Une grande perte pour le Liban : Georges Corn
Historien, politiste, juriste, l’ancien ministre des Finances libanais (1998-2000) Georges Corn a marqué le XXe siècle arabe.
Son histoire personnelle se confond avec celle du Levant : né à Alexandrie en 1940, il était issu d’une famille maronite qui avait fait souche en Égypte.
Il fit de l’expédition militaire franco-britannique lors de la crise de Suez 1956 un moment clé de sa réflexion sur les rapports Orient/Occident.
De sa formation chez les jésuites, puis à Sciences Po Paris, il en a tiré une maîtrise de l’économie politique et de l’histoire des idées.
Imprégné de la pensée de Karl Popper (1902-1994), de Hannah Arendt (1906-1975), d’intellectuels libanais comme le journaliste Georges Naccache (1902-1972) et le prêtre Youakim Moubarac (1924-1995), Georges Corm a évolué à contre-courant de la doxa officielle.
Il fit de la lutte contre le colonialisme, les idéologies radicales, les inégalités sociales et l’instrumentalisation du religieux à des fins politiques une constante. Mais il fut rattrapé par les démons du confessionnalisme qui ravagèrent son pays lors de la guerre civile (1975-1990). On peut lire ses premiers ouvrages sur le drame libanais comme une tentative de résistance, un manifeste d’autodéfense contre les lectures manichéennes et stéréotypées. À
Paris, Georges Corm demeurait accessible et humain. Toujours disponible pour un entretien, une discussion à Sciences Po Paris et à l’université Saint-Joseph de Beyrouth, il éveilla de nombreuses vocations chez ses étudiants
. Au nom d’une vision universelle des Droits de l’homme et de la laïcité, lecteur d’Ibn Khaldoun (1332-1406) et de Louis Massignon (1883-1962), il ne pouvait adhérer au « clash des civilisations ». L’hypocrisie occidentale, le sionisme dans son expression colonisatrice et le fondamentalisme islamique exerçaient chez lui une horreur comparable
source : Tigran Yégavia.