 2013, environ 31 millions de personnes dans le monde auraient cette forme d'autisme.

Certains chercheurs comme Simon Baron-Cohen et des personnes Asperger comme Daniel Tammet s'interrogent sur le fait que cette forme d’autisme puisse être considérée comme une différence plutôt que comme un handicap nécessitant un traitement. Il est question de singularité dans la mesure où les limitations handicapantes, socialement en particulier, sont souvent associées à des compétences, parfois exceptionnelles, dans le domaine des centres d’intérêt surinvestis. On y note donc un fort intérêt pour certains domaines (comme la chimie, l'informatique, les trains) et un désintérêt pour d'autres. Cette dimension extérieure à l'approche médicale a créé une fascination pour le syndrome d'Asperger qui s'est traduite par de nombreuses représentations dans la culture populaire, en particulier dans les médias américains.

Identification et classification

Deux livres empilés, un bleu et un vert.
Le DSM-5 (dans lequel le syndrome d'Asperger a disparu en tant que trouble à part) avec son prédécesseur, le DSM-IV-TR, version française.

Article détaillé : Classifications du syndrome d'Asperger.

L'autisme reste difficile à définir. Sa classification fait l'objet de débats multidisciplinaires. Le syndrome d'Asperger (SA) écouter la prononciation française, est généralement reconnu comme faisant partie des troubles du spectre de l'autisme (TSA), un ensemble de troubles neurodéveloppementaux présentant des caractéristiques proches et difficilement dissociables (d'où l'utilisation du terme « spectre de l'autisme »). L'Organisation mondiale de la santé (OMS) distingue au sein de ce spectre, sous le qualificatif de « trouble envahissant du développement » dans la CIM-10, l'autisme infantile, le syndrome d'Asperger et l'autisme atypique. Ils sont caractérisés par des troubles de la communication et des interactions sociales qui créent une situation de handicap chez l'individu. Ils sont accompagnés de comportements et de centres d'intérêt restreints ou de comportements répétitifs. De nombreux points communs existent entre l'autisme dit « sévère » et le syndrome d'Asperger, qui sont considérés comme situés aux deux extrêmes du spectre de l'autisme3. L'autisme « typique » (autisme infantile, dit « autisme de Kanner ») se distingue du syndrome d'Asperger essentiellement par le retard dans l'apparition du langage. Par ailleurs, il peut y avoir un handicap intellectuel dans l'autisme typique, alors qu'il n'y en a pas dans le syndrome d'Asperger4. Parmi les troubles envahissants du développement (TED), l'autisme infantile et le syndrome d'Asperger réunissent les caractéristiques classiques de la triade autistique : difficultés de communication et d'interactions sociales, comportements répétitifs et intérêts restreints5.

Plusieurs questions relatives à l'identification et à la classification du syndrome d'Asperger restent en suspens. Il tend à ne plus être considéré comme une entité distincte, ce qui pose la question de son existence même6, notamment en raison du doute sur la nécessité de le distinguer de l'autisme à haut niveau de fonctionnement7,8,9,10.

La psychanalyste Maria Rhode rappelle que la distinction entre l'Asperger et l'autisme est récente. Pour elle, chaque personne avec Asperger est unique et l'Asperger pourrait constituer un spectre autistique à lui tout seul11. La Classification internationale des maladies (CIM-10) publiée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1993 s'interroge déjà sur la validité nosologique de ce syndromeAtt12 1. La 4e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) fait figurer le syndrome d'Asperger au sein des « troubles envahissants du développement »12. La dernière édition (DSM-5), publiée en 2013, élimine le diagnostic du syndrome d'Asperger pour l'intégrer au sein d'un nouveau diagnostic de « troubles du spectre de l'autisme », et attribue une échelle de sévérité (sévère, moyen ou modéré)13. La CIM-11 reprend cette formulation habituellement traduite « troubles du spectre de l'autisme », comportant l'ensemble des niveaux de fonctionnement intellectuel et de capacité de langage14. Le nouvel item diagnostique correspondant au syndrome d'Asperger est renseigné sous le nom de « Autism spectrum disorder without disorder of intellectual development and with mild or no impairment of functional language » (en français : Trouble du spectre de l'autisme sans trouble du développement intellectuel et avec peu ou pas de déficience dans le langage fonctionnel)15.

Malgré l'élimination du diagnostic de ce syndrome, le nom de « syndrome d'Asperger » reste utilisé dans la culture populaire et les médias. L'élimination du syndrome d'Asperger dans les classifications officielles suscite des critiques, et des approbations16. Certaines personnes concernées voient dans cette élimination une attaque à leur identité, une communauté forte de personnes se dénommant elles-mêmes « Aspies » s'étant développée au cours des années 200016. D'autres craignent que le diagnostic de TSA échappe aux personnes antérieurement diagnostiquées « Asperger »16. En faveur de l'élimination du syndrome d'Asperger, le diagnostic de TSA est vu comme plus inclusif, et en faveur de la neurodiversité, l'élément « Asperger » étant jugé élitiste16. Plus récemment, une controverse relative au passé de Hans Asperger et au contexte de création de cette entité diagnostique fournit d'autres arguments en faveur de l'abandon de cette dénomination17.

