Festival de Cannes 2022, retour sur une Palme d’or choc

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Par Laura Damiola
"Triangle of Sadness : une satire des ultra-riches peuplée de mannequins et d'oligarques russes?
C'est une satire mordante du capitalisme et du wokisme. La Palme d'or 2022 du réalisateur suédois Ruben Östlund, qui a vençu avec le film le triangle of Sadness". Pour ceux qui l'ignorerait ce Triangle de la tristesse est le nom donné aux rides se formant entre nos sourcils et que l'on efface à l'aide de toxine botulique…
. Pour goûter toute l'ironie ô combien sarcastique de la situation, un comble d'autodérision, il faut savoir que les mêmes influenceurs, oligarques et autres sont parmi les plus évidentes cibles de la critique des super-riches (ce 1% qui possède autant de bien que 50 % des habitants de la planète) qui au centre de son film Triangle of Sadness (En Français, Sans Filtre). Il se reconnaisse selon Öslund à l'usage du botox
Ecrire que ce film est une "critique acerbe" semble un peu court. Il est permis d'y voir au premier degré un vomissement hyperbolique et violent du néocapitalisme et de l'hyperclasse mondiale tous le même bateau. A bord d'un yacht, plus exactement (l'ancien yacht d'Onassis, Jacquy O pour les plans extérieurs), un couple d'influenceurs côtoie oligarques et autres spéculateurs momifiés au botox. La croisière s'amuse jusqu'à ce qu'une tempête secoue ce concentré de bénéficiaires de la globalisation, la transformant en geyser humain qui rend tripes et boyaux, ad nauseam. Le terme latin a rarement été autant approprié. Car, le Suédois fait sciemment durer la séquence, de façon, a-t-il expliqué à la presse internationale, que le spectateur "arrive à prendre en commisération ceux qu'il abhorait peu avant".
Il ne s'agit en rien d'une première dans le genre. Une autre satire "scato" du consumérisme et de la décadence de la classe dominante d'alors a déjà été primée à Cannes. Voilà un demi-siècle, en 1973, La Grande Bouffe du sulfureux Marco Ferreri (ex-æquo avec La Maman et la Putain, de J. Eustache) a fait s'étrangler les gardiens du bon goût devant ce qui était, déjà, un règlement de compte avec une "société de consommation" honnie par Ferreri et tant d'autres.
Cependant le tsunami vomitoire déclenché en 2022 par un Östlund renvoie aux proportions d 'une diarrhée infantile les rots, pets et relâchement intestinaux divers d'un Ferreri. Question : l'énormité, l'abondance de matière rendent-t-elle la satire plus féroce, le sarcasme plus vengeur ? Ostlünd est-il un nouveau Ferreri en plus acide, en plus corrosif ? Ce n'est pas sûr.
Dans une troisième partie d'un film de 2h30, le réalisateur Suédois inverse la vapeur. Suite au naufrage symbolique de la nef capitaliste, une femme de ménag instaure une dictature du prolétariat parmi des rescapés dépouillés de leur argents et de leurs attributs (sauf le botox ).
. , oligarques et autres sont parmi les plus évidentes cibles de la critique des super-riches (ce 1% qui possède autant de bien que 50 % des habitants de la planète) qui au centre de son film Triangle of Sadness (En Français, Sans Filtre). Il se reconnaisse selon Öslund à l'usage du botox. Pour ceux qui l'ignorerait ce Triangle de la tristesse est le nom donné aux rides se formant entre nos sourcils et que l'on efface à l'aide de toxine botulique…
Ecrire que ce film est une "critique acerbe" semble un peu court. Il est permis d'y voir au premier degré un vomissement hyperbolique et violent du néocapitalisme et de l'hyperclasse mondiale tous le même bateau. A bord d'un yacht, plus exactement (l'ancien yacht d'Onassis, Jacquy O pour les plans extérieurs), un couple d'influenceurs côtoie oligarques et autres spéculateurs momifiés au botox. La croisière s'amuse jusqu'à ce qu'une tempête secoue ce concentré de bénéficiaires de la globalisation, la transformant en geyser humain qui rend tripes et boyaux, ad nauseam. Le terme latin a rarement été autant approprié. Car, le Suédois fait sciemment durer la séquence, de façon, a-t-il expliqué à la presse internationale, que le spectateur "arrive à prendre en commisération ceux qu'il abhorait peu avant".
