Hôpital neuf dans le XIVe arrondissement, « village de santé » bâti autour d’un verger, Saint-Joseph & ses médecins se sont illustrés par leur esprit d’équipe.
Le 16 mars, une réunion de crise se tient dans le réfectoire. Quand on n’a rien et qu’on ne fait rien, on n’avance pas ! » .Les deux rhumatologues font la tournée des services pour vanter les mérites de leur médicament. Une figure de l’établissement, le chef de service de médecine interne, Jean-Jacques Mourad, se montre très enthousiaste.
Miraculée parmi d’autres, Marie-Pierre Brochériou, 93 ans, fait partie des heureux rescapés du Covid-19 ayant transité par Saint-Joseph
Dès le 24 mars, les malades les plus touchés sont pris en charge avec le traitement. « Au bout de quatre jours, le ressenti clinique s’est manifesté de manière visible. Les patients restaient stables ou s’amélioraient. »
Même les malades les plus âgés repartent sur leurs pieds comme Marie-Pierre Brochériou. Le jour où son système immunitaire s’est emballé, ses besoins en oxygène ont grimpé au débit très élevé de 15 litres par minute. Les soignants perdaient espoir. A 93 ans, ses chances d’en sortir étaient quasi nulles. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un mauvais souvenir.Pour les cliniciens, l’efficacité de l’anakinra ne fait aucun doute. Jean-Jacques Mourad évoque « un changement radical du visage de la maladie ».
Cette réalité se lit aussi dans les données par les machines qui, comme la chaîne Abbott, intègrent les analyses sanguines des patients.
Une fois ses tableurs remplis, ils sont envoyés par e-mail à Gilles Chatellier, statisticien de haut vol, du Centre d’investigation clinique de l’hôpital Georges-Pompidou, . Après les premiers résultats, il les retourne à l’expéditeur avec la mention : « Attention. » Le professeur n’y croit pas une seconde, il doit y avoir une erreur. «Après des journées de vérifications, la conclusion tombe comme un couperet : tout est bon.
En défenseur de l’Evidence Based Medicine, une pratique qui prône l’utilisation rigoureuse des données pour administrer les soins, il juge bien excessif l’écart entre les deux groupes observés : « L’effet est trop fort. » L’étude publiée dans « The Lancet », le 29 mai, établira que, parmi les 52 patients victimes de la forme sévère du Covid traités par l’anakinra entre le 24 mars et le 6 avril, 75 % en sont sortis indemnes. Pour la même durée de traitement, le taux s’est limité à 27 % dans le groupe contrôle qui rassemblait 44 patients admis avant le 24 mars.
Les médecins de Saint-Joseph activent leurs réseaux,le ministre, l’Elysée : il faut faire des stocks de produit. Le 17 avril, rendez-vous est pris dans la banlieue de Paris, à Vanves, avec un émissaire qui a ses entrées à l'Elysée. En vingt-quatre heures, le dossier franchit tous les filtres et atterrit sur le bureau du président Macron. Ce dernier le signale à son Comité analyses, recherche et expertise (Care), 12 chercheurs et médecins, pour passer au crible les protocoles de soin . Le conseil scientifique organise une audioconférence avec le rhumatologue de St Joseph : son étude ne peut être considérée comme « un essai clinique » car elle n’est pas « randomisée ».
Ils envoyent l’étude au « The Lancet ». Les cliniciens de Saint-Joseph font entrer l’anakinra dans le top 5 des traitements les plus prometteurs.
Leur publication enrichit celle du CHU de Caen, où un professeur qui a soigné dix patients a publié dans la revue « Annals of the Rheumatic Diseases ». A Gênes, l’Istituto Gaslini a remis sur pied cinq personnes hospitalisées dans un état grave, sans intubation. A Milan, le docteur Giulio Cavalli, de l’hôpital San Raffaele, a fait une étude semblable à celle de Saint-Joseph. Cet immunologue a testé l’anakinra sur 70 patients et obtenu des résultats très significatifs.
Une poignée d’initiatives ont été lancées pour mener des essais cliniques en bonne et due forme. En attendant, les chercheurs de Saint-Joseph préparent leur deuxième publication.
sources : The lancet, Paris Match, St Joseph