OTC
Washington encourage l’Arménie et l’Azerbaïdjan à intensifier leur dialogue en vue d’une normalisation
Le processus de paix dans le conflit arméno-azéri du Haut-Karabagh, qui voit les Etats-Unis et la France coopérer depuis près de 30 ans avec la Russie à la coprésidence du Groupe de Minsk de l’OSCE en vue de son règlement, sera-t-il épargné par le vent glacial de guerre froide que fait souffler la guerre livrée par la Russie contre l’Ukraine ? Il semblerait que ce soit le cas, les Américains comme les Russes s’entendant pour prodiguer les mêmes encouragements au dialogue à l’Arménie et à l’Azerbaïdjan, tout en se félicitant de concert du processus de normalisation engagé par l’Arménie et la Russie. S’il est évident qu’à l’heure de l’invasion de l’Ukraine, le conflit du Karabagh est moins que jamais la priorité des Américains, ceux-ci ont été tenus néanmoins de répondre à la demande du premier ministre arménien Nikol Pachinian, qui appelait la coprésidence du Groupe de Minsk à offrir sa médiation dans le processus de dialogue avec l’Azerbaïdjan, qui vient de présenter un nouveau plan de paix à Erevan. La demande est pour le moins embarrassante, tous les ponts et passerelles diplomatiques étant rompus entre Joe Biden et Vladimir Poutine, qualifié de « dictateur » par le président américain, même si l’on sent au Kremlin une certaine volonté de renouer le dialogue avec la Maison Blanche. Interrogée par le Service arménien de RFE/RL sur la position de Washington concernant la demande par l’Arménie d’une médiation des coprésidents du Groupe de Minsk en vue de l’organisation de pourparlers avec l’Azerbaïdjan portant sur un traité de paix, l’ambassade américaine à Erevan a répondu : “Les Etats-unis restent attachés à la promotion d’un avenir pacifique, démocratique et prospère pour la région du Sud Caucase. En qualité de coprésident du Groupe de Minsk, nous appelons l’Arménie et l’Azerbaïdjan à poursuivre et intensifier leur engagement diplomatique en vue de solutions globales à tous les problèmes en suspens. Les Etats-unis sont prêts à aider l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans le cadre de ces efforts”. Une réponse plutôt vague donc, eu égard au format de cette médiation, qui associe une Russie pour l’instant mise au ban des nations par le camp occidental. D’ailleurs, pour ce qui concerne une éventuelle visite des coprésidents du Groupe de Minsk dans la région, l’ambassade s’est bornée à indiquer qu’elle n’avait aucune information nouvelle à communiquer sur ce point. Bien avant que la guerre n’éclate en Ukraine, le 24 février, la question d’une nouvelle tournée des médiateurs du Groupe de Minsk était déjà soulevée. L’Azerbaïdjan, qui estime que sa victoire dans la guerre du Karabagh de l’automne 2020 a réglé le conflit, a fait ostensiblement obstruction depuis à une tournée régionale des médiateurs du Groupe de Minsk de l’OSCE, représentants d’un processus de négociations qu’il estime caduc. Lors d’un point de presse jeudi 17 mars à Moscou, la porte-parole du ministère russe des affaires étrangères Maria Zakharova indiquait pour sa part que la Russie saluait la disposition de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan à s’engager sur la voie d’un traité de paix. Elle ajoutait que la Russie était prête à fournir “toute l’aide possible” pour un tel processus de négociations. S’exprimant devant les journalistes du Service arménien de RFE/RL en début de semaine, l’ambassadrice de France en Arménie Anne Louyot avait elle aussi déclaré que la France, en sa qualité de pays coprésidant le Groupe de Minsk de l’OSCE, était prête à faire son possible pour parvenir à une paix durable entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Par Garo Ulubeyan
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2- Les Nouvelles d'Arménie
18/03/2022
https://armenews.com/spip.php?
Pas de place pour des pourparlers de paix car l’Azerbaïdjan « n’est pas honnête »
La défenseuse arménienne des droits de l’homme Kristine Grigorian estime qu’il n’y a pas de place pour des pourparlers de paix avec l’Azerbaïdjan pour le moment parce que Bakou « n’est pas honnête », rapporte Pastinfo.
Grigorian a fait ces remarques le jeudi 17 mars, alors que l’Arménie a entamé des processus pour réparer les liens avec l’Azerbaïdjan et la Turquie. 100 000 habitants du Karabakh sont privés de gaz depuis 10 jours maintenant, et parce que le gazoduc a été endommagé dans les territoires actuellement sous le contrôle de Bakou, l’armée azerbaïdjanaise ne permettra pas à la partie arménienne d’éliminer le problème.
Les forces armées azerbaïdjanaises ont également violé le cessez-le-feu et utilisé des haut-parleurs pour semer la panique parmi la population du Haut-Karabakh, tentant de les forcer à quitter leurs maisons.
Kristine Grigorian a déclaré qu’elle s’était récemment rendue dans le village du Karabakh de Khramort, où les habitants sont confrontés à de graves attaques psychologiques et physiques de la part de l’armée azerbaïdjanaise. Selon elle, la politique azerbaïdjanaise de pression, d’intimidation et d’expulsion des Arméniens est continue.
La médiatrice a déclaré qu’elle prévoyait de se rendre dans la province de Syunik, dans le sud de l’Arménie, début avril.
Par Jean Eckian
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3- Le Caucase
19/03/2022
https://www.le-caucase.com/
L’Arménie et l’Azerbaïdjan envisagent des pourparlers de paix alors que les violences en Artsakh s’intensifient
Alors que la violence s’intensifie en Artsakh, les autorités arméniennes et azerbaïdjanaises ont échangé des déclarations sur l’ouverture de pourparlers de paix.
Le défenseur des droits de l’Homme de l’Artsakh, Gegham Stepanyan, a appelé la communauté internationale à prendre des mesures contre l’escalade de l’agression de l’Azerbaïdjan contre la population civile arménienne de l’Artsakh. Il a déclaré que si les autorités azerbaïdjanaises ont poursuivi des tactiques d’intimidation de la population arménienne de l’Artsakh depuis la fin de la guerre de 2020, leurs actions se sont intensifiées ces derniers jours, car l’armée azerbaïdjanaise cible désormais les communautés civiles à l’aide de lance-grenades et de mortiers de gros calibre, des armes qui n’ont pas été déployées depuis la guerre.
« Les actions délibérées et coordonnées des autorités azerbaïdjanaises visent à expulser les Arméniens de l’Artsakh et à mener une politique de nettoyage ethnique », a déclaré M. Stepanyan dans la vidéo diffusée le 15 mars.
L’armée azerbaïdjanaise a tiré sur les villages de Khramort et Nakhichanik de la région d’Askeran et sur les villages de Khnushinak et Karmir Shuka de la région de Martuni en Artsakh le 9 mars, selon les responsables de l’Artsakh. Le mois dernier, des vidéos se sont répandues sur les médias sociaux montrant les forces azerbaïdjanaises ordonnant par haut-parleur aux civils arméniens d’évacuer les villages frontaliers de l’Artsakh. Des vidéos ultérieures montrent des diffusions d’appels à la prière, de l’hymne national azerbaïdjanais et de séquences d’un opéra azerbaïdjanais.
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4- Le Courrier d'Erevan
17/03/2022
https://www.courrier.am/fr/
L’Arménie est prête à négocier avec l’Azerbaïdjan sans conditions préalables
Le 16 mars, le ministre arménien des Affaires étrangères, Ararat Mirzoyan, a participé à la 40e séance spéciale de la Conférence ministérielle de la Francophonie à Paris, où il a prononcé un discours.