Il ne s'agit en rien d'une première dans le genre. Une autre satire "scato" du consumérisme et de la décadence de la classe dominante d'alors a déjà été primée à Cannes. Voilà un demi-siècle, en 1973, La Grande Bouffe du sulfureux Marco Ferreri (ex-æquo avec La Maman et la Putain, de J. Eustache) a fait s'étrangler les gardiens du bon goût devant ce qui était, déjà, un règlement de compte avec une "société de consommation" honnie par Ferreri et tant d'autres.
Cependant le tsunami vomitoire déclenché en 2022 par un Östlund renvoie aux proportions d 'une diarrhée infantile les rots, pets et relâchement intestinaux divers d'un Ferreri. Question : l'énormité, l'abondance de matière rendent-t-elle la satire plus féroce, le sarcasme plus vengeur ? Ostlünd est-il un nouveau Ferreri en plus acide, en plus corrosif ? Ce n'est pas sûr.
Dans une troisième partie d'un film de 2h30, le réalisateur Suédois inverse la vapeur. Suite au naufrage symbolique de la nef capitaliste, une femme de ménag instaure une dictature du prolétariat parmi des rescapés dépouillés de leur argents et de leurs attributs (sauf le botox ).
Pour autant, voir en Ruben Östlund un nouveau champion anti-capitaliste relèverait d'une pure aberration. "Mon frère est un néoconservateur de droite, ma mère une femme de gauche, je me situe entre les deux" tient à préciser celui qui déclarait dans la presse en 2017 : "J'aime l'idée de diviser la droite comme la gauche", une gauche empêtrée, selon lui, dans sa "sensiblerie" bien pensante. Ses détracteurs, l'accusent eux de jouer de la provocation par pur carriérisme, s'agissant de complaire à l'appétence bien connue des jurys cannois pour la provocation. Si c'est bien le cas,le calcul d'Östlund, s'est avéré payant, lui valant, une Palme, sa seconde, succédant au transhumanisme gore du "Titane" de Julia Ducournau, élu l'an dernier.
Au demeurant Östlund ne nie pas "cracher dans la soupe". "Ce serait idéaliste de dire que je ne dois pas me compromettre. Si je veux changer les choses, je dois participer au système. Et j’en ­profite". Démonstration est faite, lorsqu'il empoigne, pour la seconde fois, un trophée à lui remis par un Festival dont l'un des importants sponsors a pour amis et clients les cibles de sa redoutable caricature ainsi récompensée. Un remake cette fois de l'Arroseur arrosé ? Refermons la parenthèse pour revenir à l'image du cinéaste suédois Ruben Östlund qui accepte, avec joie, de recevoir le bijou en or, en forme de Palme, offert d'une marque symbolique tant appréciée des influenceurs, oligarques et ultratiches. Pour goûter toute l'ironie ô combien sarcastique de la situation, un comble d'autodérision, il faut savoir que les mêmes influenceurs, oligarques et autres sont parmi les plus évidentes cibles de la critique des super-riches (ce 1% qui possède autant de bien que 50 % des habitants de la planète) qui au centre de son film Triangle of Sadness (En Français, Sans Filtre). Il se reconnaisse selon Öslund à l'usage du botox. Pour ceux qui l'ignorerait ce Triangle de la tristesse est le nom donné aux rides se formant entre nos sourcils et que l'on efface à l'aide de toxine botulique…
Ecrire que ce film est une "critique acerbe" semble un peu court. Il est permis d'y voir au premier degré un vomissement hyperbolique et violent du néocapitalisme et de l'hyperclasse mondiale tous le même bateau. A bord d'un yacht, plus exactement (l'ancien yacht d'Onassis, Jacquy O pour les plans extérieurs), un couple d'influenceurs côtoie oligarques et autres spéculateurs momifiés au botox. La croisière s'amuse jusqu'à ce qu'une tempête secoue ce concentré de bénéficiaires de la globalisation, la transformant en geyser humain qui rend tripes et boyaux, ad nauseam. Le terme latin a rarement été autant approprié. Car, le Suédois fait sciemment durer la séquence, de façon, a-t-il expliqué à la presse internationale, que le spectateur "arrive à prendre en commisération ceux qu'il abhorait peu avant".
Il ne s'agit en rien d'une première dans le genre.  Cannes, a encore une fois rempli sa mission de boule à facette des maux, peurs et angoisses contemporains. Son palmarès en offre comme chaque année un inimitable reflet diffracté, dans un désordre aussi brouillon que révélateur. Voici quelques exemples.
L'hiver démographique et la question inhérente du gel des pensions de retraite soufflent à travers "Plan 75" de la jeune Japonaise Hayakawa Chie, mention spéciale de la Caméra d’or. Le plan en question est un système d'incitation à l'auto-élimination des personnes de plus de 75 ans. On frissonne.