Caractéristiques

En tant que trouble envahissant du développement (TED), le syndrome d'Asperger (SA) se caractérise par un ensemble de symptômes touchant notamment aux interactions sociales et aux centres d’intérêt. L'utilisation atypique du langage et la maladresse physique sont également des symptômes communs, bien que n'étant pas toujours retenus dans les critères de diagnostic18,19. Les enfants Asperger prennent souvent conscience de leur différence entre six et huit ans. Ils développent des stratégies de compensationAtt 1. Ils peuvent éprouver des difficultés pour se faire des amis, s'organiser, se montrer attentifs et gagner en autonomieAtt 2. Cependant, comme le dit (entre autres) Daniel Tammet, la vision du syndrome d'Asperger est déformée par l'image qui en est donnée dans la culture populaire (par exemple dans le film Rain Man, qui présente un autiste savant lourdement handicapé). Il existe de très nombreuses manifestations d'autisme, aucune n'étant « typique »20. De même, l'intensité de ces manifestations varie : pour le psychologue Tony Attwood, « on reconnaît que le syndrome se situe sur un continuum sans rupture qui se dissout à son extrême dans la normalité »21. Le psychiatre Laurent Mottron tient à rappeler que le syndrome d'Asperger reste très invalidant si la personne concernée n'est pas soutenue de manière appropriée, et que le DSM l'évalue comme étant de même gravité que l'autismeMott 1. Pour le psychologue Peter Vermeulen :

« La richesse de leur vocabulaire, leurs excellentes performances dans des domaines bien spécifiques, leur promptitude à engager la conversation, leur fantaisie trompent. Car derrière la façade d'une connaissance quasi encyclopédique et une éloquence charmante, se trouve un individu en souffrance pour qui le monde est un spectacle désordonné et incompréhensible. »

— Peter VermeulenComprendre les personnes autistes de haut niveau : Le syndrome d'Asperger à l'épreuve de la cliniqueVer 1

Rapports sociaux

Articles connexes : Rapports sociaux et Empathie des personnes autistes.

Les personnes Asperger ont généralement moins de problèmes sociaux que les autres personnes autistes22. Elles entretiennent peu de relations amicales, jouent peu avec des enfants de leur âge et préfèrent l'isolement23. N'ayant pas de capacité innée à comprendre les relations interpersonnelles et la communication non verbale, elles présentent un retard social (deux ans en moyenne dans l’acquisition du concept d'amitié24) et l'empathie, ainsi que des difficultés pour contrôler leurs émotions. Alors que les enfants neurotypiques comprennent très bien les codes sociaux et l'expression des sentiments après cinq ans, les Asperger perçoivent le monde physique (et s'y intéressent) avant le monde socialAtt 3. Différentes études ont démontré que les stimuli sociaux (sourire, visage de bébé…) ne déclenchent pas d'émotion positive chez les autistes, y compris les AspergerMott 2. D'après ces études, il y a « déficit spécifique de la reconnaissance des émotions », en particulier pour la reconnaissance des visages et l’utilisation des indices non faciaux (gestes, contexte…)25, ce qui explique que les personnes Asperger regardent peu leurs interlocuteurs dans les yeux, emploient peu de gestuelle et présentent un visage peu expressif ou inexpressifAtt12 2,26.

Exemple de quiproquo possible entre une personne autiste Asperger et une personne qui ne l'est pas, en raison de l'intellectualisation des émotions.

Les Asperger peuvent communiquer verbalement mais sans voir les signaux sociaux. Ils peuvent entamer un long monologue sur leurs centres d’intérêt, sans comprendre ni voir l'éventuelle lassitude de leur interlocuteur, sa volonté de changer de sujet ou de mettre un terme à la conversation. Cette incapacité à réagir aux interactions sociales peut être interprétée comme un mépris du bien-être et des sentiments des autres ou un égocentrisme extrême, faisant passer la personne Asperger pour insensible26. L'idée que les Asperger n'auraient pas du tout d'empathie est répandueHen 1Tony Attwood l'a (entre autres) beaucoup nuancéeAtt 4 :

« Il est important de comprendre que la personne Asperger a des aptitudes ToM et une empathie immatures ou réduites, mais non pas une absence d'empathie. Sous-entendre une absence d'empathie serait une terrible insulte aux personnes Asperger, avec pour corollaire qu'elles ne peuvent connaître ou se soucier des sentiments des autres. Elles ne sont pas capables de reconnaître les signaux subtils des états émotionnels, ou de « lire » des états d'âme complexes27. »

— Tony AttwoodLe Syndrome d'Asperger, guide complet

Tous les individus Asperger ne vont pas aborder autrui. Certains affichent un mutisme sélectif, ne parlent pas du tout à la plupart des gens et excessivement à des personnes spécifiques. Ils peuvent choisir de ne parler qu'aux gens qu'ils aiment28. Beaucoup apprennent peu à peu les codes sociaux, par imitation29, pour compenserAtt 5. En situation de contacts sociaux, un Asperger s'accorde souvent un temps de réflexion avant de répondre. Ses difficultés augmentent en fonction du nombre de personnes avec lesquelles il interagit et de son degré de stress : d'après Attwood, « dans les grands rassemblements sociaux, la quantité d'informations sociales peut être écrasante pour un Asperger »Att 6.

Ces difficultés touchent tant à l'interprétation de ses propres émotions qu'à l'interprétation de celles des autres30. Du fait de ces limitations, les Asperger éprouvent des difficultés à résoudre les conflits. Peu diplomates et peu persuasifs, ils se montrent perfectionnistes, n'aiment pas reconnaître leurs erreurs et évitent les demandes aux autresAtt 7. Ils sont enclins à signaler les erreurs et les faux pas sans percevoir l'embarras. Souvent, ces remarques sont perçues comme hostiles et critiques. Tony Attwood cite l'exemple d'adolescents Asperger qui ont fait remarquer une erreur à leur professeur devant toute leur classe, concluant que « le désir de corriger l'erreur prime sur le respect dû à l'enseignant »Att 8. Les Asperger peuvent développer une préoccupation pour l'image qu'ils donnent, et une peur de « faire des gaffes »Ver 2.

