Un peu plus d’un million personnes se trouvent actuellement en situation d’insécurité alimentaire aiguë dans le sud de Madagascar. Une crise liée à la pire sécheresse qu’a connu la région depuis une quarantaine d’années. Quelque 14 000 personnes ont même été classées officiellement en situation de famine par l’ONU.
" la cause est le manque d’eau. « Il faut multiplier les forages de puits et les unités de dessalement le long du littoral, comme ce qui est fait en Israël ou au Qatar.
"Plusieurs facteurs entrent en jeu. Il y a d’abord une dimension démographique. Dans les régions agricoles du sud, les familles sont nombreuses. D’après l’Institut national de la statistique malgache, les ménages comptent en moyenne à peu près six membres, contre sept en Androy.
La détérioration de l’environnement joue également un rôle important. A cause de la déforestation, il y a moins d’évapotranspiration, peu de formations de nuages et donc moins de précipitations. L’aridité ne fait qu’empirer d’année en année et le phénomène est aggravé par l’alizé du sud qui assèche tout sur son passage. Comme il n’y a plus de forêt pour protéger les cultures, le vent érode les champs et amène de la poussière. Cela limite les activités humaines et la photosynthèse des plantes.
Enfin, le sud est en proie à une insécurité croissante : vols de zébus etc … Le banditisme oblige également les populations à se déplacer et, sans animaux pour labourer, la productivité agricole chute.
On parle de kéré, un mot du dialecte antandroy [l’ethnie principale qui peuple cette région] qui veut dire « être affamé ». Le premier épisode enregistré remonte à 1895 et il a été documenté par les colons français arrivés dans le sud de l’île. Depuis, on a eu seize épisodes similaires.
Le changement climatique n’est pas le principal responsable de la famine dans le sud. Cette partie de Madagascar se dessèche depuis 3 000 à 4 000 ans. Certains auteurs parlent même de désertification puisque la tendance des précipitations est négative.
La sécheresse est amplifiée par le changement climatique et des pratiques comme la culture sur brûlis, la déforestation… Mais il y a aussi une responsabilité du système politique : le manque de décentralisation pèse sur la capacité des régions à faire face à ces problèmes.
L’aide humanitaire est ponctuelle. Il faut que le gouvernement dédie une plus grosse part de son budget aux projets de développement. Collecter des fonds pour distribuer de la nourriture n’est pas une solution : on ne rend pas les populations plus autonomes et plus résilientes.
Les Antandroy ont un lien extrêmement fort avec la terre ancestrale. Il ne faut pas abandonner les sépultures : c’est pour cela que l’on peut voir des tombeaux magnifiques à côté de maisons en tôle et en paille. Partir, ce serait risquer la malédiction, le bannissement. La migration est vraiment un ultime recours.
Le gouvernement actuel commence à changer d’approche. Des engins de construction de routes ont par exemple été mis à disposition des populations. Cela va améliorer l’accessibilité de ces zones dont l’isolement est un problème. Les autorités ont également fait appel à des partenaires privés pour résoudre le problème d’eau avec des stations de dessalement. Les semences améliorées sont de plus en plus utilisées.
Ces initiatives vont dans le bon sens, mais il faut aussi allouer plus d’argent sur le long terme, et plus seulement dans le soutien d’urgence. L’Etat est le premier responsable de la population malgache.
sources : Le Monde , Elise Lucet /"Envoyé Spécial" ,
photo : D.R.