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1. Le Monde
27 octobre 2020
L’Europe doit soutenir l’Arménie « pour empêcher un recul de la démocratie »
par Michel Marian, philosophe
Le conflit entre l’Azerbaïjan et l’Arménie pour le contrôle du Karabakh est un affrontement entre un régime despotique et corrompu et une démocratie, dans lequel les pays européens ne sauraient rester neutres, estime, dans une tribune au « Monde », l’essayiste Michel Marian, spécialiste du génocide des Arméniens.
Tribune. Dans l’actuelle guerre du Karabakh, derrière la bataille juridique entre le principe d’intégrité territoriale et le droit à l’autodétermination, il existe un enjeu universel, qui est celui de la démocratie.
Sur ce plan, tout oppose les dirigeants de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie. İlham Aliev, président de la république d’Azerbaïdjan, a hérité en 2003 du pouvoir de son père Heydar Aliev (1923-2003), qui fut membre du politburo du Parti communiste soviétique et responsable du KGB ; Nikol Pachinian, journaliste de formation, a été un opposant politique emprisonné, avant d’être élu premier ministre de l’Arménie en mai 2018 au terme d’un mouvement populaire anticorruption de six semaines absolument sans violence.
Djihadistes de tous horizons
Aliev a ensuite prolongé son pouvoir, d’élections truquées en campagnes contestées par les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Pachinian a vu son élection par les députés confirmée par des législatives dont la régularité a été saluée par la même instance.
Leurs priorités ne sont pas non plus les mêmes. Aliev, enfant gâté devenu prince d’un pays comblé par l’or noir, dépense en armes sophistiquées l’argent de son pétrole. Pachinian fait accéder aux responsabilités une nouvelle génération, éduquée à l’activisme civique dans les ONG, traque la corruption, crée une couverture sociale. Et, malgré le néfaste pouvoir égalisateur de la guerre, ces différences se retrouvent dans la gestion du conflit.
Pachinian a envoyé son fils au front, la famille Aliev s’occupe surtout de corrompre quelques hommes ou femmes politiques occidentaux. La partie arménienne honore ses soldats morts « au service de la patrie », en publiant régulièrement leurs noms et leurs dates de naissance. La partie azerbaïdjanaise s’en garde bien, de peur de faire apparaître les djihadistes venus de tous horizons.
« Chiens »
Quand il évoque ses adversaires, le premier ministre arménien parle d’un risque de nouveau génocide, Aliev traite plus simplement les Arméniens de « chiens ». Recep Tayyip Erdoğan, le président turc, définit sans vergogne l’Arménie comme « le plus grand obstacle à la paix dans le Caucase », et son allié, au sein du gouvernement turc, le leader d’extrême droite Devlet Bahceli, parle de « noyer les Arméniens dans des mers de sang ».
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2. AOC analyse, opinion, critique
19 octobre 2020
Haut-Karabakh, une mémoire à vif (en pièce jointe)
Par Guillaume Perrier
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3. ParisMatch
27 octobre 2020
Conflit du Haut-Karabagh : Le spectre d’un nouveau génocide arménien
Le 25 octobre, pour la troisième semaine consécutive la communauté arménienne d’Ile de France manifestait dans les rues de Paris pour dénoncer les attaques turco-azéries et pour demander la reconnaissance officielle du Haut-Karabagh (aussi appelé Artsakh).
« Aliyev, Erdogan : terroristes ! », « L’Artsakh est à nous ! », « Reconnaissance ! » : à Paris, la motivation des français d’origine arménienne était intacte malgré l’arrivée de la pluie en fin de marche. Rendez-vous avait été pris place du Trocadéro où ils étaient environ 20 000 à faire entendre leurs voix. Leur but : dénoncer les violentes attaques menées par l’Azerbaidjan et la Turquie contre les arméniens du Haut-Karabagh mais également demander la reconnaissance officielle par l’Etat français de ce territoire de 11 430 km2 peuplé à plus de 99% d’arméniens. Une requête déjà maintes fois exprimée par la population du Haut-Karabagh selon le droit internationale de l’autodétermination des peuples. « La situation apparaît comme la continuation de ce qu’il s’est passé en 1915 durant le génocide arménien. L’objectif de la Turquie et de l’Azerbaidjan est d’exterminer, d’éradiquer les arméniens de ce territoire. C’est pour cela qu’ils se surarment depuis 30 ans. Leur budget militaire équivaut année par année au PIB de l’Arménie. Ce n’est pas une guerre : c’est une tentative de meurtre de masse. On demande à la France de prendre ses responsabilités eut égard à l’amitié entre nos deux peuples et avec l’Europe. Nous défendons les mêmes valeurs de liberté et de démocratie » a confié Ara Toranian, directeur du magazine « Les Nouvelles d’Arménie » et co-président du Comité de coordination des organisations arméniennes françaises (CCAF).
