Le compositeur & chef d’orchestre Garbis Aprikian nous a quittés
Nous avons appris avec une grande tristesse le décès du maestro Garbis Aprikian, éminent compositeur et chef d’orchestre, qui nous a quittés à l’âge de 98 ans, ce matin à 9h à son domicile de Malakoff.
Sa disparition marque une perte immense pour la communauté arménienne et pour le monde musical.
Né à Alexandrie en 1926, Garbis Aprikian a très tôt manifesté un talent exceptionnel pour la musique. Formé dans les meilleures écoles musicales, il a consacré sa vie à l’interprétation et à la préservation du patrimoine musical arménien. Fondateur de plusieurs ensembles musicaux dont pendant plus de cinquante ans le célèbre chœur mixte arménien de Paris Sipan-Komitas, il s’est distingué par son travail de direction d’orchestre, tout en composant des œuvres qui résonnent avec les racines profondes de la culture arménienne.
Durant sa carrière, il a dirigé de nombreux chœurs et orchestres à travers le monde, notamment en France, son pays d’adoption, ainsi qu’en Arménie, apportant une touche unique aux œuvres classiques tout en les enrichissant de ses propres compositions.
Garbis Aprikian est reconnu non seulement pour sa maîtrise technique, mais aussi pour la profondeur émotionnelle de ses interprétations, qui touchaient le cœur de tous ceux qui l’écoutaient.
Parmi ses œuvres les plus marquantes, on peut citer La Naissance de David de Sassoun, un oratorio pour soli, deux chœurs et orchestre qui a été donné pour la première fois en 1994 à Paris, au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne ou Apegha’n, n drame lyrique en un acte, entièrement remanié, orchestré et complété, d’après l’esquisse du manuscrit de Parsegh Ganantchian.
Ces œuvres resteront dans les mémoires comme des piliers de la musique arménienne contemporaine. Sa capacité à allier tradition et modernité a permis de faire rayonner la culture arménienne bien au-delà de ses frontières.
Garbis Aprikian était aussi un fervent défenseur de l’enseignement musical.
Il a formé de nombreux élèves, transmettant avec passion son savoir et son amour pour la musique. Son héritage se perpétuera à travers les générations de musiciens qu’il a inspirées.
Le maestro s’était notamment vu nommé Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres. La décoration lui avait été remise par Philippe Meyer lors d’une réception à l’ambassade d’Arménie le 8 octobre 2021. Il avait également reçu le 29 septembre dernier la Grande Médaille de Vermeil de la Ville de Paris,
En cette période de deuil, nos pensées vont à sa famille, à ses proches, et à tous ceux qui ont eu la chance de croiser son chemin. Garbis Aprikian laisse derrière lui une empreinte indélébile dans le monde de la musique et dans le cœur de tous ceux qui ont été touchés par son art et naturellement parmi les Arméniens qui perdent avec lui une de leurs figures emblématiques.
source : JP. D.
——————————————————————
à Alexandrie, Garbis Aprikian participe très jeune à la vie culturelle et artistique de cette ville cosmopolite.
Il fait ses études primaires à l'école nationale arménienne « Boghossian », puis au Collège américain. Dès l'âge de dix ans, il commence un sérieux apprentissage musical auprès d’un élève de Pietro Mascagni, le maestro Frapicini qui se charge de son éducation artistique : piano, puis harmonie, contrepoint et fugue.
En 1948, Garbis Aprikian fonde le chœur mixte Hamazkaine avec lequel il donne, à Alexandrie et au Caire, une série de concerts. Le succès rencontré incite les membres de l'association Houssaper à lui attribuer une bourse pour parfaire sa formation en Europe. Garbis Aprikian arrive à Paris en 1953, où il travaille la composition et la direction d'orchestre à l'École normale de musique avec Simone Plé-Caussade, Tony Aubin et Jean Fournet et suit au Conservatoire national supérieur de musique les cours d'esthétique musicale d'Olivier Messiaen.
Le chœur mixte arménien de Paris Sipan-Komitas le sollicite alors pour remplacer Kourkène Alemshah, chef et compositeur de talent disparu à la fleur de l'âge. Depuis lors, sa vie et son œuvre sont indissociables des activités du chœur qu'il dirige.
Avec la Chorale Sipan-Komitas, il participe aux festivals d'Avignon, abbaye de Sénanque, Abbayes normandes, Rennes, Cannes, Venise, Art Sacré de la Ville de Paris, ainsi qu'au 3e Congrès international de musique sacrée. Il donne des concerts à Bruxelles, Genève, Bâle, Zurich, Munich, Amsterdam, Venise. Il est invité en 1991, pour la première fois, par les autorités arméniennes à se rendre à Erevan, où il interprète, lors d'un concert à côté de ses propres œuvres, celles de compositeurs de la diaspora.
Pour le chœur, Garbis Aprikian compose et harmonise des mélodies populaires et d'anciens chants patriotiques, plus de deux cents œuvres religieuses, profanes ou folkloriques. Parmi ses œuvres les plus importantes, La Naissance de David de Sassoun, un oratorio pour soli, deux chœurs et orchestre a été donné pour la première fois en 1994 à Paris, au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne. En 2001, Garbis Aprikian dirige cette œuvre en la Basilique Notre-Dame de Montréal au Québec. En 2007, cet oratorio fait l'ouverture du 12e Festival de musique sacrée et est interprété par l'Orchestre philharmonique de Marseille.
En , l'académie de littérature de Norvège demande à Garbis Aprikian et à Sipan-Komitas d'illustrer musicalement le remise du prix Bjornson décernée cette année-là, au journaliste Hrant Dink.
La dernière œuvre de Garbis Aprikian est Apegha'n, un drame lyrique en un acte, entièrement remanié, orchestré et complété, d'après l'esquisse du manuscrit de Parsegh Ganantchian.
Le , lors de son concert d'adieu en l'église Saint-Vincent-de-Paul de Paris, Garbis Aprikian passe à Haïk Sarkissian la baguette de direction de la Chorale Sipan-Komitas dont il devient lui-même directeur artistique honoraire.
photo : Armineh JOHANNES