Un responsable du ministère des Affaires étrangères d’Arménie a déclaré à l'agence Armenpress que le ministre des Affaires étrangères de la République d’Arménie a attiré l’attention des présents sur les actions de l'Azerbaïdjan visant à aggraver la situation dans le Caucase du Sud, dans les réalités géopolitiques actuelles. Les actions de l'Azerbaïdjan visant à créer une crise humanitaire au Haut-Karabakh, en particulier les faits de création d'obstacles à la restauration des infrastructures vitales, le ciblage de la population civile, la pression psychologique exercée sur la population, ont été présentées.
Le chef de la diplomatie arménienne a souligné la nécessité d'une réaction claire et ciblée des chefs d’État et de gouvernement de la Francophonie aux autorités azerbaïdjanaises afin de s'abstenir de toute tentative de déstabilisation de la situation dans la région. Il a été souligné que l'Arménie est attachée au règlement global et pérenne du conflit du Haut-Karabakh sous les auspices des coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE et est prête à négocier un accord de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan sans conditions préalables.
Dans son discours, Ararat Mirzoyan a souligné que malgré les nombreux défis, de l'épidémie de coronavirus jusqu'à la Guerre de 44 jours en 2020, l'Arménie reste attachée au processus de réforme en cours, basé sur les valeurs de la démocratie, de la protection des droits de l'homme, de l'État de droit et de la lutte contre la corruption.
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5- Les Nouvelles d'Arménie
17/03/2022
https://armenews.com/spip.php?
Moscou salue la volonté de Bakou et d’Erevan de se préparer à un accord de paix indique Maria Zakharova la porte-parole de la diplomatie russe
Moscou salue la volonté de Bakou et d’Erevan de se préparer à un accord de paix. La représentante officielle du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, l’a déclaré lors d’un briefing aujourd’hui.
« Nous saluons la volonté de Bakou et d’Erevan de commencer à préparer un accord de paix entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Nous réaffirmons notre détermination à soutenir par tous les moyens un tel processus de négociation. Quant à son achèvement et à la date possible de signature de l’accord de paix, je pense qu’il est trop tôt pour en parler » a déclaré Maria Zakharova.
Elle a également noté que les parties devaient résoudre les problèmes entre elles, et la Russie est prête à soutenir ce processus. Source News.am.
Krikor Amirzayan
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6- Les Nouvelles d'Arménie
18/03/2022
https://www.armenews.com/spip.
Consultations politiques entre les ministères des Affaires étrangères de la République d’Arménie et du Royaume des Pays-Bas
Le 18 mars, des consultations politiques entre les ministères des Affaires étrangères de la République d’Arménie et du Royaume des Pays-Bas se sont tenues à La Haye sous la coprésidence de Paruyr Hovhannisian, vice-ministre des Affaires étrangères de la République d’Arménie, et de Thijs van der Plas, directeur général des affaires politiques du ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas.
Constatant mutuellement le haut niveau du dialogue politique entre l’Arménie et les Pays-Bas à différents niveaux, les interlocuteurs ont discuté d’un certain nombre de questions figurant à l’agenda bilatéral arméno-néerlandais. En ce qui concerne la coopération commerciale et économique, les interlocuteurs ont pris note de la dynamique positive observée ces dernières années et ont souligné les mesures à prendre pour réaliser pleinement le potentiel existant.
Les parties ont évoqué un large éventail d’événements qui seront organisés à l’occasion du 30e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre l’Arménie et les Pays-Bas.
Les parties ont discuté du programme de partenariat entre l’Arménie et l’UE, ont échangé leurs points de vue sur un certain nombre de questions d’intérêt mutuel à l’ordre du jour international et régional, et ont discuté de la coopération et du soutien mutuel au sein des organisations internationales.
Les interlocuteurs ont également abordé la situation actuelle autour du conflit du Nagorno-Karabakh. Dans ce contexte, les parties ont souligné l’importance d’une reprise complète du processus de paix du NK sous les auspices de la coprésidence du groupe de Minsk de l’OSCE. La partie arménienne a exprimé sa gratitude pour le soutien et la position de principe du Parlement néerlandais lors de l’agression azerbaïdjanaise contre l’Artsakh, ainsi que pour avoir soulevé la question par le gouvernement sur les plates-formes bilatérales et multilatérales, soulignant la nécessité de poursuivre cette approche compte tenu des développements géopolitiques actuels.
Le vice-ministre Hovhannisyan a également rencontré Jaap Fredericks, ambassadeur pour le partenariat oriental, et Bahia Tahzib Lie, ambassadeur pour les droits de l’homme.
Au cours de sa visite à La Haye, le vice-ministre a rencontré des représentants des partis politiques néerlandais et des militants de la société civile, et a participé à la réception diplomatique organisée à l’occasion du 30e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre l’Arménie et les Pays-Bas. Au cours de la réception, un certain nombre de personnes ont été récompensées pour leur contribution significative à l’approfondissement de la coopération bilatérale entre l’Arménie et les Pays-Bas.
Par Ara Toranian
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7- Les Nouvelles d'Arménie
18/03/2022
https://www.armenews.com/spip.
Ararat Mirzoyan rencontre le premier secrétaire général délégué de l’OTAN
Le ministre arménien des Affaires étrangères, Ararat Mirzoyan, a rencontré le premier secrétaire général délégué de l’OTAN, Mircea Geoană, à Bruxelles le 17 mars.
Selon le service de presse du MAE Arménie, Ararat Mirzoyan a exprimé sa satisfaction quant au dialogue politique existant avec l’OTAN. Dans ce contexte, il a souligné que la mise en œuvre du plan d’action individuel pour le partenariat était un outil efficace pour développer la coopération.
Les parties ont également évoqué la participation des unités arméniennes aux missions internationales de maintien de la paix et la contribution de l’Arménie au renforcement de la sécurité et de la stabilité internationales.
Les questions concernant la sécurité régionale ont été discutées. Ararat Mirzoyan a présenté la situation à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, la situation dans le Haut-Karabagh, les violations du cessez-le-feu par l’Azerbaïdjan, les actions visant à créer une crise humanitaire dans le Haut-Karabagh, les faits de pression psychologique sur la population civile.
Ararat Mirzoyan et Mircea Geoană ont échangé leurs points de vue sur le processus de normalisation des relations entre l’Arménie et la Turquie.
Le même jour, le ministre arménien des Affaires étrangères a prononcé un discours au Conseil de l’Atlantique Nord, dans lequel il a évoqué la coopération entre l’Arménie et l’OTAN au cours des 30 dernières années, les conséquences de l’agression de l’Azerbaïdjan contre l’Artsakh en 2020, les questions humanitaires qui doivent être résolues de toute urgence, en particulier les questions des prisonniers de guerre arméniens détenus illégalement en Azerbaïdjan et l’entrée des organisations internationales dans le Haut-Karabagh, ainsi que les perspectives et les possibilités de règlement du conflit du Haut-Karabagh sous le mandat des coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE, les négociations sur un accord de paix sans conditions préalables entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ainsi qu’un certain nombre de questions de sécurité internationale et régionale. Armenpress.
Par Krikor Amirzayan
_____________8- France Diplomatie
18/03/2022
https://www.diplomatie.gouv.
Arménie – Azerbaïdjan – Déclaration de la porte-parole (18 mars 2022)
Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères s’est entretenu successivement avec ses homologues azerbaïdjanais et arménien.