« Nous sommes là pour dénoncer les terroristes de l’ISIS qui sont allés prêter main forte aux azéris ainsi que les 1200 membres des forces spéciales turques envoyées sur place pour exterminer les arméniens. J’ai honte pour la communauté internationale incapable de prendre ses responsabilités en intervenant contre la Turquie et l’Azerbaidjan. Par ce manque de courage ils prennent le risque de faire subir un nouveau génocide aux arméniens. La France est un grand pays, une grande démocratie. Nous soutenons Emmanuel Macron face aux propos tenus par Recep Tayyip Erdogan. La France doit se faire respecter par la Turquie. Et la meilleure manière de le faire c’est de demander son expulsion de l’Otan, mettre un terme définitif à son processus d’adhésion à l’Union Européenne et reconnaître la République d’Artsakh » a quant à lui ajouté Franck Papazian, co-président du CCAF. Parmi les différents intervenants, l’éditorialiste Franz-Olivier Giesbert a lui aussi apporté son soutien aux milliers de manifestants.
Le cortège s’est par la suite rendu Quai d’Orsay devant le Ministère des Affaires étrangères. Une façon de dénoncer les propos de Jean-Yves Le Drian. Interrogé récemment sur le positionnement de l’Etat français face à ce conflit, le Ministre a rappelé sa volonté de neutralité justifiant ce choix comme imposé par le statut de co-présidente de la France dans le groupe de Minsk. Une déclaration qui a unanimement révolté et déçu la communauté arménienne : « Nous sommes le pays des Droits de l’Homme par excellence. Le pays du siècle des Lumières. La France doit dénoncer et combattre l’obscurantisme de ces deux dictateurs islamistes prêts à tout pour assouvir leur haine des arméniens et leur désir expansionniste. C’est une question d’humanisme : comment peut-on laisser l’histoire se répéter à nouveau ? 1.5 millions de morts en 1915… Aujourd’hui cette guerre n’en est pas une : c’est le pot de fer contre le pot de terre. Nous sommes peu nombreux et nous n’avons pas assez de moyens matériels et financiers pour nous battre à armes égales.
« Jamais nous n’avons débuté les hostilités. Les Arméniens ne désirent qu’une seule chose : vivre en paix ! Nous ne voulons pas d’une nouvelle extermination sur fond de guerre » a confié Pascal, un des manifestants.
Pour rappel, au début du conflit débuté le 27 septembre, le Président azerbaidjanais Ilham Aliyev avait déclaré au sujet des arméniens du Haut-Karabagh : « Nous allons chasser ces chiens et les noyer dans leur sang ». Depuis, la région est le théâtre de violents bombardements orchestrés par les forces azéris aidées et armées par la Turquie.
Outre les djihadistes syriens recrutés par le gouvernement d’Erdogan, des drones Kamikazes Orbiter 1K fournis par Israel sont également à l’œuvre sur le terrain, causant de nombreuses pertes côtés arméniens. Par ailleurs, des bombes à sous-munitions pourtant interdites par les conventions internationales sont fréquemment utilisées par l’Azerbaidjan contre les populations civiles, écoles et hôpitaux. Des vidéos macabres de cadavres décapités et d’exécutions de prisonniers arméniens dont l’authenticité a été prouvée par de nombreux experts sont régulièrement publiées en ligne et ce malgré l’adhésion de l’Azerbaidjan à la convention de Genève qui prévoit notamment un traitement digne pour les prisonniers de guerre.
