Léo Ferré : l’Affiche Rouge (paroles de Louis Aragon) disque Barclay
https://youtu.be/Tj5XwjOuq7s?s
Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui va demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Louis Aragon
(Erivan / Erevan est la capitale de l'Arménie)
L'Affiche rouge est une chanson chantée en 1961 d'abord par Monique Morelli, et ensuite par Léo Ferré compositeur du titre1, sur le texte du poème Strophes pour se souvenir de Louis Aragon écrit en 19552.
Cette chanson rend hommage aux immigrés résistants FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – Main-d'œuvre immigrée) du « Groupe Manouchian », fusillés au Mont Valérien le 21 février 1944 durant l'Occupation, quelques mois avant la Libération de Paris.
Contexte
En février 1951 paraît le livre Pages de gloire des 23 , première publication rappelant l'action des combattants des FTP-MOI, résistants parisiens fusillés le 21 février 19443, dont le tiers était polonais. Leur chef de file était l'Arménien Missak Manouchian, d'où leur nom de "Groupe Manouchian".
Quelques jours après la publication de Pages de gloire des 23, le conseil municipal de Paris débat le 4 d'une proposition, pour qu'une rue de Paris reçoive le nom de « Groupe Manouchian ». Un comité de soutien à la proposition réunit les conseillers municipaux du XXe arrondissement Albert Ouzoulias, ex soldat de Michel Manouchian, et Madeleine Marxin, rejoint par le FTP MOI de Toulouse, Claude Lévy. Mais sans succès.
Deux ans après, Claude Lévy, devenu un collaborateur du célèbre biologiste Frédéric Joliot-Curie, rédige en 1953 avec son frère aîné, l'éditeur d'art Raymond Lévy qui était dans la même 35e brigade FTP, dix nouvelles reprenant des épisodes authentiques de la Résistance5. La première raconte l'histoire de Michel Manouchian et son groupe. Communistes, les deux frères rejettent les offres de différents éditeurs pour s'adresser à Louis Aragon, directeur des Éditeurs français réunis mais il leur répond : « On ne peut pas laisser croire que la Résistance française a été faite comme ça, par autant d'étrangers. Il faut franciser un peu6 ». Aragon avait en août 1951 préfacé la réédition d'un livre de lettres de fusillés, déjà paru en 1946, mais prenant la décision d'expurger celles des combattants FTP MOI.
Genèse du poème
Finalement, le 7, la mairie de Paris vote la réunion des impasses Fleury et du Progrès, dans le XXe, en une unique rue du Groupe-Manouchian. Louis Aragon est invité à l'inauguration mais le directeur des Lettres françaises, étant à Moscou, ne reçoit pas l'invitation à temps. A son retour, il écrit à Claude Lévy. « Utilisez mon nom, demandez-moi ce que vous voulez8 » et ce dernier lui suggère d'écrire un poème
Aragon écrit alors ce poème. L'Humanité le publie à l'inauguration de la rue du Groupe Manouchian à Paris9, le 6 mars 195510, en le titrant "Strophes pour se souvenir", puis l'inclut dans son recueil Le Roman inachevé paru en 195611.
La chanson de Léo Ferré
Ce projet, évoqué dans l'émission radiophonique Avant-premières sur Paris-Inter en , ne sort finalement que dans l'album Les Chansons d'Aragon, en février 1961, sous le titre L'Affiche rouge, « l'une des chansons les plus célèbres » du répertoire de Léo Ferré12, qui fait décoller son succès13,14.
Bibliographie
Références
- ↑ "Léo Ferré. Amour, anarchie", par Dominique Mira-Milos, en 1989 [1] [archive]
- ↑ www.poésie-française Louis Aragon / L'affiche rouge [archive]
- ↑ "Retour sur l’Affiche rouge – Aimer la vie à en mourir", par Jean Pierre Debourdeau, 19 février 2004 [2] [archive]
- ↑ Table des débats. 1949-1959., p. 121, Hôtel de ville de Paris.
- ↑ R. & Levy , Une histoire vraie : nouvelles., Les Éditeurs français réunis, Paris, 1953.
- ↑ J. P. Liégeois, « Censure : Communistes, si vous saviez… [archive] », in L'Unité, no 607 [archive], p. 4 Parti socialiste français, Paris, 7 juin 1985.
- ↑ Table des débats. 1952-1955., p. 1776, Hôtel de ville de Paris.
- ↑ J. P. Liégeois, « Censure : Communistes, si vous saviez… [archive] », in L'Unité, no 607 [archive], p. 5 Parti socialiste français, Paris, 7 juin 1985.
- ↑ "Un "terroriste" arménien en France : Missak Manouchian", par Jacques Poitou, en 2018 [3] [archive]
- ↑ L. Aragon, « Groupe Manouchian », in L'Humanité, p. 1, Paris, 6 mars 1955.
- ↑ "Le roman inachevé" par Louis Aragon aux Editions Gallimard, en 1956.
- ↑ "Rino Della Negra, footballeur et partisan. Vie et mort d’un jeune footballeur des FTP-MOI du « groupe Manouchian » (1923-1944)" par Jean Vigreux et Dimitri Manessis, chez Libertalia en 2022 [4] [archive]
- ↑ "Dictionnaire amoureux de la chanson française" par Bertrand Dicale en 2016 chez Place des éditeurs en 2016 [5] [archive]
- ↑ "Jean Ferrat, le charme rebelle" par Raoul Bellaïche, en 2013 chez L'Archipel [6]
sources : B.F. / wikipedia