La marchandisation des corps et ses épiphénomènes, comme le Body Art et/ou le tatouage de masse, sont proprement disséqués, en version post-apocalyptique, par les "Crimes du futur", du vétéran canadien David Cronenberg. Si la vivisection humaine est hissée ici au rang d'art majeur, le crime réside, peut-être, dans les viscères plastifiés d'un jeune garçon révélés au public. Cela dit, le plastique coule déjà dans nos veines, dès aujourd'hui. Le sinistre trafic d'êtres humains rôde lui dans "Les Bonnes étoiles" du maître japonais Hirokazu Kore-eda. Il vaut un Prix d'interprétation à l'acteur coréen Song Kang-ho. Révélé par Parasite, celui interprète cette fois un revendeur de nouveaux-nés confiés aux "bons soins" d'une "boîte à bébé" automatisée.

 

La très cruciale question de la survie sociale, crûment illustrée par le sort d'enfants immigrés et isolés, se tapit au coeur de Tori et Lokita du célèbre duo belge des frères Dardenne. Jean-Pierre et Jean-Luc sont récompensés d'un Prix spécial du 75e festival taillé sur mesure : une sorte de médaille du mérite pour leur longue carrière au service de la cause du cinéma d'auteur. L'écrasant poids du patriarcat, l'humiliation des femmes et les violences qu'elles subissent, sur tous les continents, trouvent leur écho dans Holy Spider de l'Iranien Ali Abbasi, à travers une enquête sur un meutrier en série de prostituées. Sa vedette, l'Iranienne Zar Amir, elle-même exilée du pays des ayathollahs à la suite d'un pseudo "scandale sexuel" (des images postées sur Internet par son compagnon) remporte un Prix d'interprétation féminine qui vaut "une revanche sur tout ce que j'ai subi", a-t-elle ditreconnaissance.

La menace de l'Islam et les peurs qu'elle suscite et cristallise, ici où là en l'Occident, constitue le pilier de Boys from Heaven du Suédois d'origine égyptienne, Tarik Saleh : un efficace thriller politico-religieux dans ce Saint des saints de l'Islam qu'est l'université al-Azhar du Caire. Bilan, un Prix du scénario bien vu. Selon ses propres dires, l'auteur aurait préféré écrire un livre que tourner le film ! A noter que ni Holy Spider ni Boys from Heaven n'ont pu être réalisés dans le pays qui les inspire, respectivement l'Iran et l'Egypte.
Mais, le pire du pire, consiste dans cet part d'inhumanité propre aux Humains et de leur inconséquence qui reflètent dans l'oeil mélancolique d'un petit âne sarde : cette espèce qui porte une croix sur le dos.