Fake news et censure
Depuis le début du conflit, l’Azerbaidjan a mis en place une politique de désinformation de grande envergure auprès des médias internationaux mais aussi envers sa propre population. Un rapport d’Amnesty International révèle que la plupart des réseaux sociaux ont été bloqués dans le pays à l’exception de ceux utilisés pour la propagande de guerre.
Le gouvernement aurait également limité l’accès à Internet. Selon le ministère azerbaïdjanais des Communications, ces restrictions ont pour objectif de prévenir les provocations.
Toujours selon ce rapport les services de sécurité azerbaïdjanais ont arrêté et interrogé le militant et ancien prisonnier d’opinion Giyas Ibrahimov. Un fait inquiétant, puisque « cette détention arbitraire à titre de représailles pour ses opinions pacifiques et pacifistes est une violation de son droit à la liberté d’expression ».
Malgré une diplomatie du caviar mise en place depuis de nombreuses années notamment à travers « l’Association des amis de l’Azerbaïdjan » (qui regroupe entre autre des politiques français tels que Rachida Dati, André Villiers, Jean-Marie Bockel, Thierry Mariani, Jérôme Lambert pour ne citer qu’eux) cette volonté de biaisée la réalité d’un pays en proie à la corruption et au manque de liberté d’expression est mise à mal par de nombreux rapports externes. Si en 2020 l’Arménie se place à la 61èmeposition sur 180 pays au classement mondiale de la liberté de la presse, l’Azerbaidjan n’est que 168. Reporter sans Frontières rappellent qu’en Azerbaidjan : « Les principaux sites d’information indépendants sont bloqués. Pour tenter de faire plier ceux qui résistent en exil, le régime de Bakou s’en prend aux membres de leur famille. Et il n’hésite pas à exporter sa répression : journalistes arrêtés en Géorgie et en Ukraine, poursuivis en France… »
Du côté de la Turquie, son allié, le constat est le même : 154ème « Elle est la plus grande prison du monde pour les professionnels des médias. Passer plus d’un an en détention avant d’être jugé est devenu la norme, et lorsque tombent les condamnations, elles peuvent aller jusqu’à la prison à vie incompressible.
Dans ces conditions difficiles de donner du crédits quant aux informations émanant de ces deux nations.
Le poids du contexte historique
Peuplé d’arméniens depuis l’Antiquité, la région intègre officiellement le royaume d’Arménie à partir du IVème s av. J-C et prend le nom d’Artsakh. Au fil des siècles, malgré les diverses invasions (Mongols, Perses, turques…) les arméniens de l’Artsakh réussiront a garder une homogénéité culturelle tout en conservant une certaine autonomie dans la région gouvernée alors par les princes arméniens dits « Mélik ».
Dès 1918, date de création de l’Azerbaidjan suite à l’effondrement de l’Empire russe et de l’Empire Ottoman, le territoire alors administré par les arméniens est convoité par ce nouvel Etat. En 1921, après avoir soviétisé le Caucase, Staline donne arbitrairement la région alors peuplée à 94% d’arméniens aux azéris, peuple turcophone afin de séduire la Turquie kémaliste. En 1923, le Haut-Karabagh deviendra un oblast autonome. Profitant de la « prerestoika » en 1988, la région demande son indépendance. La réponse de l’Azerbaidjan est sans appel : des pogroms anti-arméniens ont lieu à Soumgait puis à Bakou en 1990. Une guerre s’en suit. En 1994 un cessez-le-feu est conclu sans que le problème ne soit résolu. Et pour cause : les grandes puissances ne reconnaissent pas officiellement l’indépendance de ce territoire.
Le groupe de Minsk co-présidée par la France, la Russie et les Etats-Unis est en charge de mener les négociations afin de trouver une solution définitive au conflit mais sans succès. Face à cette situation gelée, la région s’est donc constituée depuis la fin des années 90 comme un véritable Etat démocratique appelé « République d’Artsakh ». Elections présidentielles, parlement, institutions officielles : la région s’autogère. Malgré quelques heurts réguliers à la frontière, la République de l’Artsakh vivait alors dans une paix relative. Jusqu’à ce 27 septembre où les troupes azéris aidées de la Turquie ont décidé de mettre fin au cessez-le-feu.