L'hypothèse d'une prédisposition des Asperger à la violence et au crime a été examinée, mais n'est soutenue par aucune donnée18,31,32. Celles-ci accréditent que les enfants Asperger sont plus souvent victimes que tourmenteurs33. Un examen de comorbidité établi en 2008 a permis de constater qu'un nombre important de criminels violents Asperger avaient d'autres troubles psychiatriques, comme le trouble schizo-affectif34.

Intérêts dits restreints (ou spéciaux)

 

Insectes divers disposés en cercles concentriques.
Les enfants Asperger ont tendance à collectionner et classer (ici, une collection d'insectes).

Une caractéristique importante du syndrome d'Asperger réside souvent dans les « intérêts restreints »Note 3, que Hans Asperger décrit à tort comme des « préoccupations égocentriques »Att12 3Tony Attwood préférant parler d’« intérêt particulier ». Beaucoup d'Asperger développent un intérêt notablement profond et intense pour un ou quelques domaines, généralement rattachés à la nature, aux sciences ou aux technologies. Les enfants aiment souvent collectionner et classer des objets. Au fil du temps, cette collection et classification d'objets physiques se mue fréquemment en collecte et classification d'informationsVer 3,Att 9. Ces intérêts ne sont pas forcément circonscrits à un sujet unique. Ils peuvent constituer une paletteVer 4 et être variés. Tony Attwood estime cependant que les animaux et la nature sont les deux plus courants, notamment à travers l’intérêt pour les dinosaures (plutôt chez les garçons)Att 10 et les chevaux (plutôt chez les filles, en rapport avec la valeur potentiellement apaisante de leur médiation et de l'équitation)Att12 4. De façon anxieuse mais altruiste, les enfants Asperger sont plus souvent sensibles à la protection animale, aux enjeux écologiques (Greta Thunberg s'est consacrée très jeune à l'étude du changement climatique après un épisode anxio-dépressif, et explique le lien avec son autisme Asperger) et aux injustices socialesAtt12 5. Il peut de même y avoir intérêt pour des domaines touchant aux interactions sociales comme la psychologie et l'anthropologie, sans doute pour compenser les difficultés induites par le syndromeVer 3. Il peut s'agir d'un intérêt pour les trains, pour des objets dont le nom commence par la même lettre, pour la musique, les arts plastiques, les mathématiques, un thème historique (par exemple l'Égypte antique), un pays, une émission de télévision… Ces intérêts évoluent avec la société, puisque les études récentes révèlent des intérêts fréquents pour les jeux vidéo, les animes et le cinéma de science-fictionAtt 11. Parfois, à l'adolescence, l’intérêt se change en « fascination pour une personne donnée »Att 12 (qu'elle soit contemporaine ou ancienne, réelle ou imaginaireAtt 13) et évolue pour inclure l'informatique ou encore les littératures de l'imaginaireAtt 14.

Les enfants Asperger aux intérêts restreints communiquent difficilement sur leur centre d’intérêt avec autrui. Quand ils le font, cela provoque souvent une gêne en raison de leur tendance à ramener le sujet de conversation vers leur domaine favoriVer 4. Cela pose des difficultés à leurs parents, car ils peuvent fuir les activités sans rapport avec leur passion et tenter d'imposer celle-ci à leur entourage. Ils évitent aussi souvent les aspects de leur passion qui nécessiteraient certaines activités, par exemple un investissement physique, un déplacement, et surtout des contacts sociaux. Par exemple, un enfant ayant un intérêt pour le tennis pourra découper les classements mondiaux de ce sport dans des magazines, mais refuser de participer aux activités d'un club sportif de tennisVer 5. Certains passionnés par les chevaux peuvent pratiquer l'équitation en cadre zoothérapeutique ou non.

La communication peut devenir plus simple à l'âge adulte, les Asperger aux intérêts restreints pouvant devenir de véritables experts reconnus dans leur domaineAtt 13. Généralement jugés comme étant « bizarres » ou « inutiles » par les personnes neurotypiques, les intérêts revêtent une fonction importante dans l'équilibre et l'identité des personnes Asperger, notamment parce qu'ils leur permettent de diminuer leur sensation de stress face à leur incompréhension du monde, en classant et en ordonnant des objets ou des informationsVer 4Laurent Mottron cite de nombreux cas d'adolescents Asperger plongés dans la dépression à cause du harcèlement scolaire qui sont redevenus « instantanément heureux » dès qu'ils ont été retirés de l'école et ont pu passer tout leur temps plongés dans leur intérêt spécialMott 3. Certains militants pour la neurodiversité vont plus loin, estimant que connaître le domaine d’intérêt d'un Asperger aux intérêts restreints est l'unique moyen de connaître la personne elle-même, et que punir un tel enfant en le privant de liens avec son domaine d’intérêt serait une forme de violence ultime35. Attwood note que « des difficultés à accéder à l'intérêt spécial peuvent mener à des inculpations pour des vols »Att 15. Les « intérêts restreints » peuvent parfois être l'unique moyen pour les Asperger de se faire remarquer positivement en société, car l'ampleur des connaissances qu'ils détiennent dans leur domaine se révèle souvent « phénoménale »Ver 2. Cette connaissance cache fréquemment un isolement social et l'impossibilité de trouver une activité professionnelle dans le domaine d’intérêtVer 2.

Il n'est pas rare que les Asperger présentent aussi une forte résistance au changement et une propension à suivre des routines inflexibles. Cette particularité n'est généralement pas visible au premier contact, mais elle le devient en cas de partage de la vie quotidienneVer 6,36.

Langage, apprentissage et mode de pensée

Article connexe : Trouble pragmatique du langage.