Il a souligné l’importance qui s’attache à la stabilité et à la paix dans le Caucase du Sud et notre souhait d’une concertation étroite avec les pays de la région. Il a marqué sa préoccupation quant au récent regain d’incidents sur le terrain et souligné la nécessité de mettre en œuvre tous les moyens disponibles pour faire baisser les tensions. Il a souligné l’importance que les contacts entre les parties concernées permettent de rétablir le réseau de gaz, récemment endommagé, qui approvisionne les populations du Haut Karabagh.
Le ministre a fait le point avec ses interlocuteurs sur la mise en œuvre des orientations fixées lors du Sommet virtuel du 4 février entre le Président de la République, le Président du Conseil européen, le Président Aliev et le Premier ministre Pachinian.
Il a également exprimé la disponibilité de la France, en ses différentes qualités y compris en tant que coprésidente du Groupe de Minsk, à appuyer le processus de négociation d’un traité de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Il a salué la récente visite en Turquie de son homologue arménien à l’invitation des autorités turques et encouragé la poursuite des discussions en vue d’une normalisation des relations entre les deux pays.
La situation en Ukraine a également été évoquée lors de ces deux entretiens. Le ministre a notamment salué l’aide humanitaire apportée à l’Ukraine par l’Azerbaïdjan, et évoqué avec son homologue azerbaïdjanais les enjeux d’approvisionnement énergétique des pays du voisinage de l’UE.
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9- Les Nouvelles d'Arménie
19/03/2022
https://armenews.com/spip.php?
Le bourbier russe du Caucase du Sud
Félix Hett est le directeur du bureau FES du Caucase du Sud depuis janvier 2017. Il travaille pour la Friedrich-Ebert-Stiftung depuis 2009, d’abord au bureau de Moscou, puis comme desk officer pour la Biélorussie, la Russie et l’Ukraine au siège de Berlin. Felix Hett a étudié la politique, le commerce et l’économie à Leipzig, Vilnius et Minsk.
Il a écrit cette analyse sur IPS, Politique internationale et société, un magazine en ligne lancé en janvier 2017. Basée dans le bureau bruxellois de la Friedrich-Ebert-Stiftung, Politique et Société Internationales, a pour objectif d’apporter le débat politique européen à un public mondial, ainsi que de fournir une plateforme au Sud.
La guerre de la Russie contre l’Ukraine provoque une onde de choc dans le Caucase du Sud. En Arménie, en Azerbaïdjan et en Géorgie, les politques et les citoyens ont réagi de diverses manières, soulignant une fois de plus à quel point les chemins de ces trois pays ont été divergents depuis leur indépendance de l’Union soviétique il y a 30 ans.
AZERBAIDJAN
L’Azerbaïdjan est officiellement ce que le Kremlin souhaite que l’Ukraine soit : neutre. En effet, le président Ilham Alijev est actuellement président du Mouvement des non-alignés. Concrètement, Bakou cherche à maintenir un équilibre entre la Turquie et l’ancienne puissance hégémonique, la Russie. L’alliance stratégique qu’il a conclue avec Moscou à la veille de la guerre en Ukraine reflète à bien des égards la « déclaration de Chouchi » élaborée avec Ankara en 2021. L’Azerbaïdjan tente ainsi de réussir l’exploit délicat de coordonner sa politique étrangère avec deux puissances régionales parfois alliées, mais souvent concurrentes.
Les sympathies de la population vont cependant aux Ukrainiens. Une grande manifestation à Bakou a appelé à la solidarité avec l’Ukraine. La manifestation a été accueillie avec retenue par les forces de police qui, dans le passé, ont même dispersé par la force des manifestations en faveur des droits des femmes.
Depuis le début du conflit du Karabakh en 1988, l’Azerbaïdjan s’en tient rigoureusement au principe de « l’intégrité territoriale », ce qui le place naturellement du côté de Kiev, tandis que les Arméniens insistent sur le droit à l’autodétermination des Arméniens du Karabakh. À son retour de Moscou, le président Alijev a immédiatement envoyé 24 tonnes d’aide humanitaire au pays attaqué par son partenaire d’alliance officiel, la Russie. Sous la bannière de la neutralité, l’Azerbaïdjan, riche en pétrole, tente ainsi de consolider son indépendance vis-à-vis de Moscou et d’élargir le champ de sa politique étrangère.
ARMENIE
En Arménie, les réactions contrastées de l’Occident aux guerres de 2020 et 2022 sont la source de beaucoup d’amertume.
Du point de vue du régime autoritaire de Bakou, le conflit du Haut-Karabakh a été « résolu » avec succès par la guerre de 2020 : des pans entiers de territoire précédemment sous contrôle arménien ont été repris par l’Azerbaïdjan après 44 jours de combats brutaux. Soutenue par la Turquie, la guerre d’agression de l’Azerbaïdjan n’a pas été sanctionnée, malgré des violations flagrantes du droit international.
L’Union européenne n’a pas envisagé de moratoire sur les importations d’énergie en provenance de cet État de la mer Caspienne, qui fournit moins de 5 % des importations de pétrole brut de l’Union, même pendant le conflit actif, et les combats en cours n’ont pas empêché l’achèvement du gazoduc transadriatique qui approvisionne l’Italie en gaz azerbaïdjanais. Il est fort possible que cela ait renforcé la conviction de Moscou que la communauté internationale tolérerait un changement du statu quo imposé militairement. À la suite des sanctions occidentales contre la Russie, Bakou espère maintenant augmenter ses propres exportations d’énergie vers l’UE. Toutefois, compte tenu des capacités limitées de production et d’exportation, les possibilités d’expansion à court terme sont limitées.
L’amertume de l’Arménie
En Arménie, les réactions contrastées de l’Occident aux guerres de 2020 et 2022 sont la source de beaucoup d’amertume. Bien qu’ils soient essentiellement sensibles à la situation critique de l’Ukraine, les Arméniens se plaignent de la « politique de deux poids, deux mesures » de l’Occident à l’égard des États qui rompent la paix. À la suite de sa défaite en 2020, l’Arménie dépend plus que jamais de son partenariat de sécurité avec la Russie, ce qui conduit le gouvernement à éviter toute déclaration sur la guerre en Ukraine.
La population arménienne restante au Karabakh, quant à elle, dépend des troupes de maintien de la paix russes pour sa survie. À la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine, l’Azerbaïdjan fait monter la pression : le 8 mars, un gazoduc endommagé sur le territoire contrôlé par l’Azerbaïdjan a interrompu l’approvisionnement en gaz du Karabakh, laissant plus de 100 000 personnes sans chauffage. Les communautés arméniennes ont fait l’objet de tirs répétés, l’armée azerbaïdjanaise menant des campagnes d’intimidation visant apparemment à inciter la population arménienne à quitter la région.
La capitale arménienne Erevan, quant à elle, a connu une nouvelle vague d’immigration, les Russes instruits en particulier – parmi lesquels des journalistes et des militants des droits de l’homme, mais aussi des spécialistes en informatique et même des entreprises entières – ayant tourné le dos à Moscou et à d’autres villes. Certains jours, pas moins de 37 avions en provenance de Russie ont atterri à l’aéroport de Zvartnots.
Le gouvernement et les initiatives du secteur privé ont tenté de tirer parti de cet afflux, offrant aux nouveaux arrivants une aide pour trouver du travail et créer des entreprises. La question de savoir si ce « gain de cerveaux » compensera la diminution attendue des envois de fonds des travailleurs migrants arméniens en Russie reste ouverte. Dans l’ensemble, l’effondrement probable de l’économie russe aura des conséquences négatives prédominantes pour le Caucase du Sud – non seulement en ce qui concerne les travailleurs migrants, mais aussi parce que la Russie est le principal marché d’exportation de nombreux produits manufacturés de la région.