Une mobilisation mondiale
Plus de 100 000 à Los Angeles, plusieurs autres milliers à Londres, Montréal, Stockholm, Jérusalem, Vienne, New-York, Berlin, Buenos Aires… partout dans le monde la diaspora arménienne se mobilise.
A ses côtés de nombreuses personnalités prennent fait et cause pour dénoncer ce conflit meurtrier. Parmi elles : Kim Kardashian et ses sœurs Khloe et Kourtney ont versé 1 millions de dollars pour venir en aide aux victimes arméniennes. Mais aussi P. Diddy, Cher, Elton John, Kanye West, System of a Down, Peter Gabriel, Henrik Mkhitaryan, Mel Gibson, Sean Penn,
Simon Abkarian, l’animateur et producteur Arthur, Robert Guédiguian, André Manoukian… Tous ont utilisé leurs réseaux sociaux pour communiquer leur soutien aux arméniens.
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4. Le Monde
28 octobre 2020
Dans le Haut-Karabakh, l’obsédante « guerre des drones »
Le ciel est devenu une menace permanente. Un espace sans limite que les habitants du Haut-Karabakh scrutent avec anxiété. « Ce qui fait peur, ce sont les drones », murmure Silva Sahakian. Les épaules affaissées, cette mère de 40 ans n’a pas la force de poursuivre son récit, laissant sa fille de 17 ans, Mariam Mangassarian, prendre le relais. « Le premier jour, quand on a entendu le bruit, nous ne savions pas quoi faire. Les communications étaient brouillées, et on ne comprenait pas ce qui se passait. » La famille, qui habitait près d’une base militaire, à Aradjadzor, un petit village de six cents âmes, situé dans la région de Martakert, non loin de l’Azerbaïdjan, est partie peu après.
Les trois enfants d’abord, puis la mère, ont rejoint Erevan, la capitale arménienne. Seul le père est resté pour être au plus près du fils aîné, Hayk, 20 ans, tué et enterré aux premières heures du conflit qui oppose, depuis le 27 septembre, l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour le contrôle de ce petit territoire du Caucase du Sud, enserré entre les deux pays.
Un mois plus tard, l’enclave de 150 000 habitants, à majorité arménienne, s’est vidée de 60 % de sa population, traumatisée par les frappes venues du ciel. Utilisés massivement par les forces azerbaïdjanaises, les drones armés Bayraktar TB2, d’origine turque, et les drones kamikazes Orbiter 1K et Harop2, de fabrication israélienne, s’abattent en continu sur les combattants, mais aussi sur les infrastructures des villes et villages du Haut-Karabakh. Une supériorité aérienne qui a permis d’enfoncer en plusieurs endroits les lignes de défense arméniennes.
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5. Le Monde
28 octobre 2020
Par Ghazal Golshiri
L’Iran apporte son soutien à l’Azerbaïdjan dans sa guerre contre l’Arménie
En dépit d’une alliance de longue date avec Erevan, Téhéran a dénoncé « l’occupation » du Haut-Karabakh par les séparatistes arméniens.
Depuis le début du conflit au Haut-Karabakh, la République islamique d’Iran joue la prudence, essayant de trouver le juste milieu entre son partenaire de longue date, l’Arménie, et l’Azerbaïdjan, avec qui les relations ont toujours été plus complexes. Lorsque le conflit a éclaté dans l’enclave sécessionniste arménienne, fin septembre, Téhéran a été accusé de soutenir sa voisine du nord, l’Arménie, en laissant passer les armes russes. Une allégation qu’a toujours réfutée le ministère des affaires étrangères iranien.
Soutien paradoxal
La proximité dont jouit Ali Akbar Velayati avec le Guide suprême, la plus haute autorité du pays, laisse peu de doutes : Téhéran soutient désormais, de manière indéfectible, Bakou dans le conflit qui l’oppose à Erevan. Un soutien paradoxal, car l’Azerbaïdjan reste un allié proche d’Israël, l’un des plus féroces adversaires de la République islamique d’Iran. Cette dernière a, en revanche, toujours entretenu d’intenses échanges avec l’Arménie, Téhéran lui fournissant du gaz et Erevan de l’électricité.
