« Un génocide c’est masculin » (Renaud) : pourquoi ?
Ces dernières semaines, nous avons été témoins d’actes terroristes d’une rare ampleur. On le sait, il n’y a pas
une cause unique à la violence, qui a d’ailleurs fait l’objet de recherches dans di- verses disciplines avec une grande variété de théories. Cependant, il y a un fait récurrent qui a forcément dû attirer votre attention, c’est que la violence physique, qu’elle soit in- dividuelle ou collective, comme les agres- sions, les viols, les guerres, les conflits armés, les génocides ou le terrorisme, est un phéno- mène quasi essentiellement masculin. Et pourtant, la question du genre est largement ignorée dans les recherches sur la violence.
Les femmes, lorsqu’elles sont mention- nées au détour d’actes terroristes, se trou- vent le plus souvent associées aux enfants et aux personnes âgées, et sont du côté… des victimes. Récemment, une femme (ce n’est peut-être pas un hasard), chercheuse à l’université de Munich, en Allemagne, Anne Maria Möller-Leimkühler, a tenté de com- prendre pourquoi le terrorisme, qu’il soit perpétré de manière isolée ou en groupe, était surtout une affaire d’hommes.
Au-delà des facteurs biologiques, psycho- logiques et sociologiques de la violence, cette chercheuse s’intéresse également à la question de l’humiliation prétendue des ter- roristes, qui les pousserait à agir. Elle rap- pelle que dans la majeure partie des cultu- res, mais aussi chez les femmes, l’humilia- tion quelle qu’elle soit ne pousse pas à tuer. En revanche, ce qui semble générer claire- ment la violence chez les hommes terroris- tes est le discours politico-religieux fonda- mentaliste qui les convainc que commettre des attentats les rendra plus puissants.
Une hypermasculinité destructrice
Pour ces fondamentalistes, la masculinité, fragilisée par la culture occidentale, la laïcité, les femmes, la mondialisation, la moder- nité, pourrait être restaurée voire transfor- mée en une hypermasculinité destructrice par des actes d’une violence extrême à même d’ériger leurs auteurs en héros, ven- geurs, guerriers, au nom d’un Dieu ou d’un objectif qui les dépasse.
Mais qu’en est-il du cerveau des hommes ? Serait-il organisé d’une manière différente de celui des femmes, les prédisposant à agir de manière violente? Là encore, une autre femme chercheuse, Debra Niehoff, de l’uni- versité de Pennsylvanie, montre qu’il existe bien des différences tant morphologiques que fonctionnelles entre les deux sexes, dans les régions cérébrales contrôlant la violence.
L’amygdale cérébrale nous permet de détecter un danger et de savoir si nous allons nous battre contre celui-ci ou fuir. L’amyg- dale est plus petite chez les femmes, et la façon dont elle s’active face à un danger dé- pend du sexe du sujet. Quant au cortex pré- frontal ventromédian et au cortex orbito- frontal, qui nous permettent d’évaluer et de contrôler nos réactions, c’est l’inverse, il est plus développé chez les femmes.
Face à une scène violente, les mêmes acti- vations cérébrales sont observées chez les hommes et les femmes, mais chez ces der- nières, on constate en plus une activation du cortex cingulaire postérieur, spécialisé dans l’analyse émotionnelle de la situation, et de l’insula antérieure, impliquée dans l’empa- thie. De plus, au cours d’une situation où l’on doit réagir à un stimulus (go) ou s’en empêcher (no go), les hommes tentent de contrôler leur impulsivité en activant leur cortex cingulaire antérieur, alors que les fem- mes tentent de trouver la meilleure réponse en activant leur cortex temporal médian.
Ainsi, alors que les hommes tentent de contrôler leurs mauvaises réponses, les fem- mes, elles, essaient de trouver la meilleure option. A la vue de ces résultats, on ne sau- rait que conseiller aux hommes de s’inspirer des femmes pour sauver l’humanité, mais qui sait s’ils n’y verraient pas une menace pour leur masculinité… p
Sylvie Chokron, directrice de recherche au CNRS, Laboratoire de psychologie
de la perception, université Paris-Descartes, et Fondation ophtalmologique Rothschild
|