GEORGIE
La Géorgie a elle aussi déjà reçu plus de 20 000 migrants russes, mais l’accueil y est moins chaleureux. Une pétition en ligne demande même la réintroduction de l’obligation de visa pour les Russes, qui devraient plutôt, selon l’argument, rester en Russie et combattre le régime de Poutine de l’intérieur.
Cette situation reflète la relation conflictuelle avec la Russie qui caractérise la Géorgie depuis la guerre d’août 2008 entre les deux pays. Les Géorgiens craignent que Moscou n’utilise un jour la présence d’une minorité russe comme prétexte à une action militaire contre Tbilissi. Depuis que la Russie a reconnu l’« indépendance » de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud en 2008, elle dispose d’infrastructures militaires sur le versant géorgien de la chaîne du Grand Caucase, à 40 kilomètres à peine de la capitale Tbilissi.
Ces craintes ont entraîné une énorme vague de solidarité avec l’Ukraine, qui s’exprime non seulement par des manifestations de masse régulières sur l’avenue Rustaveli, mais aussi par les décorations bleu-jaune affichées dans de nombreux magasins. Des entreprises et des particuliers ont collecté de grandes quantités d’aide financière et humanitaire, et un ancien ministre de la défense est parti se battre du côté ukrainien, avec d’autres volontaires géorgiens.
Même face à la guerre entre la Russie et l’Ukraine, le Caucase du Sud reste profondément divisé.
Selon un sondage actuel, plus des deux tiers de la population s’attendent à ce que la Géorgie soit la prochaine victime de l’agression russe si l’Ukraine est vaincue. Son gouvernement, quant à lui, a été critiqué pour sa réaction prudente. Bien qu’il ait fourni une modeste aide humanitaire à l’Ukraine, il a également refusé de souscrire aux sanctions contre la Russie et, selon les médias, un avion affrété pour emmener des combattants géorgiens en Ukraine s’est vu refuser l’autorisation d’atterrir à Tbilissi.
Dans la société civile, on craint que les justifications parfois assez maladroites de cette prudence parfaitement compréhensible n’entravent les chances de la Géorgie de rejoindre l’UE. Le Premier ministre Irakli Garibashvili a toutefois proclamé publiquement que les sanctions sont futiles et qu’il doit se concentrer uniquement sur les intérêts nationaux de la Géorgie. En signe de protestation, l’Ukraine a retiré son ambassadeur de Tbilissi.
Néanmoins, la Géorgie, suivant de près l’Ukraine, a maintenant soumis en toute hâte une demande d’adhésion à l’UE, après avoir annoncé qu’elle le ferait en 2024. Ses chances de succès sont douteuses, moins en raison de l’attitude du gouvernement géorgien vis-à-vis de l’Ukraine que de ses relations tendues avec l’UE.
Celles-ci n’ont cessé de se détériorer ces dernières années, principalement en raison de la lenteur de la réforme judiciaire et du manque de protection des droits des minorités. À la suite de violentes manifestations contre des journalistes dans le cadre de la Pride Parade de l’été 2021, le Premier ministre a même flirté publiquement avec l’idée d’une « démocratie illibérale » à la Viktor Orban. Du point de vue de l’Europe occidentale, du moins, de telles réflexions ne peuvent que rendre l’adhésion de la Géorgie à l’UE moins attrayante.
Même face à la guerre entre la Russie et l’Ukraine, le Caucase du Sud reste profondément divisé : la Géorgie s’accroche à son objectif d’adhésion à l’UE, l’Arménie reste fermement ancrée dans la sphère d’influence de la Russie et l’Azerbaïdjan jongle avec des puissances concurrentes. La guerre a beau secouer la région, ces trois États continuent de suivre les mêmes chemins bien ancrés qu’auparavant.
Lien de l'article original en anglais : https://www.ips-journal.eu/
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10- Les Nouvelles d'Arménie
18/03/2022
https://armenews.com/spip.php?
Les travaux de réparation du gazoduc endommagé depuis 10 jours en Artsakh sont terminés
Les travaux de réparation du gazoduc endommagé en Artsakh sont terminés a informé le Centre d’information de l’Artsakh. Il précise que compte tenu du fait que le gazoduc n'a pas fonctionné pas pendant 10 jours, un certain nombre de travaux techniques sont en cours pour assurer le transport et l’approvisionnement correcte et ininterrompu en gaz du réseau de diffusion.
« Après l’achèvement des travaux mentionnés, l’approvisionnement en gaz sera rétabli. Une fois de plus, nous exhortons tous les clients à être vigilants afin qu’il n’y ait pas de fuite de gaz ou d’urgence lors du rétablissement de l’approvisionnement en gaz » a indiqué dans un communiqué le Centre d’information de l’Artsakh. Selon toute probabilité les quelques 100 000 habitants de l’Artsakh privés de gaz depuis 10 jours seront réapprovisionnés en gaz dans les prochaines heures.
Krikor Amirzayan
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11- Les Nouvelles d'Arménie
18/03/2022
https://armenews.com/spip.php?
Demande d’enquête internationale sur l’utilisation de mercenaires par l’Azerbaïdjan et la Turquie contre le Haut-Karabakh
Conformément à une proposition du Groupe de travail des Nations Unies sur l’utilisation de mercenaires, un certain nombre d’ONG arméniennes ont préparé et soumis un rapport complet sur l’utilisation de mercenaires par l’Azerbaïdjan et la Turquie pendant la guerre de 44 jours.
Selon l’Open Society Foundations-Armenia, le rapport est basé sur les preuves qu’un groupe de militants des droits de l’homme a obtenues pendant et après la guerre de 44 jours.
« Les preuves présentées prouvent que des mercenaires syriens ont été embauchés et transportés en Azerbaïdjan pour lutter contre les Arméniens d’Artsakh et ont pris part aux hostilités pour un gain matériel, ce qui était une violation du droit international humanitaire. Les preuves sont incorporées dans le rapport intitulé »Les droits de l’homme violations pendant la guerre de 44 jours ", lit-on dans un rapport de l’OSF.
Des militaires et des civils arméniens, y compris des personnes âgées incapables de quitter la zone de combat, ont été tués par les mercenaires.
Les ONG demandent aux agences onusiennes compétentes d’enquêter sur les faits d’embauche et d’utilisation de mercenaires par l’Azerbaïdjan et la Turquie dans le Haut-Karabakh et dans d’autres conflits, ainsi que d’appliquer des sanctions contre les responsables turcs et azerbaïdjanais impliqués dans l’embauche et le déploiement de mercenaires syriens. . Les ONG ont également proposé de soumettre les preuves à la Cour pénale internationale pour tenir l’Azerbaïdjan et la Turquie, ainsi que d’autres pays, responsables de l’utilisation de mercenaires.
Les ONG soulignent un fait troublant selon lequel le Groupe de travail de l’ONU utilise les fausses allégations de l’Azerbaïdjan dans ses déclarations. Ils soulignent qu’en assimilant les deux parties, cet organisme et d’autres organismes internationaux aggravent le climat d’impunité et réduisent les possibilités d’indemnisation des victimes.
Le rapport a été préparé par Open Society Foundations-Armenia, Helsinki Citizens Assembly- Vanadzor, Protection of Rights Without Borders, Transparency International, Public Journalism Club, Analytical Center on Globalisation and Regional Cooperation et For Equal rights ONG.
Par Jean Eckian
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12- Le Courrier d'Erevan
18/03/2022
https://www.courrier.am/fr/
Tatoyan : il n'y a pas eu 3 mais 4 incursions de troupes azerbaïdjanaises en territoire arménien jusqu'à présent
Il y a eu jusqu'à présent non pas 3 mais 4 incursions des forces armées azerbaïdjanaises sur le territoire de la République d'Arménie. L'ex-défenseur arménien des droits de l’homme Arman Tatoyan a écrit ceci sur sa page Facebook le 17 mars.
