Le ministre Christian Der Stépanian va être inhumé en Arménie : un signal fort !
J'ai perdu un ami
Régis Raffi Bakian / Aznavour Pour l'Arménie 76-78 Champs Elysées 75008 Paris FRANCE
le 7 novembre 2023.
En 1991, il intègre le Ministère arménien des Affaires étrangères où il occupe le poste de directeur du département Europe jusqu'en 1992, puis celui de Conseiller du Ministre jusqu'en 1993. Dans ce cadre, il dirige la Délégation de l'Arménie auprès de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) et aux négociations de paix sur le Haut-Karabagh. De 1993 à 1996, il est Conseiller puis Ministre plénipotentiaire, Chef-adjoint de la Mission de la République d'Arménie auprès de l'Union européenne à Bruxelles. Il est ensuite nommé Ministre plénipotentiaire à l'Ambassade d'Arménie en France de 1996 à 1998, avant d’assumer les fonctions de Représentant de l'Arménie auprès du Conseil de l'Europe de 1999 à 2001. En 2001, après sa promotion au rang d'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire par décret présidentiel le 2 mars 2001, il est nommé Représentant permanent de la République d'Arménie auprès du Conseil de l'Europe de 2001 à 2008. Il est nommé Conseiller du Ministre arménien des Affaires étrangères en charge de la Francophonie de 2008 à 2013, puis Ambassadeur, Représentant de l'Arménie auprès de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) à Paris de 2013 à 2019.
En 2019, S.E.M. Christian TER-STEPANIAN est nommé Ambassadeur, Délégué permanent de l'Arménie auprès de l'UNESCO et Représentant personnel du Premier ministre de la République d'Arménie auprès de l'OIF. En mars 2019, II est nommé Président de la Commission politique du Conseil permanent de l'OIF et désigné Président du Groupe francophone auprès de l'UNESCO. Avant d’assumer de hautes fonctions au sein de l’État et de l’administration de l’Arménie, il était un ardent défenseur de la cause arménienne. Il a été un des artisans, de l’organisation d’un colloque en 1984, qui a contribué à porter le crime de génocide à la connaissance de l’opinion mondiale par la session consacrée à Paris par le tribunal permanent des peuples.
À sa famille, à la république d’Arménie et à ses proches, l’Union Culturelle française des Arméniens de France présente ses plus sincères condoléances
Le Conseil National de l’UCFAF
Paris le 12 novembre 2023
Une cérémonie religieuse a été célébrée en son hommage le lundi 13 novembre à 15h en la Cathédrale St Jean-Baptiste 15 rue Jean Goujon 75008 Paris FRANCE
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"C’est avec une immense tristesse que nous avons appris le décès soudain de SEM Christian Ter-Stepanian, Ambassadeur, Délégué permanent de l’Arménie auprès de l’UNESCO et Représentant personnel du Premier ministre de la République d’Arménie auprès de l’Organisation Internationale de la Francophonie.
Son engagement et son travail acharné ont fait de lui un personnage clé du monde francophone, donnant toute sa place à la Francophonie en Arménie, et à l’Arménie en Francophonie. Son appui a été déterminant pour renforcer la coopération avec les villes arméniennes et pour marquer la solidarité des Maires dans les moments de crise qu’a traversés et que traverse le pays.
A l’Arménie, à la famille francophone et à ses proches nous adressons nos très sincères condoléances."
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Christian Der Stépanian n’est plus. La rédaction de NAM a appris cette triste nouvelle aujourd’hui même en fin de matinée. Avec sa disparition, l’Arménie perd un membre éminent de son corps diplomatique, qu’il avait intégré dans la foulée de l’indépendance du pays. Il avait durant plus de 20 ans travaillé au ministère des Affaires étrangères à Erevan, jusqu’à sa nomination au poste d’ambassadeur permanent auprès de l’UNESCO. La communauté arménienne de France regrettera quant à elle l’un de ses militants les plus dévoués. Membre dans sa jeunesse du Nor Séround puis du parti Dachnak qu’il quittera dans les années 75 du fait de différents idéologiques, il fondera autour des années 80 « Solidarité Franco-Arménienne » avec Michel Marian, Gérard Guerguérian, Aïda Karnikian, René Dzagoyan, Gérard Malkassian, et quelques autres. Cette période sera notamment marquée par le combat pour la reconnaissance du génocide au Parlement européen (obtenue en 1987), et la mobilisation pour la libération des membres du Comité Karabakh emprisonnés à Moscou, au début de la pérestroïka.
Militant politisé, toujours profondément indigné par les injustices et pourvu d’un sens aigu de l’analyse, sans doute hérité de ses premiers engagements dans la sphère républicaine au PSU, Christian Der Stépanian était l’un des meilleurs connaisseurs des réalités politiques de l’Arménie et de ses enjeux existentiels. Pour ses amis, il était également d’une compagnie sympathique, souvent enjouée et chaleureuse. Son départ aussi prématuré que soudain, qui pourrait être lié à son implication totale pour défendre l’Arménie en danger dans les instances internationales, laissera un grand vide.
Nous reviendrons dans les prochains jours sur l’itinéraire exceptionnel de cet Arménien de France qui a consacré toute sa vie à la Défense de l’Arménie.
La rédaction de NAM présente à sa famille et à sa fille ainsi qu’au ministère arménien des Affaires étrangères et à tous ses collègues et amis, toutes ses condoléances.
Ara Toranian et la rédaction de NAM
source : armenews.com
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Christian était notre ami. Sa perte soudaine nous plonge dans une tristesse infinie. Il est si injuste qu’il soit privé de tout ce qui l’animait pour la prochaine période de sa vie : préparer les jeux de la francophonie à Erevan, s’initier à l’art d’être grand-père avec Lila, profiter des douceurs angevine et arménienne. Lui qui avait tant mérité de pouvoir jouir d’une vie enfin en repos.
