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“Mise au poing” à lire sur : https://denisdonikian.wordpress.com/2020/10/29/mise-au-poing/

Dans cette guerre, les drones font des ravages parmi les défenseurs de l’Artsakh. Défenseurs démunis, défenseurs défoncés. Le premier réflexe est de se demander qui a mis nos soldats dans cette galère où l’enfer du feu le dispute au foudroiement de l’éclair. Nos soldats tombent comme des sacrifiés inutiles car ils n’ont pas de « parapluie » pour se prémunir contre ces kamikazes de haute technologie.

Tout le monde savait, en Arménie comme ailleurs, que cette guerre dormante comme un volcan ferait un jour sauter son bouchon. Et pendant que l’ennemi immédiat de l’Artsakh se dotait d’armes de guerre inédites, que faisaient les Arméniens ? Je doute qu’ils n’aient été assez vigilants pour se dire que l’Azerbaïdjan, riche en pétrole et pauvre en technologie, n’aurait pas d’autre recours que d’acheter à des pays tiers ce qui lui manque pour mener à bien la reconquête de son territoire. En d’autres termes, l’Arménie savait que l’Azerbaïdjan se dotait de drones israéliens et autres, n’attendant qu’une opportunité pour les déployer.

 

Cette Arménie des tranchées aurait dû comprendre que pour se défendre ou vaincre il fallait se doter a minima des mêmes armes que l’autre. Citant Marcel Proust dans Jean Santeuil, qui évoque à travers la figure du député Couzon, le courage de Jaurès défendant les Arméniens, Vincent Duclert retient cette phrase : « La vie, et surtout la vie politique n’est-elle pas une lutte, et puisque les méchants sont armés de toutes les manières il est du devoir des justes de l’être aussi, quand ce ne serait que pour ne pas laisser périr la justice. » ( Le Monde, 28 octobre 2020).

 

Durant les trente dernières années de répit relatif qu’ont vécu les Arméniens, l’impératif catégorique du pays était qu’il se dote d’un armement capable de riposter à l’adversaire. Certes, auprès d’un Azerbaïdjan plus riche en ressources (gaz et pétrole) et plus nombreux en population, l’Arménie ne faisait pas le poids, même si elle avait la foi. Mais l’Arménie a aggravé sa faiblesse en drainant les richesses nationales vers la corruption plutôt qu’au profit de son armée. Sur ce blog, nous l’avons dénoncé mille fois : la corruption d’un pays en guerre induit l’appauvrissement de ses moyens matériels de défense. Aujourd’hui, on a beau jeu de monter en héros nos soldats qui se font faucher par des drones turc et israélien alors qu’ils auraient pu être épargnés grâce à une couverture plus adéquate. De fait, il apparaît clairement qu’ils ne sont que les laissés pour compte de la corruption qui a sévi en Arménie. Que dire de cet oligarque arménien qui donnait à ses animaux exotiques les rations destinées aux soldats ? Même si on pourrait reconnaître à sa décharge qu’il ne fournissait pas à ces mêmes soldats la nourriture faite pour des animaux.

 

Dans un post sur Facebook du 27 octobre dernier, Roman Bagdassarian (que je ne connais pas) soutient que selon les journaux paraissant en Artsakh, une trentaine d’entreprises arméniennes exploitaient des mines d’or et autres, et ce sous les régimes de Robert Kotcharian et Serge Sarkissian. L’une d’elle, la FDM aurait extrait entre 18 et 20 tonnes d’or pour la seule année 2008. De fait, l’enclave comprenait 155 champs d’exploitation : or, mercure, cuivre, plomb, zinc, plâtre, tuf, marbre, pierres précieuses, eaux minérales, boues thérapeutiques… En contrepartie, le pays ne s’est doté d’aucun missile et d’aucun drone. Ce n’est pas à Pachinian qu’il faut s’en prendre étant donné qu’il n’était pas au pouvoir, mais à Bako Sahakian, Seyran Ohanian, et bien sûr Robert Kotcharian et Serge Sarkissian.

 

J’ajoute que les intellectuels de la diaspora qui se sont abstenus de jouer leur rôle pour dénoncer la corruption en Arménie et qui aujourd’hui tremblent pour les soldats arméniens peuvent se payer une virginité à bon compte en écrivant autant d’articles qu’ils voudront pour dénoncer l’agression azérie et turque contre les Arméniens, leur réveil tardif fait d’eux des complices indirects de cette situation critique pour notre survie.

 

Sans oublier que la diaspora arménienne qui, à juste titre, donne aujourd’hui sans compter au profit de l’Arménie en guerre aurait dû être sollicitée plus tôt pour qu’elle achète des armes hauts de gamme. Mais la corruption dans laquelle macérait l’Arménie de Robert Kotcharian et Serge Sarkissian avait détruit la confiance de cette même diaspora. Il aura fallu attendre l’avènement de Pachinian pour que l’état de l’armée arménienne soit tant bien que mal corrigé.

 

A Pachinian, on ne pourra pas enlever le fait qu’il soit constamment sur la brèche en un moment où la guerre est venue s’ajouter à la pandémie, où la menace d’un second génocide implique une mobilisation générale. L’homme pleure intérieurement car il sait mieux que quiconque que l’histoire du peuple arménien est à la croisée des chemins. Malgré cela, comme il a dû apprendre à parler en chef de guerre, il arrive à faire circuler le souffle de la victoire et à inspirer confiance. Chose qu’on n’aurait pu attendre ni du madré Kotcharian ni du congelé Sarkissian, tant les nimbait le parfum noir de l’avilissement et de l’hypocrisie…..

Denis Donikian

photo : autoportrait CC BY SA 3.0