Et il précise:
« 1. Village de Nerkin Khand, région de Syunik – mars 2022.
2. Commune de Vardenis de la région de Gegharkunik (Kut, Verin Shorja et un certain nombre d'autres villages) – mai 2021.
3. Municipalité de Goris, rédion de Syunik (territoire du lac Noir, près des villages d'Akner et de Verichen) – mai 2021.
4. Zone frontalière près du village de Tsav, région de Syunik – octobre 2020.
N'oubliez pas l'invasion de certaines parties du village de Tsav et tenez-en compte dans toutes vos actions. Présence illégale des forces armées azerbaïdjanaises sur les routes Goris-Kapan et Kapan-Chakaten (novembre-décembre 2020), ainsi que fermeture illégale de ces routes (à partir de novembre 2021).
Il ne faut pas oublier que depuis novembre 2020, les forces armées azerbaïdjanaises sont présentes à proximité des villages arméniens, souvent sur des terres et des maisons appartenant à des résidents arméniens dont les documents juridiques remontent à l'époque soviétique, ainsi que sur des terres et des maisons appartenant à des communautés.
Dans le même temps, les autorités azerbaïdjanaises poursuivent leur politique de propagande de haine et d'hostilité au plus haut niveau, et les forces armées azerbaïdjanaises ont rendu la vie normale impossible pour les résidents de nos régions frontalières », a écrit M. Tatoyan.
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13- Le Courrier d'Erevan
15/03/2022
https://www.courrier.am/fr/
L'Azerbaïdjan attend l'effondrement de la Russie : le ministre des Affaires étrangères de l'Artsakh
Le ministre des Affaires étrangères de l'Artsakh, David Babayan, a évoqué dans une interview accordée à la chaîne de télévision Rusarminfo les raisons de l'agression de l'Azerbaïdjan contre les Arméniens, qui s'accompagne d'une montée constante de la tension.
« La principale raison de cette agression est la haine envers le peuple arménien, envers l'Artsakh et envers la Russie. Les raisons sont nombreuses, tout comme les événements en Ukraine, y compris leurs activités conjointes avec la Turquie. Toutes ces questions doivent être prises en compte dans un cube. L'Azerbaïdjan est un pays qui nous déteste et qui déteste la Russie. Et toutes ces provocations sont, bien sûr, dirigées contre la Russie en premier lieu. À mon avis, en cette période difficile, il est très méprisable d'agir ainsi. Mais nous avons ce que nous avons.
Pourquoi les Azerbaïdjanais sont-ils mécontents des soldats de la paix russes ? Ils nourrissent l'espoir de détruire l'État arménien et tout dépend de nombreux facteurs. Mais à part cela, ils attendent que la Russie s'effondre et si cela se produit, ils feront tout. Et il ne s'agit pas seulement du Zangezur, le Daghestan et toute l'Eurasie suivront le même schéma.
Quant au Major Général Andreï Volkov, commandant du contingent de maintien de la paix en Artsakh, il ne mérite absolument pas une telle attitude de la part des autorités de Bakou. Il fait son devoir de gardien de la paix. L'attitude envers Volkov est le reflet de la haine de la Russie, et elle ne s'exprime pas au plus haut niveau. Cela se produit sur les médias sociaux, mais est parrainé aux plus hauts niveaux du gouvernement. Tout cela prouve une fois de plus que notre évaluation de la situation est correcte.
Mais si la haine des Arméniens est explicite, celle de la Russie est tactiquement différente. Les hauts dirigeants du pays ne le disent pas, mais le font par la bouche d'autres personnes – les représentants des communautés politiques et médiatiques. Ils veulent détruire la Russie. Ils souhaitent la destruction du Donbass, c'est pour des raisons politiques, à travers de telles tactiques », a déclaré Babayan.
Le ministre des affaires étrangères de l'Artsakh a décrit les dommages causés au gazoduc comme un acte délibéré des autorités de Bakou : « Étant donné que le gazoduc se trouve dans un territoire sous leur contrôle, toute obstruction aux réparations, surtout à un moment comme celui-ci, nous fait sérieusement penser à leurs intentions ».
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14- Les Nouvelles d'Arménie
18/03/2022
https://armenews.com/spip.php?
Suite à la guerre, environ 1 000 Arméniens ont quitté l’Ukraine pour la Moldavie
Depuis les 23 jours de la guerre russo-ukrainienne, plus de 1 000 Arméniens ont quitté l’Ukraine pour la Moldavie a indiqué le consul d’Arménie en Moldavie, Tatul Davoyan dans une déclaration à Radiolur. Selon lui, la plupart des Arméniens vivant à Odessa ont déménagé en Moldavie.
« Depuis le premier jour jusqu’à aujourd’hui, environ 1000 Arméniens sont venus en Moldavie, mais la plupart d’entre eux partent d’ici pour l’Europe occidentale. Les premiers jours le flux était très important, je recevais 200-300 appels par jour. Nous sommes allés à la frontière avec les représentants de la communauté arménienne, y sommes restés et avons reçu et salué les Arméniens 24 heures sur 24 » affirme Tatul Davoyan.
Tatul Davoyan dit que seule une petite partie des réfugiés a exprimé le désir de retourner en Arménie. Le consul honoraire d’Arménie en Moldavie assure que dès le premier jour, ils ont tout fait avec la communauté arménienne locale pour aider les Arméniens déplacés et leur donner l’asile. Il souligne que le flux d’Arméniens vers la Moldavie a diminué ces derniers jours.
"En ce moment, il y a environ 100 familles arméniennes sont en Moldavie et attendent de rentrer en Ukraine, elles ne veulent pas aller en Europe ou en Arménie, elles attendent que la situation se stabilise pour retourner chez elles. Mais si les combats actifs commencent à Odessa, le flux d’Arméniens vers la Moldavie augmentera à nouveau. Environ 35 000 Arméniens vivent dans la seule région d’Odessa » indique le consul honoraire d’Arménie. Source Radiolur.
Krikor Amirzayan
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15- France 24
17/03/2022
https://www.france24.com/fr/
Guerre en Ukraine : l'Arménie, refuge pour les Russes dénonçant le "crime" de Moscou
Par Tiffany Fillon
En Russie, la répression des opposants se renforce à mesure que l'invasion de l'Ukraine progresse. Par peur d'être arrêtés, certains Russes opposés à la guerre en Ukraine choisissent de s'enfuir, notamment en Arménie. Sacha, Marina, Youlia et Kseniia se sont confiés à France 24.
Ils s'appellent Sacha, Marina, Youlia et Kseniia. Après l'invasion de l'Ukraine, ces quatre Russes ont pris la décision de quitter leur pays. Craignant la répression du pouvoir, ils ont pris des billets d'avion en urgence pour rejoindre l'Arménie, l'un des seuls pays de la région où les Russes peuvent se rendre sans visa.
Avant leur exil, ils ne se connaissaient pas. Aujourd'hui, ils vivent au même endroit, aux alentours de la capitale, Erevan. "On a tout laissé derrière nous mais ici, on se sent plus en sécurité qu'en Russie", confie Sacha, entrepreneur arrivé de l'ouest de la Russie avec sa femme, Marina, et leurs deux enfants.
Ils sont partis après l'entrée en vigueur, le 5 mars, de la nouvelle loi qui durcit la répression contre les médias et les opposants à la guerre en Ukraine. Le texte prévoit jusqu'à quinze ans de prison pour ceux qui diffusent des "informations mensongères sur l'armée russe".