Les relations avec Bakou ont été, par moments, plus compliquées et même fragiles. Les deux pays sont en désaccord sur un certain nombre de points, dont la délimitation des frontières maritimes en mer Caspienne et la question de la minorité azérie en Iran, dont les revendications ethniques – comme l’apprentissage de leur langue dans les écoles – ont toujours été traitées comme une menace pour la sécurité nationale par Téhéran. Bakou accuse, de son côté, l’Iran d’instrumentaliser les groupes islamistes, ce que Téhéran nie.
Avant qu’Ali Akbar Velayati ne clarifie la position iranienne sur le Haut-Karabakh, les représentants du Guide suprême dans quatre provinces iraniennes majoritairement peuplées d’Azéris (l’Azerbaïdjan iranien occidental, oriental, Ardebil et Zanjan) avaient jugé, fin septembre, « complètement légaux selon la charia », la loi islamique, les efforts de Bakou pour reprendre ses terres au Haut-Karabakh. Dans leur lettre, ils avaient mis l’accent sur l’aspect religieux des liens entre les deux pays plutôt que sur l’aspect ethnique, en rappelant que l’Azerbaïdjan était « le pays de l’Ahl Al-beit », un terme arabe qui signifie « les gens de la maison », faisant référence à Mahomet et à ses descendants, dont les imams chiites.
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6. Le Monde
27 octobre 2020
« Dans le Haut-Karabakh, les Arméniens font face non seulement à une guerre d’agression, mais aussi à une tentative d’élimination »
TRIBUNE
Dans une tribune au « Monde », un collectif de plus de 40 intellectuels appelle la communauté internationale à reconnaître le droit à l’autodétermination des Arméniens face au « projet panturquiste » d’Ankara et de Bakou, afin de garantir la sécurité dans la région.
Tribune. Depuis le 27 septembre, l’Azerbaïdjan, à l’instigation et avec le soutien très actif de la Turquie, a lancé une offensive militaire de grande envergure contre la république du Haut-Karabakh. Son objectif est énoncé clairement : récupérer par la force non seulement les territoires conquis par les Arméniens en 1993-1994, mais encore tout le Haut-Karabakh. Le pouvoir azerbaïdjanais et son parrain et associé turc n’ont jamais fait de mystère à ce propos.
Pour ce faire, l’Azerbaïdjan, aidé, conseillé et armé par la Turquie, a engagé l’ensemble de ses moyens militaires. C’est le projet panturquiste qu’il s’agit de réaliser. Effectuer la jonction entre la Turquie et l’Azerbaïdjan implique d’écraser les Arméniens.
« Est-ce vraiment raisonnable de laisser ainsi seul un peuple, enclavé, sous le feu deux Etats bien plus puissants ? »
Ainsi les Arméniens font face aujourd’hui non seulement à une guerre d’agression, mais à une tentative d’élimination. Ce n’est pas du spectre lointain du génocide de 1915[1,5 million d’Arméniens vivant dans l’actuelle Turquie furent tués entre 1915 et 1923] qu’il est question, mais de sonavatar actuel, le projet d’extermination des Arméniens du Karabakh. Cela se passe en plein jour, sous nos yeux. La seule grande différence avec 1915, c’est que le Haut-Karabakh et l’Arménie ont deux armées efficaces et bien entraînées, qui sont pour le moment en mesure de résister à l’agression.
Ce qui est en jeu aujourd’hui est de stopper l’impérialisme panturquiste. Il constitue un grave danger pour la paix et la sécurité internationales. L’idéologie panturquiste, qui s’était développée sous le règne du sultan Abdulhamid II (1876-1909), est à l’œuvre dans la politique d’Erdogan.
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7. Nouvelles d'Arménie
28 octobre 2020
https://www.armenews.com/spip.
Regard de juriste sur le conflit du Haut-Karabakh, par Henri Cuny dans Europe Orient
Depuis la fin de l’Union Soviétique, l’opposition de deux principes du droit international, celui de l’intégrité territoriale des États et celui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, brandis ad nauseam l’un contre l’autre, ont coûté des dizaines de milliers de morts tant du côté arménien que du côté azerbaïdjanais. On sait hélas que l’un comme l’autre souffrent de nombreuses exceptions de par le monde, tant du fait de l’artificialité de certaines frontières (notamment celles issues du machiavélisme de Staline) que de l’oppression de nombreuses minorités dans les pays qui ignorent la démocratie.
