« Quark* ou l’instant décisif » de Anne-Marie Boisvert et « Le(s) Souffle(s) » dessinés par Laurent Selmès.
Une image nous manque. Il nous est difficile de voir cette scène qui nous précède. À travers sa performance-essai sur l'origine de la vie Quark* ou l'Instant décisif, la danseuse-performeuse Anne-Marie Boisvert cherche à révéler en chaque spectateur cette image manquante.
D'abord interprète pour plusieurs chorégraphes, dont Daniel Léveillé et Martin Bélanger, Anne-Marie Boisvert se tourne vers la "chorégraphie performative". Son travail de création se concentre autour du corps et des sensations; dans sa forme, il est à la frontière entre la danse, la performance et l'installation. Anne-Marie a toujours privilégié les liens avec des artistes de toutes les disciplines afin de créer des échanges, des réflexions et des projets communs.
Le public est accueilli avec champagne et caviar, ce dernier se transformera à un moment donné en dispositif "sonore" de la performance. Le changement d'éclairage redéfinit l'espace. C'est l'obscurité première qui était avant notre naissance. L'obscurité astrale. Un motet à quarante voix de Thomas Tallis s'élève. Nous sommes hypnotisés par la traversée de la voie lactée et un rituel de purification qui s'ensuit. Brusquement, la danseuse impose à son corps et à nos sensations une rude épreuve en exécutant une chorégraphie où les mains et les pieds maintiennent le corps en prenant appui sur quatre assiettes en verre remplies de pierres glissantes. La performeuse suit avec virtuosité l'accélération du rythme. Cette scène fait songer à une de ces images qui représentent une ancienne vision de l'organisation du monde selon laquelle la terre se reposait sur quatre éléphants posés à leur tour sur une tortue flottant dans les eaux de l'univers. Les actions-tableaux s'enchaînent de manière exubérante pour nous faire voyager de la création du monde à celui de l'embryon, du Big Bang à l'orgasme. L’atmosphère musicale va de la polyphonie envoûtante à la techno, des références scientifiques, dont un extrait de La mélodie secrète de l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan, côtoient celles de l'histoire de l’art en évoquant la fameuse peinture de Gustave Courbet.
C'est dans la rencontre entre le corps et la peinture que le questionnement de cette performance prend toute sa force. Les origines de la peinture sont aussi obscures que les nôtres, même si nous savons grâce à Pline l'Ancien qu'au commencement était l'ombre. Il y a longtemps, les peintres appelaient ses peintures des nuits. Anne-Marie Boisvert met en scène ces images archétypiques et involontaires poursuivant leur vie nocturne à travers des générations. Ses actions-tableaux font appel à tous nos sens, font vibrer nos corps. On croit que c'est le corps même qui cherche sa source.
Larissa Roy
*Le Quark est une particule élémentaire que les scientifiques identifient par une couleur. A chaque quark correspond un anti-quark de couleur complémentaire. La couleur n’a rien à voir avec son sens, ce n’est qu’une idée pour dire que le quark ne se trouve jamais seul. <…> Le Quark reste une entité hypothétique n’ayant jamais été isolé en laboratoire.