La Russie n’est plus ce qu’elle était
L’Arménie tire les leçons de la chute du Haut-Karabakh. La passivité des soldats russes de maintien de la paix déployés dans l’ancienne enclave séparatiste après l’attaque de l’Azerbaïdjan, le 19 septembre, a confirmé ce qu’Erevan dénonçait de plus en plus ouvertement depuis des mois : la Russie n’est plus un partenaire fiable. Jamais la défiance envers Moscou n’a été aussi grande.
Puisque l’Arménie ne peut plus compter sur son allié historique, désormais considéré comme un « traître », voire un nouvel ennemi, elle cherche de nouvelles coopérations pour tenter d’assurer sa sécurité. Une nécessité d’autant plus grande que ce petit pays du Caucase, enclavé, est sous la menace d’une nouvelle attaque de Bakou, déterminé à obtenir le corridor de Zanguezour, censé relier l’Azerbaïdjan à son exclave du Nakhitchevan.
Cette diversification des alliances est au cœur de la nouvelle stratégie du premier ministre arménien, Nikol Pachinian. « Nous avons fait l’erreur de mettre tous nos œufs dans le même panier, observe un responsable officiel sous le couvert de l’anonymat. Si l’on a cinq ou six amis à qui nous pouvons acheter des armes et plusieurs partenaires économiques, cela permettra de ne pas dépendre d’un seul, au cas où celui-ci souhaiterait nous punir. » Erevan n’entend pas rompre complètement avec la Russie, mais diminuer son extrême dépendance. « Elle reste notre partenaire, malgré son attitude inamicale », observe la même source.
L’Arménie, qui a un accord bilatéral de défense avec Moscou, dénonce en particulier un « problème lié à la livraison d’armes et d’équipements déjà payés », en l’occurrence un contrat d’un montant de plus de 250 millions de dollars, jamais honoré.
« Période la plus dangereuse depuis 2020 »
Le pays est également membre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une organisation militaire régionale dominée par la Russie et qui s’est révélée particulièrement inefficace ces trois dernières années, au point que M. Pachinian refuse désormais de participer aux sommets de l’alliance, comme celui qui s’est tenu à Minsk, les 22 et 23 novembre. Selon nos informations, l’Arménie ne s’est toutefois pas encore formellement retirée de l’OTSC à la demande des Etats-Unis, qui estiment qu’Erevan n’est pas encore prêt et doit d’abord trouver d’autres appuis.
L’appartenance du pays à cette alliance chapeautée par Moscou n’est toutefois plus considérée comme un obstacle pour approfondir les relations avec d’autres partenaires, y compris l’Union européenne (UE). Signe de cette réorientation stratégique, la grande majorité des déplacements à l’étranger des hauts représentants arméniens se déroulent désormais dans des pays occidentaux, et non plus au sein de l’espace postsoviétique.
source : Faustine Vincent, JP D.
photo : D.R.