La Montagne
Vendredi 21 juillet 2023 LA MONTAGNE :
Le blocus opéré par l’Azerbaïdjan depuis le mois de décembre vient encore d’être renforcé L’étau se resserre encore sur l’Artsakh
Malgré les nombreux lancements d’alerte, notamment en France, la situation continue d’empirer dans l’enclave en territoire azéri, peuplée d’Arméniens.
Mardi 11 juillet, l’Azer- baïdjan a annoncé que le poste-frontière du couloir de Latchine était « temporairement suspendu ». Autrement dit, la route est coupée. Ce corridor est, depuis la guerre de 44 jours de 2020, achevée par des gains territoriaux importants en faveur de Bakou, le seul passage entre l’Arménie et le Haut-Karabagh (aussi appelé Artsakh), enclave peuplée d’Ar- méniens.
Depuis décembre dernier, l’Azerbaïdjan organise un blocus d’Artsakh, ses 120.000 habitants étant ravitaillés au compte-gouttes, rationnés en nourriture, énergie et médicaments. L’annonce du 11 juillet est donc un nouveau tour de vis qui fait craindre le pire pour leurs vies. Et confirme la stratégie que semble appliquer Ilham Aliyev, président de l’Azerbaïdjan : pousser le bouchon toujours plus loin, en attendant le moment propice pour s’emparer d’un territoire disputé depuis la chute de l’URSS par ses deux anciennes républiques.
Nouvelles négociations
Plus démocratique, plus
proche culturellement, et grâce à sa diaspora deux à trois fois plus importante que sa population, l’Arménie est soutenue par les Européens et les États-Unis.
Face à ses ennemis jurés que sont la Turquie et l’Azerbaïdjan, turcophone et musulman, l’Arménie compte aussi sur la Russie, censée jouer les gendarmes dans la région et chargée du contrôle du couloir de
CORRIDOR de LATCHINE. Censé être contrôlé par les Russes, le corridor de Latchine est le seul cordon qui relie l’Arménie à l’enclave d’Artsakh. L’Azerbaïdjan, qui laissait passer les convois humanitaires au compte-gouttes depuis décembre, a encore renforcé son blocus.
sous l’égide de l’Union européenne.
Car l’UE semble s’activer sur le sujet depuis quelques mois. Elle vient de créer une mission civile d’obser- vation de la frontière azéro- arménienne, dans l’espoir d’arriver à un règlement diplomatique. Fin juin, une délégation emmenée par la députée européenne Nathalie Loiseau (Renaissance) s’est rendue en Artsakh : « J’ai vu des eurodéputés pleurer », a-t-elle rapporté au Point.
« Les déclarations,
il y en a autant qu’on veut… »
En France, la droite est particulièrement impliquée. Laurent Wauquiez, qui parle d’un risque « d’épuration ethnique », Édouard Philippe et François Xavier Bellamy se sont récemment rendus en Arménie et ont signé avec d’autres élus une tribune dans Le Figaro, en juin, pour réclamer « une initiative de la France en faveur des Arméniens d’Artsakh plus que jamais en danger de mort ».
En avril, la ministre des affaires étrangères, Catherine Colonna, s’est rendue à Bakou puis a Erevan, afin de trouver la possibilité d’une paix durable. Le président Macron s’active aussi en coulisses.
« Il fait ce qu’il peut, c’est vrai, mais il est accaparé par la politique intérieure et c’est le problème.
Les déclarations, il y en a autant qu’on veut. On fait les gros yeux à Aliyev et derrière on lui achète son pétrole », peste un Arménien de France, membre du CCAF (Conseil de coordination des organisations arméniennes de France). Les Arméniens répètent à l’envi cette phrase d’Ursula von der Leyen qui leur a fait si mal, il y a un an : « L’Azerbaïdjan est un partenaire fiable ».
La présidente de la Commission européenne cherchait alors à diversifier les approvisionnements en gaz pour compenser le blocus russe.
Une realpolitik qui fait qu’aujourd’hui « il y a une grande désespérance en Arménie et au sein de diaspora, reprend l’Arménien de France. On a l’impression qu’il n’y a que l’Ukraine qui compte, que quelle que soit l’opération qui sera conduite, l’Artsakh, et donc pour nous l’Arménie, sera sacrifiée ». Un sentiment renforcé par l’attitude du Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, qui a donné l’impression ces der- niers temps d’être prêt à lâcher l’enclave, comme le réclame une partie de sa population.
Latchine. Mais depuis un an et demi, elle est accaparée par la guerre qu’elle a déclenchée en Ukraine. Et la récente marche des Wagner sur Moscou a un peu plus affaibli le pouvoir de Poutine.
Après un nouvel échange
de coups de feu entre soldats arméniens et azerbaïdjanais, mi-juin, Bakou avait déjà renforcé son blocus. La réaction de Moscou ne s’était pas fait attendre. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, avait
demandé à l’Azerbaïdjan de « libérer totalement l’accès au corridor de Latchine ». C’est donc tout l’inverse qui s’est produit, puisque Aliyev a entièrement barré la seule route menant à l’Artsakh. De nouvelles négociations doivent débuter ces jours-ci.
Le baume de la panthéonisation :
Le 18 juin dernier, le président Emmanuel Macron a annoncé la panthéonisation de Missak Manouchian, entré dans la Résistance alors qu’il vivait en France, mais n’avait pas la nationalité française. Il fera son entrée au Panthéon avec son épouse Mélinée le 21 février 1944, le jour du
80e anniversaire de son assassinat. « Jusqu’à présent, la politique française à l’égard de l’Arménie a été essentiellement mémorielle, avec notamment la reconnaissance du génocide.
Mais depuis la guerre des 44 jours, une partie importante de la classe politique demande une aide plus concrète.
Il fallait donc passer à un acte plus stratégique », analyse Michel Marian, essayiste et spécialiste de l’Arménie
source : B.F. |
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photo : D.R.