Peut-être la problématique réduite à ces deux termes est-elle mal posée : elle est en tout cas aujourd’hui dépassée. Un dirigeant qui revendique comme sien un territoire endosse automatiquement comme sienne la population qui y vit. C’est donc, si l’on s’en tient à sa rhétorique, contre une partie de sa propre population qu’il utilise les armes les plus sophistiquées – pour certaines, telles les bombes à sous-munitions, interdites par le droit international – pour tuer et détruire vies, infrastructures, habitat. De ce point de vue, chaque frappe en terre karabakhtsie mine la position de son auteur, transformant la guerre en nettoyage ethnique. Quand, de surcroît, on confie à une puissance extérieure – dont à ce jour une trentaine de parlements nationaux dans le monde ont reconnu que l’histoire avait été entachée par un génocide – la direction des opérations et qui fait appel elle-même à des jihadistes professionnels du crime, on voit s’avancer le spectre d’une répétition de l’histoire : Archag Tchobanian avait déjà, en son temps, dénoncé le silence coupable des grandes puissances…
Les arguties juridiques ne sont plus de mise aujourd’hui. Depuis le début des années 90, les Nations Unies ont reconnu l’existence du devoir d’assistance humanitaire. Le Conseil de Sécurité, où siègent les trois pays coprésidents du Groupe de Minsk et auquel il revient de constater l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression, doit décider, sans plus tarder, des mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales.
Les problèmes géopolitiques posés par ce conflit dépassent de loin l’étendue des terres montagneuses du Haut-Karabakh, pareille à celle d’un département français. Ils impactent, outre ses acteurs, nombre de pays environnants mais aussi, quoique de façon dérobée, le vivre ensemble pacifique entre chrétiens et musulmans qui tient tant à cœur à notre pays.
Henry Cuny
Président d’honneur de l’Institut Tchobanian
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8. RFI
28 octobre 2020
Avec notre correspondant à Erevan, Régis Genté
C’est une bataille décisive qui s’engage. Depuis une semaine, les forces azerbaïdjanaises ont conquis le flan sud du Haut-Karabakh, toute la vallée qui longe la rivière Araxe et sert de frontière avec l’Iran.
L’artillerie combinée avec des dizaines de drones d’attaque ont permis à Bakou d’enchaîner les victoires. Attaquer les parties montagneuses qui forment l’essentiel du territoire du Haut-Karabakh est une autre paire de manches. D’où le choix de l’armée azerbaïdjanaise de remonter depuis les districts du sud vers le corridor de Latchin, désormais seule artère qui permet à l’Arménie d’encore alimenter le Haut-Karabakh en hommes et en armes.
L’autre route qui relie l’Arménie au Karabakh, celle qui passe par le district de Kelbadjar, a été rendue impraticable par l’artillerie et l’aviation azerbaïdjanaises.
Le conflit semble donc évoluer vers une possible fin. Celle où l’Azerbaïdjan isolerait le Karabakh de l’Arménie et mettrait la province sécessionniste en état de siège.
Mais rien n’est encore écrit encore. Le côté arménien est déterminé à ne pas se laisser prendre le corridor de Latchin et, à sa suite, la ville de Chouchi, désignée par le président azerbaïdjanais Ilham Aliev comme une priorité absolue pour ses troupes.
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9. Marianne
29 octobre 2020
Un mois de guerre au Nagorny Karabagh : la paix se fait attendre sur le front
Cela fait exactement 30 jours que la guerre fait rage au Nagorny Karabagh. Le bilan humain a dépassé les 1.000 morts côté arménien et les forces azerbaïdjanaises progressent sans qu’aucune trêve ne tienne. La crainte d'un siège du corridor de Latchin fait craindre le pire à quelques jours de nouveaux pourparlers de paix qui doivent s'ouvrir ce jeudi à Genève.
Les abris de la troisième ligne de front sont déserts près de Martouni, à l’est du Nagorny Karabagh. Il ne reste que quelques bouteilles d’eau, traces d’une présence militaire récente. « Les soldats étaient encore là hier. Ils ont dû partir ce matin mais on ne sait pas pourquoi » explique le garde de l’escorte. Les obus et les roquettes SMERCH fusent au-dessus des tranchées de terre sablonneuse. Ils s’abattent régulièrement sur les environs de la ville, aujourd’hui ravagée par la troisième guerre du Nagorny Karabagh qui oppose Arméniens et Azerbaïdjanais, soutenus par la Turquie depuis le 27 septembre.
