« Jeanne Dielman 23 quai du Commerce 1080 Bruxelles » : organiser sa vie pour n’avoir aucun temps libre afin de repousser l’obsession de la mort
Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles est un film franco–belge de Chantal Akerman, réalisé en 1975. Il est le plus souvent désigné sous le titre Jeanne Dielman.
Il est élu en 2022 meilleur film de tous les temps dans le classement décennal établi par Sight and Sound, la revue du British Film Institute, et régulièrement considéré comme l'un des films les plus signifiants de la réalisatrice et de la décennie 1970.
Synopsis
Le film montre les tâches quotidiennes, répétitives et aliénantes, d'une femme, veuve et mère d'un lycéen. Pour arrondir ses fins de mois, elle se prostitue chez elle, sur rendez-vous. Elle s'est enfermée dans une vie sans plaisir, jusqu'au jour où son quotidien va commencer à se dérégler1,2,3.
Fiche technique
- Titre : Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles
- Réalisatrice : Chantal Akerman
- Scénario : Chantal Akerman
- Dialoguiste : Chantal Akerman
- Sociétés de production : Paradise Films (Bruxelles) et Unité Trois
- Producteurs : Guy Cavagnac, Évelyne Paul et Corinne Jenart
- Producteurs exécutifs : Alain Dahan, Liliane de Kermadec et Paul Vecchiali
- Distributeur d'origine : Olympic Films
- Directrice de la photographie : Babette Mangolte
- Cadreuses : Bénédicte Delesalle et Nicole Geoffrey
- Lumières : Renelde Dupont et Guy Hiernaux
- Son direct : Benie Deswarte et François Van Thienen
- Monteur son : Alain Marchal
- Mixeur : Jean-Paul Loublier
- Directeurs artistiques : Philippe Graff et Jean-Paul Ferbus
- Décorateur : Philippe Graff
- Costumes : Philippe Graff
- Assistants réalisateurs : Marilyn Watelet, Serge Brodsky et Marianne de Muylder
- Monteuse : Patricia Canino
- Langue : français
- Pays d'origine : Belgique, France
- Genre : drame
- Durée : 201 minutes
- Sortie : 1976
Distribution
- Delphine Seyrig : Jeanne Dielman
- Jan Decorte : Sylvain Dielman
- Henri Storck : le premier client
- Jacques Doniol-Valcroze : le deuxième client
- Yves Bical : le troisième client
Origine et reconnaissance internationale
« Je me retournais dans mon lit, inquiète. Et brusquement, en une seule minute, j'ai tout vu Jeanne Dielman… » (Chantal Akerman, dans le Nouvel Observateur en septembre 1989).
« Premier chef-d'œuvre au féminin de l'Histoire du cinéma », selon le journal Le Monde lors de la sortie du film4, Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles est une description méticuleuse, en illusion de temps réel (proche de l'hyperréalisme), de l'aliénation. D'après la cinéaste, « c'est un film sur l'espace et le temps et sur la façon d'organiser sa vie pour n'avoir aucun temps libre, pour ne pas se laisser submerger par l'angoisse et l'obsession de la mort »5.
Gus Van Sant et Todd Haynes ont déclaré que leur œuvre était influencée par Jeanne Dielman6. Gus van Sant en particulier explique qu'il s'est inspiré du dispositif de filmage de Jeanne Dielman pour Last Days7 : son chef-opérateur, Harris Savides, ayant observé que le film de Chantal Akerman est une succession de plans fixes pour lesquels la caméra, à chaque séquence se déroulant au même endroit, est positionnée à l'identique (pas plus de deux champs différents pour un même lieu)7, ils ont décidé de tourner ainsi l'ensemble de Last Days7.
En , le magazine de cinéma britannique Sight and Sound classe Jeanne Dielman meilleur film de tous les temps3,8,9,10.
