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À propos des décisions récentes d’encadrer les loyers d’habitation dans trois villes de plus, Bordeaux, Lyon et Montpellier, après Paris et Lille, on entend déjà les récriminations des libéraux de l’immobilier : on contraint le marché, qui se régule très bien tout seul, et on l’expose à une vague de désinvestissements. Laissons de côté ces querelles, qui sont idéologiques, donc irréductibles. Il faut toutefois noter que le gouvernement a apprécié la demande des maires concernés au regard des critères fixés par la loi, et a jugé que ces territoires étaient affectés par des tensions de marché anormales et un décrochage entre le niveau médian des loyers et les capacités contributives des locataires. Le débat n’est pas clos, loin de là.

Au-delà de ces querelles, il est nécessaire d’analyser de près ce que ces encadrements vont changer, à la lumière de l’enseignement de Paris et de Lille : ces mécanismes, fondés sur le calcul de loyers médians de référence partant des valeurs pratiquées, ne peuvent pas écraser le marché, puisqu’ils fixent des repères issus de l’observation du marché. Les loyers peuvent excéder de 20% des médianes et descendre 30% en-dessous. Ils peuvent même dépasser la limite haute si le logement présente des atouts hors normes, comme une vue imprenable ou un standing élevé. En clair, ces encadrements ont pour effet principal, sinon exclusif, d’éradiquer les excès. À Paris, il a été estimé que moins d’un quart des loyers avaient dû être corrigés à la baisse. La question qui n’est jamais abordée consiste à se demander quelle est l’origine de ces niveaux abusifs… Ce sont clairement pour l’essentiel les loyers de logements autogérés et loués par leurs propriétaires, sans l’intermédiation d’un agent immobilier ni d’un administrateur de biens.

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On peut sans doute adresser bien des reproches aux professionnels immobiliers, mais deux griefs ne sauraient leur être faits : celui de ne pas connaître leur marché local et celui de préférer un logement vacant, faute de locataire, à un logement occupé, leurs honoraires étant prélevés sur les flux de loyer. On manque d’études sur la différence de niveau de loyer entre le parc autoadministré et le parc géré sous mandat… et tout se passe comme si on n’en cherchait pas, de peur de faire apparaître au grand jour une sombre réalité : la gestion directe est porteuse de beaucoup de problèmes. Les organisations professionnelles semblent craindre de dénoncer un marché de gré à gré à la fois malade de ses excès quant au niveau des loyers et présentant en tout cas dans de trop nombreux cas un mauvais rapport entre la qualité et le prix. Elles ne le font du moins que d’une voix ténue, soucieuses d’entretenir avec les associations de propriétaires des relations sans nuages. Le problème est pourtant macro-économique, pas micro-économique et relevant de l’exception. Face à la gravité des enjeux, il n’est pas sûr que leur stratégie soit bonne, pour trois raisons.

D’abord, il n’est pas question de nier le travail accompli par ses associations pour former, prévenir, conseiller, accompagner leurs adhérents. L’UNPI (Union nationale de la propriété immobilière) et ses chambres territoriales, dont celle du Grand Paris, à la fois la plus importante et celle qui intervient sur le parc locatif le plus vaste, œuvrent avec cœur pour que les propriétaires connaissent les nouveaux textes, les respectent, choisissent des loyers modérés leur garantissant la stabilité du preneur plutôt qu’une rotation incessante, leur faisant aussi courir le risque de l’impayé et de la dégradation. Il faut simplement prendre la mesure que ces associations ne rassemblent qu’une petite partie des propriétaires bailleurs qui gèrent directement leur bien, probablement entre 5% et 10% d’entre eux ! Leur enjeu prioritaire est d’ailleurs d’augmenter leur représentativité et ils s’y emploient. En clair, elles n’ont pas barre sur les comportements de l’écrasante majorité des bailleurs.

Ensuite, la stratégie de collusion est porteuse d’un autre péril : faire accroire que les objectifs sont les mêmes des propriétaires, alors que ce n’est que partiellement le cas. Oui, les professionnels défendent un marché fluide et sans contraintes paralysantes, mais ils défendent à ce titre les deux parties, le propriétaire et le locataire. D’ailleurs, on voit le discours de l’UNPI s’infléchir et passer de la défense des propriétaires à celle de la propriété,nuance de taille mais qui peinera à s’imposer dans la population des investisseurs. En tout cas, les actuels dirigeants de ces associations perçoivent que leur mission doit à cet égard se moderniser.

Enfin, les professionnels sont ontologiquement la critique du marché autoadministré : ils sont là pour dire que gérer et louer un logement est difficile et que leur métier est de faciliter la vie des bailleurs comme celle des locataires. Parce qu’il faut avouer que le marché de gré à gré, aujourd’hui les 2/3 du marché global des quelque 6,7 millions de logements locatifs privés, appartenant à environ 5,5 millions de propriétaires, dysfonctionne. L’État le sait et est dépassé par la situation, en feignant de la maîtriser. L’encadrement ou encore le permis de louer, conçu pour tordre le bras des marchands de sommeil, sont autant de gestes en réalité largement tournés vers les particuliers qui louent. Le parc intermédié est beaucoup plus orthodoxe, sans être parfait, certes. Ses pathologies sont multiples, et elles vont s’accentuer avec les exigences de la transition environnementale. Le respect de la loi, pour l’équilibre du contrat de bail, les garanties demandées à l’entrée, la qualité des constats des lieux à l’entrée et à la sortie du logement, l’impératif légal et moral de neutralité qui exclut la discrimination sous toutes ses formes, tout cela est infiniment plus malmené par les particuliers que par les professionnels et les discours sur ce sujet sont bien pudiques, sinon hypocrites. Encore une fois, non seulement ce n’est pas offenser l’UNPI et ses chambres que de le dénoncer : elles se battent avec la dernière énergie pour faire reculer ces maux. La réalité est là.

Les particuliers, et les syndicats d’agents immobiliers et d’administrateurs de biens le dénoncent, font l’objet de contrôles et de sanctions tellement moins fréquents que les professionnels que les dérives ne sont pas corrigées. Au point que les dispositifs conçus au premier chef pour les particuliers qui s’égarent passent à côté de leur objectif : l’encadrement ou les obligations légales de livrer un logement digne et décent sont malmenés par ceux qui gèrent sans intermédiaire. Ils passent sous les radars, et le besoin de se loger les places en position de force, évidemment plus sur les marchés des métropoles. Croit-on sérieusement que l’interdiction de louer des logements mal classés dans l’échelle du DPE (diagnostic de performance énergétique) s’impose avec autant de rigueur chez les particuliers que chez les professionnels, qui eux devront rappeler leurs bailleurs mandants aux obligations de laloi Climat résilience, tout juste d’être promulguée et publiée ? Ce problème devrait obséder l’État et ce n’est pas le cas.

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