Bien que les critères diagnostiques insistent sur l'inverse, il peut arriver que de jeunes enfants décrits ou diagnostiqués comme « Asperger » aient un retard comparativement à la moyenne dans l'acquisition du langage, en particulier dans l'aptitude à converser avec autruiMott 4. Ils sont surtout connus pour l'utilisation atypique qu'ils en font. La syntaxe, le vocabulaire et la phonologie sont bons (voire excellents dès l'âge de deux ansMott 4), mais ils ne savent pas utiliser le langage de façon appropriée au contexte socialAtt 16. Leur langage est acquis rapidement (généralement entre 18 et 30 mois) et se révèle « hyper grammatical »Mott 5, inhabituellement sophistiqué dès le plus jeune âge, ce qui a valu aux enfants étudiés par Hans Asperger le surnom de « petits professeurs »18. Le langage peut paraître « pédant » et présenter des intonations inhabituelles (dysprosodie), un trouble du traitement auditif, des transitions abruptes, des mots hors contexte (idiosyncrasie) et de mauvaises interprétations, ou bien trop littérales (« au pied de la lettre »)Att 2,37,18Hans Asperger avait déjà observé ce choix de vocabulaire formel38. Une écholalie est possible39, de même qu'une échopraxie.

Trois aspects du langage ont un intérêt clinique : la prosodie pauvre ou atypique, le discours tangentiel et circonstanciel (tendance à parler en donnant beaucoup de détails inutiles et en s'éloignant du sujet initial) et la verbosité marquée. Bien que l'inflexion et l'intonation puissent être moins rigides ou monotones que dans l'autisme classique, les Asperger ont souvent une portée limitée dans l'intonation : la parole peut être exceptionnellement rapide, saccadée ou forte. Le discours peut transmettre un sentiment d'incohérence. Souvent, le style conversationnel ne parvient pas à fournir des contextes pour les commentaires, ou ne parvient pas à supprimer les pensées intérieures. Les personnes Asperger peuvent ne pas détecter si la personne qui les écoute est intéressée ou engagée dans la conversation. Les tentatives de conclusion auprès de l'auditeur, pour augmenter la logique du discours ou pour passer à des sujets connexes, sont souvent infructueuses26. Pour la psychologue Uta Frith, pionnière dans l'étude de l'autisme évoquant certains cas individuels, « alors que certaines personnes atteintes du syndrome d'Asperger ont écrit avec éloquence à propos de leur vie, leur capacité à parler de leurs propres émotions semble être compromise (alexithymie) »Trad 1,22. Hans Asperger croit pouvoir dire qu'ils n'ont pas de sens de l'humourAtt 17 et il est aussi noté des incompréhensions et des faiblesses concernant tout ce qui relève du langage non littéral, surtout l'ironie, les taquineries et le sarcasme. La plupart des Asperger comprennent bien ce qu'est l'humour, mais semblent ne pas comprendre l'intention de l'humour, à savoir partager le plaisir avec les autres7. Malgré de forts indices d'altération dans l'appréciation du moins effective de l'humour, des rapports anecdotiques sur l'humour des Asperger ou de certains d'entre eux semblent contester certaines théories psychologiques : ils présentent des cas individuels où un humour souvent différent et au moins d'un niveau analogue à la population générale profiterait de la lucidité et de l'intelligence verbales atypiques et serait souvent travaillé comme un exercice contre les troubles verbaux, sociaux et anxieux40. Les humoristes belges Laura Laune et Florence Mendez, diagnostiquées avec le syndrome, exorcisent par exemple des angoisses par la maîtrise de l'humour noir ; les humoristes québécois Réal Béland (fils) et Louis T. sont également diagnostiqués, ainsi que l'Australienne Hannah Gadsby ; l'écrivain et philosophe français Josef Schovanec est connu pour sa franchise, sa logique et son humour.

Il arrive que les Asperger développent une boulimie de lecture à un âge précoce, grâce à un décodage des mots hors du commun (hyperlexie)Mott 4, dès 3 ou 4 ansMott 6. D'après le psychiatre Laurent Mottron, ils sont particulièrement compétents pour lire et acquérir du vocabulaire, au point d'avoir quatre ans d'avance en moyenne dans ce domaine à l'âge de huit ans, par rapport aux autres enfantsMott 7. Des difficultés dans l'apprentissage non verbal peuvent être détectées à travers les tests de QI. Les Asperger sont avantagés pour apprendre les chiffres, les lettres, des mots puis des textes par cœur et pour maîtriser l'orthographe, mais ils sont désavantagés dans l'organisation et les aptitudes psychomotricesAtt 18. Cette difficulté à s'organiser et à planifier peut devenir visible à l'adolescence, quand l'apprentissage ne s'effectue plus à travers des mémorisations de textes et de dates, mais à travers l'organisation d'informations et le travail en groupe. Une baisse des notes scolaires est souvent constatéeAtt 19.

Le profil cognitif des adultes Asperger est significativement différent de celui des adultes neurotypiques41. Une particularité de la pensée des personnes Asperger est d'être parfois visuelle, plutôt que fondée sur des motsAtt 20. Selon le psychanalyste Henri Rey-Flaud[source insuffisante], cette principale spécificité psychique des personnes Asperger tient à une organisation de leur pensée selon un registre d'« images »Note 4, tandis que dans l'autisme proprement dit, il s'agit du registre de l'« empreinte »43.

Maladresse, auto-stimulation et stéréotypies

Articles connexes : Auto-stimulation et Stéréotypie (autisme).