Au fond d’un ravin, dans un abri, une dizaine de soldats arméniens tiennent la position. Pour Saro, un volontaire originaire de la région, affecté sur ce poste depuis une semaine, le troisième cessez-le-feu entré en vigueur lundi 26 octobre à 8 heures « n’a rien changé ». Ce jeune, rappeur, explique calmement : « De toute manière, on ne s’attendait à rien. On se battait quand un officier a appelé et nous a ordonné d’arrêter de bombarder. Deux ou trois heures plus tard, des amis de Stepanakert nous ont appris qu’un nouveau cessez-le-feu avait été signé. On était contents car on a pu se reposer un peu. Mais, on se demande toujours combien de temps cela va bien pouvoir durer ». Et cette trêve, comme les deux précédentes des 10 et 17 octobre, a été de courte durée : quarante-cinq minutes exactement.
LES FORCES AZÉRIES GAGNENT DU TERRAIN
Les forces azeries progressent, un fait que même Erevan ne peut plus nier. Lundi soir, Artsrun Hovhannisyan, le représentant du ministère de la Défense arménien, reconnaissait les percées ennemies : « Ils ont avancé sur certaines positions et se sont approchés des portes de Syunik (région arménienne frontalière) mais la situation n’est pas désastreuse. Souvent, nous quittons [certaines lignes de front] parce que les vies humaines sont précieuses. Mais, se replier vers de nouvelles lignes de front n’est pas fatal. La situation est grave, la guerre fait rage mais ce n’est pas insurmontable ». Le militaire a d’ailleurs confirmé l’offensive azerbaïdjanaise en direction du corridor de Latchin. Selon les deux camps, les forces azéries se trouveraient à une soixantaine de kilomètres de cette route stratégique. Cette voie vitale, qui relie Goris en Arménie à Stepanakert, capitale du Nagorny Karabagh, se trouve au cœur des territoires azerbaïdjanais conquis par l’Arménie en 1994.
Si Latchin tombe, alors Stepanakert et tout le Nagorny Karabagh se trouveront en état de siège. De quoi renforcer l’ascendant de Bakou lors d’éventuelles négociations de paix. Après Moscou et Washington, jeudi 29 octobre, c’est à Genève que les ministres des Affaires étrangères d’Arménie et d’Azerbaïdjan se rencontreront à nouveau, sous l’égide des co-présidents russe, américain et français du groupe de Minsk de l’OSCE. Une nouvelle fois, les diplomates tenteront de parvenir à un accord pour engager un règlement pacifique du conflit. Sur la ligne de front, dans la pénombre d’un baraquement, les soldats arméniens, fatigués par un mois de guerre d'artillerie, « espèrent » comme Saro « que la paix advienne par les négociations et non la guerre. Avec l’aide de Dieu et de la communauté internationale, il y aura la paix ».
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10. Marianne
29 octobre 2020
"Monsieur Jean-Yves Le Drian, pas une fois vous n’avez condamné cette agression brutale au Haut- Karabakh" (en pièce jointe)
Lettre ouverte par Simon Abkarian et Robert Guédiguian
Simon Abkarian, Serge Avédikian et Robert Guédiguian interpellent le ministre des Affaires étrangères sur la situation dramatique au Haut-Karabakh.
Simon Abkarian est un acteur, dramaturge et metteur en scène français, d'origine arménienne
Serge Avédikian est un acteur et réalisateur français d'origine arménienne
Robert Guédiguian est un réalisateur de cinéma, producteur et scénariste français d'origine arménienne et allemande
Au lendemain de l’appel d’élus de tous bords et de toute la diaspora Arménienne de France, pour une reconnaissance d’une Artsakh indépendante, vous vous êtes fendu d’une réponse des plus laconique. Ces quelques mots dits du bout des lèvres nous exposent la "neutralité" de la France et sa "nécessité" de rester dans le cadre légal du groupe de Minsk. Pas une fois vous n’avez suggéré une idée ou une proposition qui aurait pu dire votre inquiétude quant aux bombardements de la coalition Turco/Azérie sur la population civile de l’Artsakh. Pas une fois vous n’avez condamné cette agression massive, brutale et généralisée.