Les conséquences ont été immédiates. "Les médias les plus populaires et critiques du pouvoir ont été bloqués […], des stations de radio indépendantes ont été fermées, des dizaines de journalistes ont été contraints de cesser leur travail, certains ont même quitté le pays", détaillait l'ONG Amnesty International dans un communiqué. Au moins 150 journalistes ont fui le pays depuis le début de la guerre, d'après Agentstvo, un site de journalisme d’investigation désormais inaccessible en Russie.
Depuis, le réseau social Facebook a aussi été bloqué, Twitter est restreint et l'accès à Instagram est limité. YouTube, très populaire en Russie et utilisé par les opposants au régime, pourrait être la prochaine cible de Moscou.
Des départs précipités
Sacha, Marina, Youlia et Kseniia se sont tous très vite sentis menacés. Le 24 février et les jours suivant l'invasion russe, Sacha a publié des contenus antiguerre sur les réseaux sociaux. "Dans les commentaires, il y avait de plus en plus de messages déplaisants voire menaçants", se rappelle-t-il.
De son côté, Kseniia, qui travaillait dans le secteur bancaire en Russie, a partagé beaucoup d'"informations indépendantes" sur les réseaux sociaux et a signé des pétitions contre la guerre. Youlia, elle, a posté des contenus anti-Poutine sur Instagram et a utilisé le célèbre hashtag #нетвойне [“non à la guerre”, NDLR]. Or, en Russie, l'utilisation des mots "guerre", "invasion" et "attaque" pour décrire les actions militaires de Moscou en Ukraine peut entraîner de lourdes conséquences. L'exemple de Marina Ovsiannikova en est la preuve. Elle a été arrêtée pour avoir brandi à la télévision russe une pancarte dénonçant la guerre en Ukraine. Rapidement libérée, elle risque toujours de lourdes peines de prison.
"Les Russes ne sont pas au courant de ce qu'il se passe en Ukraine. Et la propagande commence très tôt, même à l'école maternelle", dénonce Marina. Dès le 24 février, l'école de ses enfants a demandé aux élèves d'écrire des cartes postales aux soldats russes pour les soutenir. "J'ai dû expliquer à ma fille que les soldats n'avaient pas d'autre choix que d'obéir aux ordres."
La famille a par ailleurs reçu des pressions des autorités russes. La police a téléphoné à la sœur de Sacha et s'est rendue chez leur mère pour tenter de le retrouver. Puis, alors que Sacha se trouvait déjà en Arménie, la police l'a appelé et lui a demandé de se rendre au commissariat pour un entretien. "Je suis allé une fois à une manifestation contre la guerre. Je suis resté au maximum cinq minutes mais je tenais une pancarte donc j'ai dû être repéré", affirme-t-il. Selon l'ONG OVD-Info, depuis le 24 février, près de 15 000 manifestants pacifistes ont été interpellés en Russie. Par peur de recevoir des amendes, d'être arrêtés voire emprisonnés, Sacha et Marina ont quitté leur domicile. Le soir même, la famille était en Arménie.
De son côté, Youlia, qui travaille dans le design graphique, a participé à plusieurs manifestations. "Je ne voulais pas rester en Russie parce que ceux qui manifestent leur opposition à cette guerre risquent d'avoir des gros problèmes. Et je refuse de prendre part à ce 'crime de l'État russe'", souligne-t-elle. Elle n'a pas attendu pour partir. Quelques jours après le vote de la nouvelle loi russe, Youlia a pris un vol depuis Moscou. "C'était la seule possibilité, pour moi, de sortir de la Russie à ce moment-là."
Les vols pour Erevan étaient à la fois disponibles rapidement et dans son budget. Et puis Youlia n'a pas de visa pour l'espace Schengen. Kseniia et Marina sont dans la même situation, comme "beaucoup de gens qui veulent partir", d'après Youlia. Ces mêmes raisons ont également poussé Kseniia à partir pour l'Arménie, où elle a retrouvé son mari, Donald. Ce Français, qui a beaucoup voyagé dans les anciens pays soviétiques et qui parle couramment russe, a rejoint sa femme pour l'aider à rentrer en France avec lui. "En Arménie, il y a un sentiment russophile et francophile assez marqué. Je me suis dit que c'était peut-être le dernier pays de la région où un sentiment antirusse pourrait se développer. Et puis, comme les Russes, les Français peuvent venir ici sans visa."
L'espoir d'un changement politique
Donald doit rentrer dans une semaine en France. Mais sa femme risque de ne pas pouvoir le suivre. "Kseniia est autorisée à rester six mois en Arménie. Mais je fais tout mon possible auprès des autorités françaises pour qu'elle ait un visa pour la France avant que je parte." Pour l'obtenir, Kseniia doit faire une demande de titre de séjour en Russie. Mais pour elle, ce n'est pas envisageable. Si elle rentre en Russie, elle a peur de devoir y rester pendant plusieurs mois, dans l'attente de son visa.
Sacha et Marina espèrent, eux, pouvoir rentrer "s'il y a un changement politique soudain en Russie, plus précisément démocratique", explique Sacha, qui se dit "convaincu que Poutine perdra la guerre". Ils n'écartent pas non plus la possibilité d'aller en Ukraine après la guerre. "Là-bas, il y a une population russophone et nous soutenons le peuple ukrainien dans la défense de son pays", justifie Sacha. La troisième option est d'"aller vivre dans l'Union européenne, si jamais elle accepte les réfugiés russes".
Pour Youlia, c'est aussi l'incertitude. "Je ne planifie rien. Ce qui est sûr, c'est que, sauf changement politique majeur, je ne rentrerai pas en Russie", affirme-t-elle. Il est difficile de savoir combien de Russes ont fui leur pays depuis le 24 février. Contactée par France 24, l'Organisation internationale pour les migrations a affirmé, mercredi, "ne pas avoir cette information".
L'ambassade de Russie en Arménie et le consulat de Russie à Paris n'ont pas répondu à nos sollicitations. L’économiste Konstantin Sorin, de l’université de Chicago, a estimé le 8 mars que 200 000 personnes avaient quitté la Russie depuis le début de la guerre en Ukraine. La semaine dernière, Vahe Hakobyan, président de la commission des affaires économiques du Parlement arménien, a déclaré qu'environ 6 000 citoyens russes et ukrainiens arrivaient chaque jour dans le pays.
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16- Le Courrier d'Erevan
17/03/2022
https://www.courrier.am/fr/
Banque centrale d’Arménie : « Pas de fièvre sur le dollar »
Martin Galstyan, président de la banque centrale d’Arménie, saluait au cours d’une conférence de presse le 15 mars, la retenue et le calme inédits des Arméniens face aux récentes fluctuations du rouble et du dollar.
Par Aram Gareginyan
Précisons que cette conférence ne revêtait aucun caractère extraordinaire dû au contexte de la guerre en Ukraine et des sanctions contre la Russie. La Banque centrale communique régulièrement sur ses décisions concernant son “taux directeur" et ce dernier rendez-vous était inscrit de longue date à son calendrier. Le "taux directeur" de la Banque centrale arménienne, ou "taux de refinancement", est celui auquel elle consent à prêter à court terme de l’argent aux banques commerciales du pays. Il vient d'être relevé de 8 à 9,25%, incitant ainsi les établissements de crédit à une limitation de leur offre de prêts aux ménages et aux entreprises, et entrainant possiblement une action de levier sur l'inflation en forte hausse depuis 18 mois. Cette dernière s'explique par une forte augmentation du prix des matières premières et des commodités vivrières elle-même consécutive à la reprise économique et industrielle post-confinements.