Il est le héros de Eo (ou Hi-Han), co-production italo-polonaise due à un survivant de la "nouvelle vague", Jerzy Skolimowski, 84 ans, qui fut condisciple du dramaturge, dissident et président tchèque Vàclav Havel, et qui aida Roman Polanski à réaliser son premier film. Séparé de sa maîtresse, une équilibriste, qui l'aime et le protète en vertu d'une loi prohibant les spectacles d'animaux aux nom de bons sentiments de militants animalistes, Eo est condamné à passer d'une forme d'exploitation à une autre, entre convoyeurs d'abattoir, tiffosi de football, forain ou famille bourgeoise, sur le long chemin qui le conduit de la Pologne à l'Italie. Le cinéaste polonais a dédié son film aux animaux et tenu à citer chaque nom des acteurs à longues oreilles qui ont joué devant sa caméra : Taco et Pola, Marietta, Rocco et Mela. Sur sa route, le petit âne croise le bien et le mal, expérimente joie et douleur, sans que son regard ne perde jamais son innocence, tout comme celui du plan final du héros de Au Hasard Balthazar (un autre âne) de Robert Bresson (1966) : "Le seul film qui m'a fait pleurer", a dit Jerzy Skolimowski. Et à qui Eo est une forme d'hommage couronné par le Prix du jury, ex-aecquo avec les Huit montagnes, autre co-production italienne.

Ex aequo premio della giuria a Otto Montagne vincitore del Premio della Giuria, a cui si è ispirato al libro di Paolo Cognetti. E’ in concorso per l’Italia, ma è stato realizzato dai registi belgi Charlotte Vandermeetsch e il compagno Felix Van Groeningen. Il film e ambientato nelle montagne della Valle d’Aosta e racconta la storia di un'amicizia nata da bambini d'estate, proseguita da adolescenti e poi da adulti, che legherà per sempre il montanaro Bruno (Alessandro Borghi) e il cittadino Pietro (Luca Marinelli).
L'amitié, l'amour, le couple, la famille, la fragilité de nos liens humains contrariés ou défaits par la pression sociale et l'ingérence des autres et des circonstances historiques (comme la guerre), composent une autre des facettes thématique de cette 75e édition. Ce sont elles qui créent une passerelle entre les deux films ex-aequo du Grand Prix 2022,

Stars at Noon (Les étoiles de midi) de la Française Claire Denis, la réalisatrice de Chocolat (1988) et Close de la jeune révélation belge, Lukas Donkt, 31 ans. Le premier projette une love story dans le contexte des troubles politiques en Amérique centrale, inspirée de 1986 mais transposé de nos jours au Panama, durant la pandémie. Sur fonds de moiteur tropicale, un couple en fuite (lui est soupçonné d'espionnage), est filmé avec les objectifs très spéciaux ayant servi au tournage d'Apocalypse Now. L'amour en temps de guerre n'a rien facile.

Le second Close se concentre sur l'amité particulière de deux adolescents inséparables, en symbiose fusionnelle, Léo e Remy che hanno 13 anni, et dont le lien ne résiste pas aux regards obliques et aux commentaires acides de leurs camarades. Lukas Donkt poursuit son exploration de la fin de l’enfance comme processus de transformation et de vacillement. Il avait reçu la Caméra d'Or en 2018 pour Girl : l'histoire d'une ballerine qui change de sexe.

La complexité des relations peut se traduire par un troublant magnétisme des contraires : c'est l'un des fils conducteurs du film Decision to Leave, du Sud-Coréan Park Chan-wook où a suspicion d'un policier se mue en attirance (platonique) pour une jeune chinoise soupçonnée d'avoir provoqué la mort de son mari, décédé à la suite d'une chute en montagne. L'un des plus grands styliste contemporain du cinéma dont les images sont elles-mêmes magnétiques se voit justement attribuer il Premio della regia.
La nostalgie a fourni une autre récurrence à des films sélectionnés mais repartant bredouille a mani vuote de Cannes. A l'image de Nostalgia de Mario Martone, un des représentants de l'Italie en compétition, qui ramène à Naples un Italien expatrié (l'excellent Pierfrancesco Favino) et a été salué par 10 minutes d'applaudissement. Dans la même veine d'histoire se conjuguant au passé on citera La Femme de Tchaïkovski, de Kirill Serebrennikov ; Armageddon Time, de James Gray ; Les Amandiers, de Valeria Bruni-Tedeschi ; Un petit frère, de Léonor Serraille ou encore Frère et sœur, d’Arnaud Desplechin, voire, à travers la notion sous-jacente de "paradis perdu", Pacifiction du Catalan Albert Serra.
La nostalgie ne paye pas forcément.

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