Un moment de l’histoire universelle.
VOYAGE A SMYRNE
Épisode 10
Commémoration du centenaire
de la « Grande Catastrophe » d’Asie Mineure
1922-2022
Pour rappel.
A la fin de la première guerre mondiale, l’Empire ottoman est vaincu et moribond. De 1919 à 1922, les Grecs entreprennent alors une guerre contre les Turcs. Leur défaite aboutira, entre autres, à la perte de Smyrne (Izmir aujourd’hui) ville à majorité grecque et port cosmopolite de la mer Egée, une des destinations de la route de la soie. Un quartier arménien se trouve dans la ville où se sont réfugiés de nombreux Arméniens après le génocide de 1915. Les Grecs nomment cette période la « Grande Catastrophe ».
Les derniers jours de Smyrne, pas à pas…
Les samedi 16 et dimanche 17 septembre 1922
« Après que l’incendie eut consumé tous les quartiers chrétiens, il s’arrêta vers le 16 ou le 17.
Un pasteur méthodiste américain, Asa Jennins, avait réquisitionné deux maisons vides au nord de la ville pour y installer une maternité d’urgence et un dépôt de vivres. Il fit, en vain, la tournée des navires encore dans la rade afin de convaincre les capitaines de procéder à des évacuations. Celui d’un navire marchand italien, le Constatinopoli[SS1] , accepta d’emmener 2000 réfugiés à Méthylène pour une somme de 6000 lires. Jennins obtint l’accord du consul italien et la permission des autorités turques à condition de n’emmener que des femmes et des enfants. Le sauvetage de 2000 réfugiés eut lieu le 21 septembre sous la surveillance des soldats turcs qui veillaient à ce qu’aucun homme ne puisse embarquer.
A Méthylène, Jennins trouva des bateaux de transport grecs qui avaient servi à évacuer l’armée vaincue. Après des négociations avec le général grec responsable de la flotte, puis avec les autorités d’Athènes, qui exigeaient la garantie de la protection de la marine américaine, puis de difficiles tractations avec toutes les parties, le samedi 23, à minuit, il quittait Méthylène pour Smyrne en tête d’une flottille de neuf navires escortés par le US Lawrence.
La nécessité d’évacuer environ 50000 personnes par jour posait des contraintes logistiques considérables. Pour pouvoir écarter les hommes des barrières métalliques canalisaient la foule jusqu’à des portes gardées par une double rangée de soldats turcs surveillés par des officiers.
La crainte des réfugiés de ne pas pouvoir embarquer les remplissait de terreur. Dès que le premier bateau accosta, ce fut la ruée, la foule devint incontrôlable, ceux qui trébuchaient étaient piétinés, beaucoup tombaient dans l’eau. A la première porte c’était un effroyable engorgement. Des femmes terrorisées, aux vêtements déchirés, asseyaient d’escalader les clôtures.
Les officiers turcs se joignaient à leurs hommes pour dépouiller les réfugiés de ce qui leur restait d’argent ou de bijoux avant de les laisser passer. Ils refoulaient à coups de crosse les hommes, qui devaient abandonner leurs enfants qu’ils avaient dans leurs bras. Les plus jeunes tombaient et se noyaient ou ils perdaient leur mère qui courait en tous sens pour les retrouver. Les marins américains étaient des témoins impuissants, car il leur était interdit d’intervenir. Avec la tombée du jour, la panique s’amplifia car l’embarcadère devait être fermé pendant la nuit. Mais 15000 personnes avaient été sauvées.
Le mardi 26 septembre, Jennins retourna à Smyrne à la tête de dix-sept navires et ce jour-là il put emmener 43000 réfugiés. L’opération se poursuivit les jours suivants.
Plus au nord, les malheureux qui avaient campé depuis douze jours sur les quais ou dans le quartier non brûlé de la Pointe étaient dans un état indescriptible de saleté. Beaucoup n’avaient plus la force de se lever pour embarquer. »
D’après l’ouvrage de Louis François Martini « Le Crépuscule des Levantins de Smyrne » Etude historique d’une communauté.
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