En tant qu'exportateur de molybdène, mais surtout d’or et de cuivre, l’Arménie, d’un côté, profite du cours exceptionnellement élevé de ces valeurs sur les bourses mondiales, mais en revanche, continue de devoir importer la majorité des denrées alimentaires de base qu'elle consomme (blé et viande de volaille pour leur plus grande partie, la totalité de son sucre et quasiment celle de son huile et de son beurre), de même que son gaz et les hydrocarbures dont elle a besoin. Ces approvisionnements étant réglés au plus haut coût, la demande en dollars a significativement augmenté. Pour ne rien arranger, à la suite de la guerre du Karabakh de 2020, un certain nombre de dépôts bancaires en dollars a été retiré.
« Je tiens à remercier notre population pour son comportement responsable et avisé en ce qui concerne la gestion de ses finances et qui n'a jamais cédé à la panique », a-t-il dit, « grâce à cela, la banque centrale ne voit aucune raison de limiter les retraits en devises étrangères ou les paiements sur l'étranger ».
Par ailleurs, cette attitude a permis d'éviter l'intervention de la banque centrale sur le marché des changes pour apaiser la volatilité du dram arménien contre le dollar qui n'accuse qu'une légère baisse début mars, à 506 drams contre 482 en janvier dernier. Il n’y a pas eu de mouvement de panique ni d'achat massif de dollars, malgré les écarts de conversion. Dans les banques arméniennes, il était de 4% pour l’euro (env. 20 drams) et de 20% à 40% pour le rouble.
Malgré tout, il serait erroné de penser que la situation reste normale, les conséquences des sanctions occidentales contre la Russie, partenaire clé du commerce extérieur de l’Arménie, sont patentes. Selon les estimations préliminaires de la banque centrale, les flux de transferts financiers en provenance des travailleurs émigrés en Russie, source de revenus importante pour de nombreux ménages en Arménie, vont diminuer de 20%.
Cependant, d'après Hayk Avetisian, chef du département de politique monétaire de la banque centrale, si ces transferts participent encore de manière significative au pouvoir d’achat des citoyens, l’économie nationale en est moins dépendante qu’auparavant. Leur part dans le produit intérieur brut (PIB) est passée de 15 à 7-8%, le total des transferts en provenance de Russie, de 80 à un peu plus de 50%. Malgré tout, en valeur brute, leur montant s'élève à la somme considérable de 464 millions de dollars et constitue une manne vitale pour des régions comme celles de Shirak ou de Gegharkunik dont de nombreux hommes dans la force de l'âge sont employés à des travaux saisonniers en Russie.
Pour les exportateurs arméniens, la Russie est le premier acheteur de produits finis arméniens, des problèmes de retard ou de dépréciation des paiements pourraient se poser en raison des fluctuations de taux de change, entrainant de sérieux problèmes de trésorerie de ces entreprises dans leurs opérations courantes au niveau par exemple du paiement des salaires, des taxes et des services publics, etc. Le gouvernement et la banque centrale discuteront à ce sujet des modalités de la mise en place d'aides ciblées.
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17- Le Courrier d'Erevan
16/03/2022
https://www.courrier.am/fr/
Aeroflot va relancer ses vols vers l'Arménie
La plus grande compagnie aérienne russe, Aeroflot, reprendra ses vols vers l'Arménie en utilisant des avions nationaux SSJ100 à partir du 22 mars, a annoncé la compagnie aérienne.
" Les billets sont déjà disponibles à l'achat. Les vols d'Aéroflot vers l'Arménie reprendront à partir du 22 mars 2022 et seront assurés par des avions locaux Sukhoi Super Jet 100", indique le communiqué.
Aeroflot a suspendu tous les vols à l'étranger, à l'exception des vols vers Minsk, depuis le 8 mars. Lundi, le transporteur a repris ses vols vers Bishkek et Osh (Kirghizstan), et à partir du 21 mars, il reprend ses vols vers Baku (Azerbaïdjan).
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18- Le Courrier d'Erevan
15/03/2022
https://www.courrier.am/fr/
La Turquie est désormais la plus grande menace pour l'Arménie et la Russie
Plus la Russie s'enlisera en Ukraine, plus les actions anti-arméniennes de l'Azerbaïdjan et de la Turquie se feront actives. La Turquie est désormais la plus grande menace pour l'Arménie et la Russie. En outre, tant dans le Caucase du Sud qu'en Ukraine, les mêmes forces jouent leur partie d'échecs contre la Russie. C'est ce qu'a déclaré Vladimir Lepekhin, directeur de l'Institut de l'UEE, dans une interview accordée à VERELQ.
– Monsieur Lepekhin, les événements dans le contexte de la crise russo-ukrainienne ont augmenté la tension également dans le Haut-Karabakh. Ces derniers jours, l'Azerbaïdjan a violé le régime de cessez-le-feu de manière quasi quotidienne, en utilisant des armes de gros calibre et en tirant sur les civils. En outre, le Karabakh est privé de gaz depuis plusieurs jours, ce qui est également le fruit du travail de la partie azerbaïdjanaise. A quoi devons-nous nous préparer ?
Les dirigeants russes ont commis une énorme erreur en lançant une opération militaire en Ukraine de manière intempestive et sans préparation adéquate. Cette inopportunité s'exprime également par le fait que, dans une situation où les forces de maintien de la paix et le personnel militaire russes sont actuellement stationnés en assez grand nombre au Tadjikistan, en Syrie, en Transnistrie, en Arménie, en Artsakh, en Abkhazie et en Ossétie du Sud, ainsi qu'en Biélorussie, en outre, la situation dans certains des États et des républiques non reconnues susmentionnés est plutôt compliquée (par exemple, au Tadjikistan, il existe une menace de déstabilisation par les Talibans, en Syrie, la question des terroristes internationaux n'est pas résolue, en Artsakh et en Arménie, il existe une menace d'expansion par l'Azerbaïdjan et la Turquie, etc.), créer un autre foyer de confrontation militaire entre la Russie et un grand pays comme l'Ukraine revient à augmenter considérablement les risques en matière de politique étrangère.
Une grande partie de l'espace post-soviétique sera sévèrement reformatée à l'avenir, à moins que la Russie ne change radicalement de cap en matière de politique intérieure et étrangère pour protéger ses véritables intérêts nationaux.
– Peut-on établir des parallèles entre ce qui se passe en Ukraine et les affrontements dans notre région ?
Les parallèles sont évidents. Dans le Caucase du Sud et en Ukraine, les mêmes forces jouent leur partie d'échecs contre la Russie. Il s'agit principalement du Royaume-Uni et des États-Unis, soutenus par la Turquie et les servants de l'UE.
Il existe des prédictions décourageantes selon lesquelles notre région est la prochaine et que la Turquie, avec son frère l'Azerbaïdjan, "rêve de mettre fin à la capture du Karabakh". Et, selon eux, le facteur russe n'est pas un obstacle à cela.
Oui, c'est vrai. Plus la Russie s'enlisera en Ukraine, plus les actions anti-arméniennes de l'Azerbaïdjan et de la Turquie deviendront actives. La Turquie est désormais la plus grande menace pour l'Arménie et la Russie. Malheureusement, nos élites (en Arménie et dans la Fédération de Russie) ne comprennent pas ou font semblant de ne pas comprendre ce fait évident.
– Une rumeur circule selon laquelle, en raison de la situation en Ukraine, la Russie retire certains de ses soldats de la paix du Karabakh. Certes, les autorités de Stepanakert ont démenti cette affirmation, mais un tel scénario est-il possible et dans quelles circonstances ?