Une maladresse physique est souvent rapportée dans les témoignagesAtt 2. Les enfants éprouvent des difficultés pour apprendre à réaliser des tâches et activités telles que nouer leurs lacets, mettre et boutonner leur manteau, se brosser les dents, ouvrir un bocal, courir après un ballon et faire du vélo. Le développement moteur est retardé mais il s'améliore au fil du temps. Les témoignages (y compris d'adultes) font souvent part d'une sensation d'être « mal à l'aise dans leur propre peau » et de déplacements maladroits, mal coordonnés, d'une mauvaise démarche ou posture et de problèmes avec l'intégration visuo-motrice. La persistance d'un comportement stéréotypé (mouvements et vocalisations involontaires et répétitifs, tels qu'un battement des mains ou un mouvement complexe de tout le corps) et échopraxique est possible44,Att 21,Mott 8,18,26. Ces stéréotypies sont souvent prises en compte dans le diagnostic45, en particulier dans le cadre d'auto-stimulations, ces comportements étant destinés à diminuer la sensation de stress46. Les enfants peuvent rencontrer des difficultés dans l'apprentissage de l'écriture manuscrite (dysgraphie), comme Hans Asperger l'avait noté dans sa description originale du syndromeAtt 22. Les problèmes de motricité grossière se repèrent généralement assez tard, contrairement à ce qui est observé pour l'autisme infantileMott 4. Au sein des troubles du spectre de l'autisme, la maladresse est surtout documentée chez des Asperger. Il arrive que des adultes Asperger restent incapables d'apprendre à faire du vélo ou d'attraper correctement une balleMott 9. Ils peuvent montrer des problèmes de proprioception (sensation de la position du corps) sur les mesures de dyspraxie (trouble de la planification motrice), l'équilibre, la marche en tandem et l'apposition pouce-index. Il n'y a aucune preuve que ces problèmes de motricité se différencient de ceux des autres personnes TSA18.

Perception sensitive et hypersensibilité

Un enfant se bouchant les oreilles.
L'hyperacousie est présente avec une forte prévalence dans le syndrome d'Asperger47.

Les autistes Asperger ont le plus souvent une excellente perception auditive et visuelle22. Généralement, les enfants avec TSA démontrent une perception accrue des petits changements dans les habitudes telles que les arrangements d'objets ou d'images connues48, mais contrairement aux individus autistes dits « de haut niveau », les Asperger rencontrent des difficultés dans certaines tâches impliquant la perception visuo-spatiale, la perception auditive et la mémoire visuelle18. De nombreux témoignages font part de perceptions et d'expériences sensorielles inhabituelles. Ils peuvent être exceptionnellement sensibles ou insensibles au son, à la lumière et à d'autres stimuli49. Ces réactions sensorielles existent dans d'autres troubles du développement. Il y a peu de données pour étayer l'augmentation de réponse combat-fuite ou l'échec de l'accoutumance ; il y a plus de preuves d'une diminution de la réactivité aux stimuli sensoriels, bien que plusieurs études ne montrent pas de différences50. Les témoignages font état d'une intolérance aux bruits imprévus et incontrôlés, alors que les bruits contrôlés sont beaucoup mieux acceptés51.
Certaines études tendent à établir un lien entre le syndrome d'Asperger et la prosopagnosie, c'est-à-dire la difficulté à identifier des visages52,53.

L'hypersensibilité est plus fréquente pour l’ouïe et le toucherAtt 23. L'hyperacousie est présente dans 69 % des cas et les acouphènes dans 35 % des cas, d'après une étude épidémiologique sur 55 patients47. L'hypersensibilité tactile peut être telle que la personne refuse de se laisser toucher (c'est le cas notamment de Temple GrandinAtt 24), d'embrasser ou de se laisser embrasser sur la joue, de se laisser coiffer ou couper les cheveux (à cause de l'intégrité physique qui est ressentie comme agressée et de la sensation des cheveux coupés qui tombent sur le corps), de tenir certains objets dans les mains (colle, texture de vêtements, etc.)Att 25, ou manifeste une aversion perçue comme exagérée pour les vêtements inconfortables54Hans Asperger a noté que les adolescents qu'il a étudiés détestaient la sensation de l'eau sur leur visage. Cette particularité semble assez courante chez les Asperger et peut entraîner des problèmes d'hygièneAtt 25. Cependant, certaines sensations tactiles peuvent être perçues comme plus agréablesAtt 26.

Plus de la moitié des Asperger ont une sensibilité olfactive et gustative supérieure à la moyenneAtt 26. Ils peuvent se montrer difficiles dans leurs choix alimentairesAtt 27. Entre 18 et 23 % des adolescentes anorexiques présentent aussi des signes de syndrome d'AspergerAtt 23. L'hypersensibilité visuelle est documentée à travers des témoignages de femmes Asperger, qui décrivent leur aversion pour la lumière au néon et pour les supermarchés et grands magasins, à cause du grand nombre d'objets de toutes formes et de toutes couleurs55.

Rapport avec l'imaginaire et la fiction

Un numéro du magazine de science-fiction Amazing Stories.
Les autistes Asperger lisent souvent de la science-fiction.

Les Asperger, peut-être en particulier les femmesHen 2, ont tendance à développer, à partir de capacités souvent meilleures, un imaginaire abondant, qui peut constituer, selon Tony Attwood, une stratégie de compensation du sentiment d'être « socialement déficient », la personne évitant ainsi les troubles d'anxiété. Les enfants ont très souvent des amis imaginairesAtt 28, une particularité relatée dans les témoignages56. Les enfants Asperger peuvent imaginer toutes sortes de situations : Peter Vermeulen cite le cas d'un jeune garçon passionné par l'agriculture qui se mettait en colère parce que ses parents marchaient sur les plantations qu'il imaginait faire pousser sur le sol de son appartementVer 7. Ce rapport à l'imaginaire peut évoluer à travers la lecture d’œuvres de science-fiction et de fantastique, une passion pour l'astronomie et la géographie de pays lointains et inconnus, et par l'écritureAtt 29. La lecture et l'écriture peuvent avoir l'avantage de permettre à la personne Asperger d'explorer les pensées des autresAtt 30.

