« Courrier international » : Gabi (Ashkenazi) avoue que le refus d’Israel de reconnaître
Vu d’Israël.
Après la reconquête par Bakou de l’enclave autonomiste arménienne du Haut-Karabakh, le journal “Ha’Aretz” souligne le rôle crucial des armes israéliennes dans cette victoire éclair et s’interroge sur le bien-fondé et la moralité de l’alliance conclue entre l’Azerbaïdjan et l’État hébreu.
Ha’Aretz
Traduit de l’hébreu
Les soixante dix millis Arméniens qui sont en train de fuir le Nagorno-Karabakh [Haut-Karabakh] se rappellent la dislocation de l’ URSS et les massacres que leur communauté a ensuite subis durant les premières années du dégel post-soviétique.
Mais ils se souviennent d’une réalité plus lointaine, celle du génocide perpétré contre leurs compatriotes par l’Empire ottoman [en 1915-1916] et qui se solda par la mort d’au moins 1,5 million d’Arméniens.
les Arméniens ne veulent ni ne peuvent compter sur la clémence des forces armées azerbaïdjanaises, ces dernières n’ayant pas hésité, ces trois dernières années, à cibler les civils et à commettre des crimes de guerre dans l’enclave du Nagorno-Karabakh.
Depuis la deuxième décennie du XXIe siècle, Israël s’emploie à aider l’Azerbaïdjan à écraser les Arméniens de cette enclave. Les Israéliens entretiennent une relation stratégique avec les Azerbaïdjanais, une relation qui implique des ventes d’armes d’une valeur de plusieurs milliards de dollars et qui découle à la fois du conflit larvé entre Israël et l’Iran et du fait que l’État hébreu achète à l’Azerbaïdjan une partie importante des hydrocarbures dont il a besoin.
Jadis, les liens militaires entre les deux pays se voulaient discrets. Mais, ces dernières années, l’Azerbaïdjan a montré de moins en moins de scrupules lors de ses défilés militaires. Après que plusieurs journaux israéliens ont découvert qu’une usine produisant des drones suicides israéliens était implantée sur le territoire azerbaïdjanais, l’Azerbaïdjan n’a plus hésité à diffuser des vidéos officielles dans lesquelles ses forces étaient vues en train d’exhiber fièrement des armes israéliennes sophistiquées.
Il y a trois ans, Ha’Aretz révélait que, pendant sept ans, 92 avions-cargos azerbaïdjanais avaient atterri sur la base aérienne d ’Ovda [dans le sud du désert israélien du Néguev], le seul et unique aéroport israélien à partir duquel du matériel explosif peut être légalement et techniquement exporté.
En outre, un drone suicide de fabrication israélienne avait été filmé en train de détruire une batterie antichar sur le territoire même de la république d’Arménie, pas celui du Nagorno-Karabakh.
En mai dernier [2023], Ha’Aretz avait également révélé que des journalistes et des militants de l’opposition azerbaïdjanais avaient été traqués par le logiciel espion Pegasus de la société NSO et ensuite “neutralisés”.
…Israël a fourni des armes à l’Azerbaïdjan. & soutenu cette république turcophone dans sa volonté d’imposer un révisionnisme historique concernant le génocide des Arméniens [1915-1916], un révisionnisme partagé avec la Turquie depuis un siècle.
En 2020, le ministre des Affaires étrangères israélien, Gabi Ashkenazi [droite modérée], avait avoué que le refus d’Israël de reconnaître le génocide arménien – qu’il qualifiait simplement de “tragédie” – s’expliquait par la nécessité stratégique d’entretenir de bonnes relations avec l’Azerbaïdjan, un État dont la population est certes à majorité chiite mais dont les dirigeants sont à couteaux tirés avec l’Iran [poids lourd chiite dans la région], qui compte lui-même une forte minorité ethnique irrédentiste azérie.
Dans le même temps, Israël soutient activement la campagne insensée menée par l’Azerbaïdjan pour que la communauté internationale reconnaisse le “génocide de Khodjaly” que les Arméniens auraient perpétré contre plusieurs centaines d’Azéris en février 1992.
Certes, il existe des récits contradictoires sur ce qu’il s’est passé lors de la bataille de Khodjaly pendant la première guerre du Nagorno-Karabakh de 1992. Mais il y a une chose sur laquelle la communauté internationale s’accorde : si l’on s’en tient aux normes juridiques internationales, aucun génocide n’y a été perpétré.
Ce qu’il se passe aujourd’hui dans le Nagorno-Karabakh n’est pas le premier cas de nettoyage ethnique à être marqué de l’empreinte d’Israël. La persécution des Rohingyas en Birmanie et le martyr des musulmans bosniaques durant la guerre de Bosnie-Herzégovine [1992-1995] sont deux exemples parmi tant d’autres.
..Fort de l’histoire du peuple juif, l’État d’Israël aurait dû apprendre depuis longtemps que monnayer des armes contre un révisionnisme historique n’est rien d’autre qu’une faillite morale.