Smyrne (Izmir) le 10 septembre

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Le dimanche 10 septembre 1922

« Ce jour-là, aucune cloche ne résonna dans la Smyrne chrétienne. Le centre du quartier arménien, des Haynots, avait été harcelé et pillé toute la nuit. Il est abandonné par sa population qui cherche refuge dans la zone européenne. Toutes les portes des magasins du grand boulevard principal Rechidiyé ont été défoncées, les boutiques mises à sac, les actes de pillage s’accompagnent de meurtres et de viols. De nombreuses familles arméniennes s’étaient réfugiées à l’archevêché, un groupe de soldats turcs de l’armée régulière, n’ayant pas réussi à se faire ouvrir la porte, jeta des grenades par-dessus l’enceinte qui firent de nombreux blessés, puis des tirs de mitrailleuse firent voler en éclats toutes les fenêtres.

Dans la matinée, un incendie à l’extrémité du quartier arménien est vite éteint par une équipe de pompiers accompagnés de marins anglais. L’organisation des pompiers à Smyrne est anglaise, et l’encadrement de la Fire Brigade est assuré par des ressortissants britanniques. Mais ceux-ci vont être retirés et il est demandé aux autorités turques de les remplacer.

Vers midi, Kemal escorté par une haie d’honneur de cavaliers sabres au clair fait en voiture une entrée triomphale dans Smyrne. Le cortège traverse le quartier turc en liesse pour rejoindre le Konak. Le général Nourredine, notoirement xénophobe, est nommé gouverneur militaire de la ville ; il demande à la population de continuer paisiblement ses occupations. En milieu d’après-midi, le métropolite Chrysostome, qui avait milité ouvertement pour le rattachement de la région à la Grèce et refusé d’abandonner ses fidèles, est convoqué pour une réunion avec le nouveau gouverneur. Après un entretien de quelques minutes, le général le congédie et le livre à la foule. Il est lunché, supplicié dans des conditions atroces. Une patrouille de soldats français indignés est empêchée d’intervenir par son officier qui avait ordre d’adopter en toute circonstance une attitude de neutralité. Le gouverneur militaire Nourredine Pacha demande aux alliés de retirer leurs troupes. Il lui est répondu que cela sera fait quand l’ordre sera assuré. La loi martiale est promulguée.

« La cour du Consulat britannique ressemblait à un caravansérail. Presque tous les Anglais de la ville étaient là, attendant l’appel de leur nom pour les formalités d’embarquement… Il devait être cinq heures quand le convoi des ressortissants britanniques quitta les locaux du consulat. Les consignes étaient strictes : il fallait rester groupé sur trois files encadrées sévèrement par deux cordons de marins. La distance à parcourir n’était pas considérable, mais chargés de bagages et tenant les enfants par la main et les bébés dans les bras, hommes et femmes avançaient lentement. » Les souvenirs de ce petit Britannique de Smyrne confirment la date d’embarquement impérative et les ordres très stricts des officiers de n’accepter à leur bord que leurs compatriotes. Sa famille habitait dans le quartier arménien et avait reçu ordre de quitter son domicile le lendemain de l’entrée de la cavalerie turque dans la ville. C’est au bord d’un navire et en sécurité, qu’ils assistèrent à l’embrasement de la ville, c’est-à-dire le 13 septembre. »

D’après l’ouvrage de Louis François Martini « Le Crépuscule des Levantins de Smyrne » Etude historique d’une communauté

source : A.E.P..

photo : D.R.

 
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