Cependant, d'après certains critères diagnostiques, les adultes Asperger peuvent, contrairement aux enfants, manquer d'imagination. D'après Tony Attwood, cela se manifeste par l'incapacité à « faire semblant » et à créer de la fiction spontanée, ainsi que par un manque d’intérêt pour la fiction de manière générale, au profit d'aspects linguistiques ou autres purement factuels et d'une sophistication rigide, du moins inadaptée au contexte concretAtt 31, que les causes en soient biologiques ou résultent purement de critères sociaux dans la façon de s'y adapter, en particulier chez les hommes. Les femmes, surtout, peuvent avoir à tout âge un intérêt dans la fictionAtt 32. Certaines deviennent même des autrices à succès en littératures de l'imaginaireAtt 29, une particularité qui ne semble pas notée chez les hommes. Mais la théorie de la déficience de l'imagination est controversée, de nombreux témoignages d'Asperger faisant état, au contraire, d'une imagination fertile et plutôt plus développée que la moyenne, comprenant des visions atypiques, quels que soient l'âge et le sexe. Cela ne signifie pas toujours qu'elle s'exprime et s’extériorise autant, même si elle compense justement des troubles sociaux, verbaux et anxieux57.

Sexualité, identité de genre, vie de couple et parentalité

Articles connexes : Sexualité des personnes autistesDifférences liées au sexe dans l'autisme et Identité de genre des personnes autistes.

D'après la psychologue et sexologue Isabelle Hénault, les personnes Asperger connaissent le même développement de caractères sexuels secondaires et ont les mêmes besoins que les personnes neurotypiques, mais leurs difficultés de communication peuvent limiter les interactions amoureuses et provoquer des comportements inappropriésHen 3. L'expérience de l'identité de genre est modifiée à l'adolescence en raison de la compréhension inadaptée du contexte socio-sexuel, avec cependant les différences liées au sexe dans l'autisme, notamment dans les stratégies d'insertion dans les relations interpersonnelles. Nouer des relations avec la personne aimée est généralement difficile pour un AspergerHen 4 : à l'adolescence, tous ressentent le besoin de plaire mais les neuroatypiques se trouvent souvent dans l'incapacité d'y parvenirAst 1. Ils ne s'intéressent pas en priorité à la mode vestimentaire ni aux codes de séduction associésHen 5, ne perçoivent pas de la même façon le romantisme de certains contextes ou de certaines paroles, et se trompent sur l'interprétation des émotions de leur partenaireHen 6. L'attraction est généralement davantage fondée sur le physique de l'autre que sur le sexeAst 2. Il peut être difficile de trouver des intérêts communs, mais la musique, le théâtre et les animaux (en particulier les chats) peuvent rapprocher les deux personnes du coupleAst 3. Il est rare en revanche qu'un Asperger s'intéresse au sportAst 4. Une autre difficulté se pose à travers la confiance accordée au partenaire, la plupart des Asperger accordant une confiance totale. Ils font souvent preuve d'une grande naïveté, il est ainsi particulièrement aisé de leur mentir. Par contre, une seule trahison de la confiance entraîne le plus souvent une rupture définitive de celle-ciAst 5. Certaines personnes Asperger, surtout des femmes, se désintéressent totalement de l'amour et de la vie de couple58. Bien qu'il n'existe pas d'étude fiable à ce sujet, il est possible que les femmes et hommes autistes et Asperger aient plus souvent une préférence exclusive ou non pour les relations homosexuellesHen 7 que les personnes neurotypiques. En outre, les études sur l'identité de genre des personnes autistes et notamment Asperger montrent que celle-ci est plus souvent caractérisée qu'en population générale par un ressenti fluctuant, fluidenon binaire, non conforme aux normes sociales cis, et par une transidentité.

Durant la vie de couple, le possible manque d'attentions affectives — ou du moins bien comprises — peut pousser leur partenaire à croire qu'il n'est pas aimé. La personne Asperger a souvent tendance à croire que laisser son partenaire dans la solitude est le meilleur moyen de lui permettre de trouver du réconfortAtt 33. Elle peut avoir des difficultés à apporter du soutien émotionnel et à partager des activités familialesAtt 34. Le partenaire Asperger a aussi tendance à cacher ses éventuels sentiments de stress et de tristesseAst 6. Pour toutes ces raisons, l'effet du syndrome peut être dévastateur sur la vie de coupleAst 7.

La sexualité se manifeste plus souvent chez les Asperger que chez les neurotypiques par des routines obsessionnelles, ou au contraire par l'évitement de tout contact intimeHen 8. Les Asperger pratiquent aussi plus souvent l'auto-stimulation sexuelleHen 9. Leur possible hypersensibilité tactile peut entraîner une perception désagréable des relations intimesHen 10.

Concernant la parentalité, peu d'études portent sur le rapport que les personnes Asperger entretiennent avec leurs enfants. Huit femmes Asperger devenues mères ont fait part d'une incompréhension récurrente dans la manière de les élever au mieux, d'un besoin de contrôle sur leur enfant, et d'expériences sensorielles inhabituelles59.

Historique

Une femme aux cheveux blancs et lunettes noires assise devant un micro.
La chercheuse allemande Uta Frith a étudié le syndrome d'Asperger.

Articles détaillés : Histoire du syndrome d'Asperger et Psychopathie autistique.

Les premières descriptions remontent aux années 192060, mais Hans Asperger est le premier à réellement identifier ce syndrome, sous le nom de psychopathie autistique, en 1944. Il fait preuve d'une remarquable précision dans sa description d'un trouble de la personnalitéAtt12 3. Les observations de Hans Asperger restent globalement inconnues jusqu'en 1981, alors que celles de Leo Kanner forment la base de la définition de l'autisme infantile. Durant ce laps de temps, les observations de cas d'autisme « à haut niveau de fonctionnement », ou autisme « atypique », se multiplient. Environ 25 % des personnes diagnostiquées comme autistes ne présentent pas de déficience intellectuelle ni de retard du langage61.

