Le « communisme » selon Mulliez…. : journal « L’Humanité »….
Alors que la maison-mère d’Auchan, le groupe ELO inscrit dans la galaxie Mulliez, dit ne pas avoir distribué de dividendes cette année, plus d’un milliard d’euros ont, entre 2021 et 2023, été versés, répartis entre la grande famille (98 %) et les 50 000 salariés actionnaires (2 %).
Côté participation, le panier pour les employés à temps complet culminait à 17,84 euros l’année dernière. Puis, quand il faut éponger des pertes dues à la guerre en Ukraine, & des menaces sur leur filiale russe, ou des stratégies hasardeuses, comme leurs projets d’absorption de concurrents, les mains des héritiers ne tremblent pas : l’annonce, début novembre 2024 de 2 389 suppressions d’emplois en France.
Visitant le village Potemkine des Mulliez à Roubaix (Nord), une consœur avait repéré là-bas, en 2021, un modèle de « communisme familial »… En réalité, on est à des années-lumière du communisme.
Pour l’économiste Benoît Boussemart dans son livre sur cette lignée du capitalisme français paru en 2008 : la fortune des Mulliez a, doublant tous les cinq ans, connu une progression fulgurante .
Selon Challenges, les Mulliez disposent d’une fortune de 28 milliards d’euros, un chiffre en hausse de 8 milliards par rapport à 2023.
Pour L’Humanité, Benoît Boussemart, qui suit toujours avec acuité l’évolution du mastodonte français, a actualisé sa propre valorisation de la richesse familiale : 52 milliards d’euros .
Une architecture complexe et opaque, y compris pour la justice
Loin des sagas narrant un génie génétique pour « l’entrepreneuriat », la réussite des Mulliez doit, beaucoup à l’architecture extrêmement sophistiquée d’un groupe qui refuse de dire son nom : sous le contrôle de l’Association familiale Mulliez, un chapelet avec des sociétés en commandite par actions, des dizaines de surholdings et de holdings, des centaines de filiales et sociétés civiles ou commerciales, ..
Et des plaques tournantes avec des boîtes domiciliées dans des paradis fiscaux comme le Luxembourg ou les Pays-Bas..
En 2012, une dénonciation émanant, après son divorce, d’un ex-membre de la famille a poussé la justice, d’abord à Lille puis à Paris, à ouvrir une enquête sur des soupçons d’abus de confiance et de blanchiment de fraude fiscale.
…pour promettre de pénétrer un peu au cœur d’un conglomérat tentaculaire où beaucoup des entités ne publient pas leurs comptes.
Après une dizaine d’années d’investigations, doublées de perquisitions, en France, & aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg, pour démêler les montages et l’organisation des entreprises liées aux Mulliez, le juge d’instruction a fini, à la mi-août 2024, par rendre une ordonnance de non-lieu…
Mais l’optimisation fiscale fonctionne à plein régime…
Selon les dossiers OpenLux, révélés en 2021 des médias internationaux, dont Le Monde pour la France, les membres de la famille Mulliez comptent des dizaines de sociétés immatriculées au Grand-Duché.
Une manière de bénéficier potentiellement d’exonérations fiscales sur les dividendes et les plus-values. Mieux connu encore, un autre procédé pour se soustraire à la solidarité nationale fait depuis bien longtemps fureur chez les Mulliez. « Agglutinés à 700 mètres de la dictature robespierrienne honnie, les Mulliez sont les exilés fiscaux les plus fainéants de France », écrit Marco Van Hees dans son "Guide du richard ".
Dans un chapitre consacré aux Français qui ont pris leurs quartiers outre-Quiévrain, l’ex député fédéral du Parti du Travail de Belgique (PTB) qui avait organisé un Rallye des Millionnaires, raconte la rue Reine Astrid à Néchin, rebaptisée « boulevard des Mulliez », tant ils sont nombreux sur cette artère… Avec l’aimable autorisation de Marco Van Hees et de son éditeur, L’Humanité vous propose d’en découvrir quelques extraits.
« Sans moi, la France ne tournerait pas », lance Gérard Mulliez aux jeunes communistes
Gérard Mulliez, toujours patriarche et fondateur d’Auchan, n’a pas sauté la frontière. Et on peut le croiser à Lille (Nord). En 2015, il avait déboulé à une réunion des jeunes communistes à l’Espace Angela Davis. « C’était mon deuxième conseil départemental de la JC, et on voit ce gars sortir de sa Range Rover avec chauffeur pour faire irruption dans notre salle, se remémore Soizic Lozachmeur. Sur le moment, personne ne le reconnaît, et il se met à nous alpaguer, en nous reprochant d’être méchants avec lui. » Puis le gaillard pointe une affiche, avec sa tête et un qualificatif – « actionnaire milliardaire » -, qui en appelle à la justice fiscale. « Je suis Gérard Mulliez, je crée des emplois et sans moi, la France, elle ne tournerait pas », lance-t-il alors. La jeune communiste avait, comme ses camarades, été estomaquée par le culot : « Il nous engueulait comme du poisson pourri, on était des cons qui allions causer la ruine du pays. Je me souviens aussi que…des camarades avaient murmuré l’idée de le séquestrer. Mais ça, on ne l’a pas fait ! »
source : l'Humanité / TH. Lemahieux
photo : D.R.