Après l’appel de Naïri Sisserian , celui du Pasteur René Léonian
UN AN APRÈS, QUEL ESPOIR ?
Par le Pasteur René Léonian
Depuis un an, j’ai eu l’occasion de retourner en Arménie et en Artsakh à plusieurs reprises. En réalité, je ne sais pas si l’Arménie et l’Artsakh ont besoin de moi, mais moi, j’ai besoin d’eux. J’ai besoin de marcher sur le sol de notre patrie, besoin de méditer sur place, besoin d’écouter, de sentir, de comprendre. Tout cela se fait dans le partage mais aussi dans le silence.
Je me souviens de mon premier voyage touristique en Arménie, c’était en 1981. C’était comme un rêve. J’étais émerveillé par les paysages, les monastères, les musées, les inscriptions en arménien…
J’étais aussi un peu surpris par le régime de l’époque. Bien sûr, ce n’était pas la Cilicie d’où venaient mes grands-parents, mais c’était quand même une partie de l’Arménie trois fois millénaires. En 1987 et en 1992, j’ai pu visiter la Cilicie et l’Arménie Occidentale. J’ai eu sans doute plus d’émotion, mais aussi beaucoup de tristesse et de colère en voyant l’état lamentable dans lequel se trouvaient notre patrimoine ancestral.
En 1994, j’ai eu le privilège d’être nommé représentant du Conseil Mondial Évangélique Arménien en Arménie et en Artsakh. Je ne savais pas alors, que j’allais rester 17 ans en Arménie avec mon épouse Sylvie. Je peux attester que ces années là ont été parmi les plus intéressantes et les plus fructueuses de mon existence. En plus de ma responsabilité pastorale auprès des églises, j’ai dirigé les actions humanitaires de deux organisations, l’Association Missionnaire Arménienne d’Amérique et Espoir pour l’Arménie de France.
Aujourd’hui, un an après, comment se réconcilier avec la cuisante défaite de la guerre d’octobre 2020? Comment regarder droit dans les yeux les familles des soldats tombés au front, des soldats blessés à vie?
Comment va-t-on expliquer aux nouvelles générations le fiasco dans lequel l’Arménie et la diaspora mondiale se trouvent aujourd’hui?
J’aurais voulu avoir une baguette magique pour empêcher cette dernière guerre et ses conséquences désastreuses. J’aurais tant voulu que, depuis 30 ans, nos dirigeants agissent avec davantage de clairvoyance, de discernement et de sagesse. J’aurais tant voulu que la société civile remplisse pleinement ses responsabilités pour être un véritable contre-poids. J’aurais tellement voulu que la diaspora s’implique davantage et davantage…
Nous avons tous essayé d’analyser ce qui nous est arrivé sans forcément trouver les bonnes réponses à nos questions.
Comme chacun d’entre vous, j’ai mes opinions sur nos gouvernants et leurs compétences et incompétences. Loin de moi la prétention de passer au crible les agissements de ceux qui ont gouverné l’Arménie et l’Artsakh depuis le début des années 1990. Tôt ou tard, chacun rendra des comptes pour ce qu’il a fait ou aurait dû faire.
En toute naïveté, je me dis que si le pouvoir en place est capable de répondre aux questions essentielles de l’Arménie et de l’Artsakh, qu’il continue son action. Sinon, qu’il pense à laisser la place à d’autres.
Mon propos n’est pas de pointer du doigt qui que ce soit. C’est, au contraire, d’envisager des pistes où nous pourrons, les uns et les autres, sortir la tête haute.
Dans les prochains jours, je serai de nouveau en Arménie et en Artsakh. Je souhaite communiquer une parole d’encouragement et de réconfort à nos compatriotes et à leurs familles. Tout particulièrement aux familles dévastées par la perte d’un être cher, de leurs maisons, de leurs villages, de leurs biens ou de leurs emplois.. Une pensée toute spéciale pour nos blessés et nos prisonniers.
Je sais que, malgré votre douleur extrême, vous êtes forts et que vous allez surmonter cette épreuve atroce. Je sais que, malgré la lenteur du soutien de l’état et de la diaspora, vous êtes décidés à aller de l’avant, à persévérer et à vous en sortir.
Plus que jamais, avec vous, nous allons travailler pour plus d’unité au sein de notre peuple, plus de solidarité, plus de détermination pour trouver les bonnes solutions face aux problèmes, petits ou grands. Ensemble, nous allons prouver que rien n’est insurmontable, et que notre force peut même déplacer des montagnes.
Nous ne pouvons pas oublier le sang qui a été versé durant cette dernière guerre. C’est pour cela que nous allons réussir nos projets communs.
Nous sommes persuadés que l’Arménie va se fortifier dans sa souveraineté et que l’Artsakh va retrouver ses frontières historiques dans un état libre et indépendant.
N’oublions pas non plus que nous sommes un peuple qui a accepté la foi chrétienne depuis très longtemps. À l’image de notre Seigneur Jésus-Christ, qui a sacrifié sa vie sur la Croix pour notre salut, croyons que le sacrifice de nos soldats ne sera pas vain. Et, comme le Christ est ressuscité le 3ème jour,
croyons en la résurrection de notre peuple, de notre nation, de notre état, de notre Arménie, de notre Artsakh.
Peuple d’Arménie, peuple d’Artsakh, nous vous aimons, nous sommes à vos côtés, nous allons nous en sortir et nous allons triompher.
Pasteur René Léonian