En 1981, la psychiatre britannique Lorna Wing publie une étude concernant 34 cas d'enfants autistes « de haut niveau »62 et utilise le terme de « syndrome d'Asperger ». Les recherches sur l'autisme « de haut niveau » se multiplient notamment dans les pays anglophones, contribuant à faire connaître le syndrome d'Asperger au grand public. Elle étend légèrement la conception qu'Asperger se faisait du syndrome qui porte désormais son nom60. L'article de Hans Asperger est traduit en anglais par Uta Frith en 199163. Cela bouleverse la définition de l'autisme, puisque des personnes avec et sans retard mental (voire surdouées) entrent désormais dans le même « spectre de l'autisme »64. Plusieurs spécialistes travaillent sur la définition de critères diagnostiques fiables61. En tant que trouble envahissant du développement (TED), le syndrome d'Asperger fait son entrée dans la Classification internationale des maladies en 1993, puis dans le DSM-IV en 199461, enfin dans la CFTMEA en 200065.

À la suite d'un célèbre article de Steve Silberman dans Wired en , intitulé « The Geek Syndrome »66, le nom de « syndrome geek » est aussi employé de manière inappropriée en référence au syndrome d'Asperger67. Depuis les années 1990, une « culture Aspie » s'est mise en place à travers des sites internet, des associations et des publications autobiographiques68. La médiatisation des prouesses intellectuelles de nombreuses personnes diagnostiquées, comme Daniel Tammet et Josef Schovanec, a popularisé le syndrome d'Asperger.

Causes et mécanismes

Article détaillé : Causes de l'autisme.

Les causes exactes de l'autisme Asperger restent inconnuesAtt12 5, comme en témoigne le rapport du comité de la revue scientifique NatureThe Autism Enigma (2011)69 : « malgré les progrès réalisés, les efforts pour élucider comment les gènes et l'environnement influencent le développement de l'autisme sont encore loin d'atteindre leur but70 ». Plusieurs facteurs sont soupçonnés de jouer un rôle dans l'expression de l'autisme, compte tenu de la variabilité phénotypique observée chez les personnes avec Syndrome d'Asperger (SA)18,71. D'après Tony Attwood : « le syndrome d'Asperger n'a pas une origine psychogène, mais bien plutôt une étiopathogénie impliquant des mécanismes génétiques et des anomalies cérébrales » (2012)Att12 5. Les facteurs environnementaux sont soupçonnés d'influencer l'ensemble du cerveau, plutôt qu'une partie précise. Il est possible que le mécanisme du syndrome d'Asperger soit séparé des autres troubles du spectre de l'autisme (TSA)72.

De nombreux éléments étayent l'hypothèse d'une transmission génétique, les membres de la famille des personnes diagnostiquées Asperger présentant souvent un ou plusieurs symptômes73Hans Asperger l'avait remarqué. Il reste à découvrir les mécanismes génétiques précis qui sont impliquésAtt12 5. Les recherches s'orientent sur des mécanismes communs avec l'autisme classique. Un manque de cofacteur à molybdène (MOCO) pourrait entraîner l'hypersensibilité au stress oxydatif, une diminution du nombre de synapses et une neurotransmission anormale74. L'Acide γ-aminobutyrique (GABA) semble lui aussi touché, ce qui induirait les difficultés à gérer et à supprimer les images visuelles, et la tendance à se focaliser sur des détails75. Le syndrome d'Asperger pourrait dépendre de composantes génétiques dominantes sur celles de l'autisme classique18. Il y a probablement un groupe commun de gènes et notamment d'allèles qui induisent une susceptibilité au développement du syndrome d’Asperger (SA) ; si tel est le cas, la combinaison particulière d'allèles déterminerait l'ampleur des symptômes pour chaque individu73. Certains chercheurs mettent en cause le chromosome 6 humain18,76,77 et la flore intestinale78,79. Des recherches publiées en  ont révélé une similitude entre les gènes impliqués dans l'autisme et ceux de l'intelligence, ce qui pourrait expliquer les performances cognitives parfois étonnantes des personnes autistes sans déficience intellectuelle80. Contrairement à la théorie qui a longtemps prévalu, les mères d'enfants Asperger n'ont aucune responsabilité dans les troubles de leur enfantAtt12 6.

Plusieurs représentations conceptuelles des mécanismes du syndrome ont été proposées. La théorie d'une « faible cohérence centrale » (déséquilibre spécifique dans l’intégration des informations à différents niveaux), émise par Uta Frith en 1989, a été depuis largement remise en cause, notamment par les capacités de mémorisation des personnes AspergerAtt 35. Une anomalie liée à la théorie de l'esprit (incapacité à comprendre normalement ce qui est émis par l'autre selon Uta Frith et Simon Baron-Cohen, incapacité à émettre des éléments recevables par l'autre donc à être compris normalement selon Tony Attwood), semble être à l'œuvre. Simon Baron-Cohen penche plutôt pour un cerveau « hypermasculin », caractérisé par une empathie dysfonctionnelle et une plus grande aptitude à « systémiser »81. La théorie d'une « motivation sociale très diminuée » connaît une certaine popularité82. Aucune de ces deux théories n'est très reconnue.