Réception critique récente
Le film ressort en salle en France en version restaurée et numérisée au mois d'avril 2023. Il intéresse vingt mille spectateurs en quelques mois3. Libération publie un entretien avec Babette Mangolte, cheffe opératrice du film, qui retrace son histoire et son tournage en rappelant ses liens avec le cinéma expérimental américain et avec les mouvements féministes11. La réception du film à sa ressortie est généralement très enthousiaste. L'article de Mathieu Macheret dans Le Monde insiste sur la dimension politique du huis-clos et relève l'actualité du film12. Raphaël Bassan relie, dans l'Encyclopædia Universalis (2023), les univers d'Akerman et de Seyrig13, cette osmose donnant sa colonne vertébrale au film, où est notamment évoquée la mère de la cinéaste.
Parmi les avis négatifs, on peut citer l'article d'Éric Neuhoff dans Le Figaro, qui déconseille le film, le jugeant « assommant »14.
Autour de Jeanne Dielman
- Making of de Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles, réalisé par Sami Frey en 1974, France-Belgique, 60 min, en noir et blanc.
- Le film 35 mm a été transféré en 2003 sur DVD.
Références
- ↑ Isabelle Regnier, « Making of Jeanne Dielman, manifeste féministe de Chantal Akerman [archive] », sur Le Monde, .
- ↑ J. Ma., « Charmes et servitude : le huis clos du foyer en sept films. Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1975) : une épopée de la servitude domestique [archive] », sur Le Monde, .
- ↑ Revenir plus haut en :a b et c Clément Ghys, « La seconde vie du film Jeanne Dielman , chef-d’œuvre de Chantal Akerman [archive] », sur Le Monde,
- ↑ L. M., « Comment dit-on chef d'œuvre au féminin ? [archive] », sur Le Monde, .
- ↑ Sylvie Braibant, « Chantal Akerman, cinéaste de l'invisible [archive] », sur TV5 Monde, .
- ↑ Chantal Akerman, autoportrait en cinéaste, Paris, éditions du Centre Georges Pompidou, Éditions des Cahiers du cinéma, 2004, pages 179 et 180.
- ↑ Revenir plus haut en :a b et c Philippe Garnier, « Gus Van Sant à l'intuition [archive] », sur Libération, (consulté le ).
- ↑ « Le «meilleur film de tous les temps» est belge [archive] », sur Le Soir, (consulté le ).
- ↑ « “Jeanne Dielman” de Chantal Akerman sacré meilleur film de tous les temps [archive] », sur Les Inrockuptibles, (consulté le ).
- ↑ « Jeanne Dielman, de Chantal Akerman, élu meilleur film de l’histoire : enfin une réalisatrice au sommet [archive] », sur Télérama, (consulté le ).
- ↑ Camille Nevers, «Avec Chantal Akerman, on voulait réaliser des films entre femmes, entre exclues. Entretien avec Babette Mangolte» [archive], sur Libération (consulté le ).
- ↑ « « Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles », l’aliénante condition ménagère d’une femme des années 1970 », Le Monde.fr, 2023-04 19.
- ↑ « Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles » [archive], sur Encyclopædia Universalis,
- ↑ « Jeanne Dielman: le film de Chantal Akerman dont on peut se passer [archive] », sur Le Figaro, (consulté le ).
Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles
"Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles", un chef-d'œuvre de Chantal Akerman élu "meilleur film de tous les temps" par la revue britannique Sight and Sound en 2022. Une œuvre majeure du cinéma.
Un portrait désespéré du quotidien féminin
Réalisé en 1975 par Chantal Akerman, Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles est le quotidien désespérant de Jeanne Dielman, une veuve ,mère d’un adolescent, incarnée avec une grande intensité par Delphine Seyrig.
Jeanne mène une vie monotone et réglée presque maniaque : elle fait le ménage, cuisine, et reçoit des clients occasionnels, vendant son corps pour subvenir aux besoins de son foyer.
Sur près de 3 heures et 20 minutes, le film déploie une narration lente et dépouillée, s’attardant sur chaque geste de Jeanne. La caméra, souvent statique, capte avec une précision presque hypnotique les rituels domestiques et les micro-détails de son existence.
Mais derrière cette façade d’apparente normalité, le film instille une tension insidieuse. La répétition devient étouffante, et les failles du personnage se dévoilent peu à peu, jusqu’à un final dramatique.
source : wikipedia
photo : pixabay