Un tel scénario est tout à fait possible. Bien qu'il soit probable que la Russie réduise – en faveur de la direction ukrainienne – le nombre de militaires russes à Gumri. Elle n'utilisera les soldats de la paix de l'Artsakh en Ukraine qu'en dernier recours. On pense qu'il pourrait y avoir une rotation du personnel en Artsakh, certains conscrits vont remplacer les militaires sous contrat.
– Erevan officiel, représenté par Nikol Pachinian, s'est abstenu de donner une évaluation de ce qui se passe au Karabakh ces jours-ci. En outre, il est clair qu'il ne s'agit pas seulement de provocations, auxquelles ils sont malheureusement habitués : le parlement du Karabakh a convoqué une session extraordinaire, déclarant que l'armée de défense a été mise en état d'alerte numéro un. Pourquoi les autorités arméniennes continuent-elles de nier l'existence de l'Artsakh ?
Le gouvernement de Pachinian fait une nouvelle erreur. Depuis 2018, il a une réelle opportunité d'ajuster la politique étrangère russe, contribuant à la formation d'une alliance militaire Arménie-Russie-Artsakh plus forte dans la région. Cependant, le gouvernement arménien ne le fait pas, ce qui augmente les risques de forcer l'Artsakh à se subordonner à Bakou, ainsi que de soustraire des territoires supplémentaires à l'Arménie.
– Les coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE n'ont jamais repris leurs activités après la guerre de 44 jours en 2020, bien que tous les pays, à l'exception de Bakou, en aient revendiqué la nécessité et que le conflit n'ait pas été résolu. Mais face aux nouvelles réalités, il ne faut sans doute pas s'attendre à ce que le format soit relancé du tout ?
Quel groupe de Minsk ? Le groupe de Minsk de l'OSCE en 2020 a trompé l'Arménie, pour le dire en termes déviants – il a abandonné Erevan. Aujourd'hui, dans une situation où s'amorce une confrontation civilisationnelle totale entre l'Ouest et l'Est de l'Eurasie, l'OSCE s'est pleinement exposée comme un instrument de l'expansionnisme occidental contre les pays inamicaux. Ne pas comprendre ce fait pourrait conduire à une nouvelle défaite géopolitique pour l'Arménie, dès que la Russie aura de sérieuses difficultés à affronter les « centres de pouvoir » occidentaux.
Source : verelq.am
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19- Atlantico
13/03/2022
https://www.atlantico.fr/
La difficile neutralité de l'Arménie face à la crise ukrainienne
Certains pays issus de l'ancien monde soviétique, comme l'Arménie, ont opté pour une prudente neutralité, pour de multiples raisons géostratégiques.
Par Ardavan Amir-Aslani
Le chaos ukrainien inquiète légitimement tous les pays indépendants issus de l'ancien monde soviétique, dans le Caucase plus que partout ailleurs. Rares sont ceux qui se sont franchement exprimés en soutien à l'offensive décidée par Vladimir Poutine. Certains, comme l'Arménie, ont opté pour une prudente neutralité, pour de multiples raisons géostratégiques.
En effet, sortie meurtrie du dernier conflit au Haut-Karabakh qui l'a opposée à l'Azerbaïdjan en novembre 2020, l'Arménie a perdu près de 75% du territoire de l'enclave qu'elle contrôlait, repassé sous domination azérie. Cette défaite a entamé son poids géopolitique dans la région au profit de la Russie, garante de la sécurité de la zone avec le déploiement d'une force de maintien de la paix de 2500 hommes. Erevan s'est retrouvée de ce fait tributaire de la puissance russe, qui protège les Arméniens du Haut-Karabakh, mais sécurise aussi la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, théâtre d'affrontements récurrents depuis trois décennies, et la frontière avec la Turquie.
Alors qu'elle était déjà étroitement liée à la Russie par son appartenance à l'Organisation du Traité de Sécurité collective (OTSC), son principal traité de coopération, et par une présence militaire russe importante sur son territoire (avec l'aéroport militaire de Erevan et la base de Gioumri), cet état de fait a naturellement accru la dépendance de l'Arménie à son ancienne tutelle soviétique. Or, ceci l'oblige aujourd'hui à un délicat exercice d'équilibre, compte tenu de sa proximité avec les Occidentaux. Dans l'optique d'accéder à des financements significatifs dédiées à la modernisation de ses institutions et de son économie, l'Arménie a patiemment développé sa coopération avec l'OTAN à travers les plans d'action individuels pour le partenariat (IPAP), dont le premier date de 2005, ainsi qu'avec l'Union européenne. Elle est ainsi membre de l'initiative de partenariat oriental de l'Union et a signé avec les Vingt-Sept un accord de partenariat global et renforcé en 2017. Elle a enfin initié un dialogue stratégique directement avec les Etats-Unis en 2019.
Autant de liens d'amitié maintenus durant les vingt dernières années en parallèle des liens avec la Russie… aujourd'hui susceptibles de lui attirer les foudres du Kremlin, une situation que Erevan souhaite à tout prix éviter pour ne pas menacer sa propre souveraineté déjà fragile. Elle a ainsi communiqué a minima sur la guerre en Ukraine, et a offert son soutien diplomatique à la Russie. Le 26 février, l'Arménie a été le seul pays à voter contre son expulsion du Conseil de l'Europe, et s'est abstenue lors des votes du Conseil onusien des droits de l'homme et de l'Assemblée générale des Nations Unies deux jours plus tard.
Le peuple arménien, s'il s'est montré ému et solidaire du sort des Ukrainiens, a pour sa part très peu manifesté, et pour cause. Il garde en effet une rancune tenace envers Kiev, soutien politique et militaire de l'Azerbaïdjan auquel elle est soupçonnée d'avoir fourni des armes chimiques, du phosphore blanc qui aurait été utilisé contre l'Arménie lors du conflit dans le Haut-Karabakh. Volodymyr Zelensky a formellement démenti une telle accusation, sans convaincre une population facilement séduite par les discours nationalistes et les campagnes de désinformation russes. La Russie reste pourtant l'un des principaux soutiens militaires de Bakou et lui aurait fourni près de 60% de ses équipements militaires entre 2011 et 2020, selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, quand l'Ukraine n'en aurait guère fourni que 1%. Pour autant, sans avoir pu délibérément prendre fait et cause pour l'Ukraine, l'Arménie ne peut totalement se détourner d'un conflit qui menace 400 000 de ses ressortissants résidant dans le pays. Si les autorités arméniennes ignorent combien d'entre eux ont dû fuir les combats, elles ont déjà annoncé leur volonté d'accueillir des réfugiés russes, biélorusses et ukrainiens, en plus de leurs propres compatriotes.
Pour beaucoup en Arménie, le silence reste donc l'option stratégique la plus pertinente. Cependant, face au risque de s'isoler du camp occidental, il n'est pas certain qu'elle puisse conserver longtemps une telle neutralité. Préférant temporiser, elle n'est donc pas allée plus loin dans son soutien à la Russie et s'est gardée de reconnaître l'indépendance des républiques séparatistes du Donbass, craignant naturellement un scénario similaire dans l'enclave de l'Artsakh. Pour autant, le Kremlin lui demandera sans doute des preuves de sa loyauté, notamment dans son effort pour contourner les sanctions occidentales et trouver des alternatives au sein de sa propre sphère d'influence. Ce faisant, et dans l'hypothèse où la Russie sortirait victorieuse du conflit ukrainien, l'autre risque pour l'Arménie sera de se retrouver à nouveau prisonnière du joug russe comme au temps de l'Union soviétique.