Difficultés pré et post-natales, facteurs environnementaux

Dans sa première publication sur le sujet en 1981, Lorna Wing a noté que bon nombre de mères d'enfants Asperger avaient vécu une grossesse difficile, pouvant être à l'origine d'un développement cérébral atypique chez l'enfant62. Une étude ultérieure montre que 31 % des mères ont vécu des complications durant leur grossesse, 60 % ayant rencontré des problèmes divers jusqu'à l'accouchement83. La comparaison de la taille et du poids des enfants (facteurs obstétriques) n'a donné aucun résultat concluant84, bien que plus de bébés que la moyenne naissent avec une macrocéphalie (un crâne plus développé que la normale). Plus d'un Asperger sur quatre présente un développement du périmètre crânien plus rapide qu'un bébé neurotypique, qui redevient normal après l'âge de 5 ans85. Il semble aussi que les cas de syndrome d'Asperger soient plus fréquents lorsqu'il s'agit de naissances prématurées ou après terme83.

Quelques cas de syndrome d'Asperger ont été liés à une exposition à des facteurs tératogènes (agents causant des maladies congénitales) pendant les huit premières semaines qui suivent la conception. Bien que cela n'exclue pas la possibilité que les troubles du spectre de l'autisme (TSA) soient initiés plus tard, ils sont fortement soupçonnés de se développer très tôt dans le développement de l'enfant86. De nombreux facteurs environnementaux sont soupçonnés d'influencer le développement du syndrome après la naissance, mais aucun n'a pu être mis en évidence87.

Différences cérébrales

Comparaison des zones de compréhension orale et visuelle du cerveau neurotypique et du cerveau Asperger.

Les études neurologiques (en imagerie cérébrale notamment) ont mis en évidence un dysfonctionnement du cerveau social chez les personnes Asperger, touchant plus particulièrement le lobe frontal et les régions temporales du cortex. Le réseau qui relie le médial préfrontal au cortex temporal, impliqué dans l'intuition et la théorie de l'esprit, présente une activation réduite et une mauvaise connectivité22. Un dysfonctionnement du cervelet est également évoqué, il serait impliqué dans la maladresse et les problèmes de coordination des mouvements, entraînant une insuffisance dans la capacité à associer les entrées sensorielles avec les commandes motrices appropriés88. L'amygdale et les ganglions de la base ont été mis en cause, aboutissant à la conclusion que « la connectivité fonctionnelle des structures du lobe temporal médian est spécifiquement anormale chez les personnes atteintes du syndrome d'Asperger »89. Des recherches plus anciennes avaient penché pour un dysfonctionnement de l'hémisphère cortical droit, rapprochant ce syndrome du trouble de l'apprentissage non-verbal90. Enfin, d'autres anomalies ont été détectées au niveau du système dopaminergique pour ce qui concerne la dopamine présynaptique. Elles sont similaires à celles que l'on constate dans les cas de schizophrénie91. Des études préliminaires s'orientent sur l'élargissement des aires temporales et pariétales, et l'augmentation de la matière griseAtt12 2.

Anomalies liées à la théorie de l'esprit

Exemple de manque d'empathie lorsqu'un autiste Asperger répond à une question impliquant de l'émotionnel.

Article détaillé : Empathie des personnes autistes.

La théorie de l'esprit se définit par la capacité à reconnaître et comprendre les pensées, les croyances, les désirs et les intentions des autres. C'est donc un pré-requis à la « capacité d'empathie »Att12 7. L'hypothèse d'un manque ou d'une absence de théorie de l'esprit est affinée dans le cadre du syndrome d'Asperger : « les données expérimentales suggèrent que les personnes avec syndrome d'Asperger peuvent manquer de théorie intuitive de l'esprit (mentalisation), mais peuvent être en mesure d'acquérir une théorie explicite de l'esprit »Trad 2,22. Le dysfonctionnement de l'amygdale semble impliqué92.

Les personnes diagnostiquées avec un syndrome d'Asperger atteignent le même niveau de performance que les sujets contrôles à certains tests simples de la théorie de l'esprit, mais elles échouent plus souvent aux tests complexes, témoignant d'un « déficit sélectif pour interpréter les intentions d’autrui »93. Ils obtiennent de moins bons résultats dans l'empathie cognitive (la compréhension des émotions de l'autre) mais sont dans la moyenne sur l'empathie affective. Le déficit affecte spécifiquement la reconnaissance des émotions positives94.

Selon Uta Frith et F. Happe, il est possible également que les Asperger aient une conscience d'eux-mêmes différente des personnes neurotypiques, car faisant appel à l'intelligence et à l'expérience plutôt qu'à l'intuition. Elle se révélerait naturellement plus proche de celle d'un philosophe95Tony Attwood adhère à cette vision et cite en exemple les autobiographies des personnes Asperger, dont les qualités sont « quasiment philosophiques »Att 36.

Diagnostic

Article détaillé : Diagnostic du syndrome d'Asperger.

Les parents d'enfants Asperger repèrent classiquement des différences dans le développement de leur enfant dès l'âge de 30 mois71. Un examen de routine par un médecin généraliste ou un pédiatre peut permettre d'identifier des symptômes qui demandent des examens complémentaires18,73. Le diagnostic du syndrome d'Asperger est complexifié pour de nombreuses raisons. Considéré comme situé dans la partie haute des troubles du spectre de l'autisme (TSA), à la différence de l'autisme de Kanner, ou autisme infantile classique, il est plus difficile à repérer car ne s'accompagne pas d'un retard mentalMott 10. Cette difficulté réside dans le caractère invisible des troubles du spectre de l’autisme sans déficience intellectuelle, une spécificité soulignée par de nombreux spécialistes96,Ver 8. Le syndrome d'Asperger est donc souvent qualifié de « handicap invisible »97. L'éducatrice spécialisée Carol Gray et le psychologue Tony Attwood ont proposé dans les années 1990 des critères de diagnostic tenant compte de découvertes récentes98. Plusieurs instruments de dépistage existent99 …

source wikipedia

photo : Par Poindexter Propellerhead, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3049460