L’architecture , la culture , le patrimoine : il faut créer le droit d’ingérence culturel pour sauver des patrimoines en danger
Gandzassar
Par Jean-Varoujean Guréghian
Le monastère de Gandzassar est situé près du village de Vank, dans la région de Martakert, sur la rive gauche du Khatchen, dans le Haut-Karabagh. Cette région est historiquement rattachée à la province d’Artsakh en Grande Arménie.
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L’église Saint-Jean-Baptiste et son gavit, vue du nord-est. Dessin de Jean V. Guréghian
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Les premières informations écrites proviennent du Catholicos Anania Mokatsi (946 – 968). Gandzassar veut dire en arménien « montagnes aux trésors ». Ce nom proviendrait du fait qu’on exploitait autrefois, sur cette colline, des mines d’argent, de cuivre et d’autres métaux.
Gandzassar qui était, à l’origine, le mausolée des princes Djalalides (Djalalian), devint grâce à eux un centre religieux, d’écritures et d’enseignement majeur. Des manuscrits de grandes valeurs ont été élaborés en ce lieu. Et, à partir de 1400, Gandzassar deviendra le siège du catholicossat d’Aghouanie (d’Albanie).
D’après certaines sources, nombre de reliques se trouveraient à Gandzassar, dont la tête de saint Jean-Baptiste, le sang de Zacharie, père de Jean-Baptiste, des reliques de Grégoire l’Illuminateur, de son petit-fils Grigoris et celles de différents martyrs.
Le seigneur Vakhtang Tangik, avant de mourir, aurait demandé à son fils, Hassan Djalal, de construire une église en ce lieu. Surnommé « le Grand Seigneur », Hassan Djalal fit construire, entre 1216 et 1238, l’église Saint-Jean-Baptiste. Elle fut consacrée en 1240, durant la fête du « Vartavar » (de la Transfiguration), en présence du catholicos Nerses d’Aghouanie, des chefs religieux, des seigneurs, des évêques et de 700 prêtres.
En 1261, Hassan, prisonnier et déporté par les envahisseurs iraniens, refuse de se convertir à l’islam. En conséquence, il est assassiné et découpé en morceaux par ses bourreaux. Atabek-Ivané, le fils de Hassan, va en Iran récupérer les restes de son père, qui avaient été conservés par un sage Iranien, et les ramène en Arménie. L’épouse de Hassan, Mamkan, fait alors construire le gavit adjacent à l’église où elle fait déposer le corps (en morceaux) de son époux. Son tombeau existe encore à ce jour.
Durant une longue période, jusqu’en 1813, date de l’annexion du Karabagh par la Russie, Gandzassar fut le siège de la résistance armée des Arméniens contre les envahisseurs tantôt Turcs, tantôts Perses. Israël Ori (1658 – 1711), figure historique du mouvement national de libération, y organisa des réunions mémorables.
En 1815, le catholicossat d’Aghouanie fut supprimé par les Russes.
En septembre 2014, le président du Karabagh Bako Sahakian et l’archevêque Parkev ont fêté, à Gandzassar, le 25eanniversaire du retour du diocèse au Karabagh.
L’église Saint-Jean-Baptiste est considérée comme l’une des plus belles d’Arménie (historique). C’est une église à croix inscrite avec quatre pièces d’angle à deux niveaux (comme à Dadivank, Sanahin ou Haritjavank). Les murs sont richement décorés à l’intérieur comme à l’extérieur.
À l’intérieur, de nombreux hauts-reliefs représentent des têtes d’animaux et des formes géométriques. Sur le fronton ouest, il y a une sculpture de Jésus, ce qui est rare dans l’architecture arménienne. À l’extérieur, des croix, des fines arcatures, des colonnes aveugles et des niches arméniennes décorent les façades. Les fenêtres sont entourées de fines sculptures. La coupole richement décorée est à seize faces, séparées par des triples colonnes, sous une coiffe en ombrelles.
Le gavit est à doubles voûtes croisées sans piliers centraux, et ressemble, par sa conception originale, aux gavits de Haghbat et de Mechkavank. Ces trois gavits auraient probablement été conçus par le même architecte. Les accès du gavit sont particulièrement bien décorés.
Il y a aussi, au sein du monastère, un réfectoire (datant de 1689), et un bâtiment d’école sur deux niveaux, construite en 1898 par l’évêque Anton, avec des cellules pour les prêtres. Depuis le XVII siècle, l’ensemble est entouré d’une haute muraille.
J’ai été témoin, à l’époque soviétique, d’une histoire rocambolesque. Un projet de restauration du monastère avait été élaboré par des confrères architectes d’Azerbaïdjan. Ce projet prévoyait d’introduire artificiellement des formes d’architecture musulmane. Notamment certaines arcades en formes ovales devaient remplacer les demi-cercles existant précédemment, etc. Heureusement, après une plainte déposée auprès des hautes autorités… le projet de restauration fut annulé.
L’église Saint-Jean-Baptiste, fermée depuis 1923, fut rouverte en 1988 sous Gorbatchev. Elle fut, en partie endommagée par les soldats azéris en 1992.
La restauration a été réalisée de 1993 à 1997, après l’indépendance.
Jean V. Guréghian
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Autres ouvrages sur l’architecture arménienne de Jean-Varoujean Guréghian
Le patrimoine historique arménien, notamment architectural, présent en Turquie est important. Plus de 300 illustrations, dont la moitié de l’auteur font la richesse de ce livre. Elles représentent des édifices construits entre le IVe (début du christianisme) et le XXe siècle. Nombre de ceux-ci ont été démolis après le Génocide de 1915, à travers toute la Turquie, notamment dans les anciens territoires de l’Arménie historique. On peut retrouver et situer nombre de ces monuments dans les cartes figurées en fin du livre.
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Date de publication : 29 octobre 2020
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Broché – format : 13,5 x 21,5 cm • 238 pages
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ISBN : 978-2-343-20751-3
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EAN13 : 9782343207513
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EAN PDF : 9782140162077
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EAN ePUB : 9782336912820
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(Imprimé en France)
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Prix : 28,5 euros
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ARCITECTURES ARMENIENNES
Présentation de l’architecture arménienne à travers l’étude des principaux monuments de son histoire jusqu’au XVIIIe siècle : forteresses, monastères, églises. Les spécificités liées aux matériaux (tuf, basalte, granit et marbre), la variété des styles et la maîtrise technique sont détaillés. Avec la liste des architectes, sculpteurs et tailleurs de pierre qui ont marqué cette histoire.
Paru le : 17/02/2016
Thématique : Patrimoine rural et Architecture vernaculaire
Auteur(s) : Auteur : Jean-Varoujean Guréghian
Éditeur(s) : Geuthner
ISBN : 2-7053-3934-5
EAN13 : 9782705339340
Format : Non précisé.
Reliure : Broché
Pages : 330
Hauteur : 24 cm / Largeur : 16 cm
Épaisseur : 2,1 cm
Prix : 43 euros