Mais il était infatigable ou se croyait tel et nous le croyions aussi. La première qualité qui le distinguait était bien l’énergie. Ses collègues du Ministère des Affaires étrangères d’Arménie savent et ont dit la diversité, l’ampleur, la nouveauté des dossiers qu’il a traités depuis trente ans. Nous qui avons le privilège de l’avoir connu avant, à l’époque où cette énergie se manifestait en diaspora dans la défense de la cause arménienne puis de la renaissance de l’Arménie, nous avions vu qu’elle était sans limites, et contagieuse. Ni limites temporelles : s’il fallait passer des nuits à boucler un mémorandum afin qu’un parlementaire européen en dispose pour achever son rapport et le présenter à l’heure dite à l’Assemblée, on le faisait. Ni limites spatiales : le théâtre de nos actions ne se cantonnait pas à Paris, mais intégrait Strasbourg, Bruxelles et même, avec la perestroïka, Budapest. Ni surtout de limites à nos ambitions militantes, qui n’étaient pas fixées par la taille relativement modeste de notre groupe militant « Solidarité Franco-Arménienne ». Si nos idées étaient les meilleures, nous ne consultions personne avant de les mettre en œuvre. C’est ainsi que nous avons fait passer dans Le Monde, avec l’appui de chefs d’entreprise de la diaspora, un « placard » d’une demi-page pour remercier les députés européens qui avaient reconnu en 1987 le génocide et fait de cette reconnaissance une condition à toute entrée de la Turquie. Celle-ci s’est crue obligée de répondre, redoublant ainsi son échec. Mais nous avions surtout voulu imprimer une lecture universaliste de cette victoire.
Ce genre de succès était possible parce que Christian avait aussi une imagination débordante, toujours en alerte. Le plus joli « coup » réalisé à partir d’une idée originale de Christian, a été la libération des 11 chefs du Comité Karabagh, en mai 1989, cinq mois après leur arrestation par les autorités soviétiques. Il avait compris que le délitement soviétique allait dégeler la droite française, jusque-là timorée sur la cause arménienne. Il a alors proposé à 11 maires de grandes villes de parrainer chacun un prisonnier. Chirac, maire de Paris, a lancé le mouvement en choisissant Levon Ter Petrossian et les autres ont suivi : Michel Noir, Carignon etc. Nous avons été heureux de retrouver ce talent dans des initiatives récentes qu’il a prises dans le cadre de ses dernières fonctions à l’Unesco comme de créer un groupe des petits Etats insulaires et des Etats amis , pour briser l’enclavement des Arméniens et des autres.
Christian avait des amis sur toute la terre, notamment dans l’espace francophone, et il savait s’en faire grâce à sa chaleur humaine exceptionnelle. Son sourire, son rire, ses petites tapes ouvraient très vite une perspective de familiarité, et souvent de grande amitié. L’hommage qui lui a été rendu à l’UNESCO a été l’occasion pour la directrice générale et la présidente de la Conférence annuelle de dire à quel point il était devenu le meilleur ambassadeur de l’institution elle-même, prodiguant des conseils, créant du lien, incarnant la sagesse. C’est cette même humanité qui lui avait valu d’obtenir les dévouements de personnes si diverses à SFA, mais aussi de faire progresser la cause en y gagnant des politiques importants comme Bernard Kouchner ou Michel Sapin, ou en levant des hésitations comme celles de Simone Veil. Son goût pour les scénarios politiques, qu’il concevait hardiment mais présentait prudemment, faisait de lui un pair et un interlocuteur idéal pour la classe politique..
Il avait aussi, à la racine, des convictions fortes. La première était l’attachement à la cause arménienne, contracté dès son adolescence au Nor Serund. C’est cet attachement bien sûr qui lui a fait faire un choix inattendu. Lui, qui avait la passion de l’analyse politique, et pas seulement de la politique arménienne, aurait pu rentrer dans la classe politique, arménienne ou française. Or, peu de temps après l’indépendance, il est parti servir l’Arménie. Pas comme soldat, ni comme entrepreneur, ni comme professeur, mais, ce qui est encore plus rare, peut-être unique, comme haut fonctionnaire, et précisément diplomate. Il a estimé que c’était là que son expérience pouvait le plus apporter à son nouveau, et très ancien, pays. Il a donc appris l’arménien oriental, et il est resté après un premier changement politique dont il n’avait apprécié ni la forme ni le but. Il a, par son action et par son exemple, contribué à ancrer ce qui, selon des esprits avertis, manque le plus dans la culture et la société arménienne, le sens de l’Etat.
Ce sont sûrement ses autres convictions qui l’y ont aidé. Sa jeunesse avait été marquée par une adhésion au PSU, et sa maturité par une sympathie jamais démentie pour la figure de Michel Rocard. Elles lui ont apporté l’universalisme, la modération, le sens des responsabilités, l’amour de la démocratie… et notre amitié. Pas de combat arménien, en diaspora ou au pays sans la démocratie comme horizon et comme critère. A partir de ce socle, Christian a été un pont, de l’Arménie vers la France et de la France vers l’Arménie. Son parcours a été singulier, mais il a aussi représenté brillamment l’époque où la diaspora arménienne de France est sortie d’un certain repli pour gagner en visibilité. Elle a alors obtenu des résultats plus tangibles que sa cousine américaine, parce qu’elle s’est intégrée dans le modèle républicain, au lieu de s’enfermer dans un nouveau communautarisme occidental. C’était l’une des théories favorites de Christian ces temps derniers. Ses théories vont nous manquer, en plus de son affection.
Michel Marian / armenews.com