L'Arstakh abandonné
L’Arstakh est le nom véritable de cette région que les Tatars, pardon les Azéris, appellent Karabagh. Mais je suppose que vous le savez. N’êtes-vous pas agrégé d’histoire ? Vous devez donc savoir dans quelles circonstances l’Azerbaïdjan fut inventée en 1918 et pourquoi Lénine, qui croyait faire basculer Mustapha Kemal dans le camp bolchévique, laissa Staline dépecer l’Arménie et livrer le Nakhitchévan et l’Artsakh à l’Azerbaïdjan. Il est vrai que nous les Arméniens ne sommes d'aucun intérêt à la France sinon en temps de guerre, Manouchian et les milliers de volontaires engagés dans la légion d’orient vous le diront. Mais puisque c’est du passé, passons. Et si ce passé venait à resurgir nous serions là, n’en doutez pas.
Vous réduisez le champ diplomatique à la faveur d’un pragmatisme économique et financier
Pour le moment, nous ne pesons rien dans votre vision marchande du monde, votre "neutralité" est somme toute logique. Vous rajoutez dans votre discours et c’est cela qui m’interpelle "Notre longue relation avec l'Azerbaïdjan, ex-république soviétique, dotée d'importantes réserves en hydrocarbures, représente des débouchés importants pour nombre d'entreprises internationales."
Vous réduisez le champ diplomatique à la faveur d’un pragmatisme économique et financier. Je sais d’un point de vue marchand, l’éthique ça ne vaut rien elle n’est qu’une vieillerie caduque que l’on range dans le tiroir du temps où s’entassent valeurs et vertus d’un monde déchu. Reliques d’un autre siècle qui font sourire les jeunes dieux. Vous parlez de l’Azerbaïdjan, une dictature autocratique, comme d’un pays démocratique. « Notre longue relation ? » Relation de quelle nature Monsieur le ministre et longue depuis quand ?
Vous savez comment Aliev opprime son peuple, envoie les fils de ses minorités Lezghiens et Talish combattre un ennemi qui n’est pas le leur. Vous savez que sa famille pille et détourne la manne pétrolière dont les réserves, je le dis au passage, n’en ont plus pour très longtemps.
Vous savez les pogroms qui éclatèrent au lendemain du référendum de l’Artsakh, quant à son désir d’émancipation, lorsqu’en 1987 elle demanda son autonomie et l’indépendance. Demande qui fut acceptée par la chambre des députés puisqu’elle était en phase avec la loi de l'URSS de Gorbatchev. Mais avant d’être ratifiée, les pogroms de Soumgaït et de Bakou contre les Arméniens vivants pacifiquement en Azerbaidjan, fermèrent la voix démocratique et ouvrirent les portes d’une guerre qui dura trois ans.
Vous, manifestement, vous êtes fort en matière d’abstraction. Je vous en félicite
Et puisque votre passion première fut l’histoire contemporaine, vous savez aussi les pogroms perpétrés dans cette même région, par les Tatars, pardon les Azéris, à l’encontre des Arméniens en 1906 puis entre 1918 et 1920.
Oui elle est longue l’histoire Monsieur le ministre et elle est sanglante. Nous pensions, naïvement peut-être, qu’elle avait atteint son triste terme en 1915.
Man,ifestement ces messieurs de "deux peuples, une seule haine", veulent finir le travail de leurs ancêtres.
Erdogan promet, je cite : "Si vous continuez de vous comporter de cette manière, demain, aucun Européen, aucun Occidental, ne pourra plus faire un pas en sécurité, avec sérénité dans la rue, nulle part dans le monde." Quant à Aliev, il déclare "nous chasserons les Arméniens comme des chiens et les noierons dans leur sang". Ou encore "Ils (les Français) n’ont qu’à donner Marseille aux Arabes". Voilà le niveau de haine et de bêtise auxquelles les gouvernements d'Erevan et de Stepanakert sont confrontés.
Vous, manifestement, vous êtes fort en matière d’abstraction. Je vous en félicite.
L’Artsakh est notre Alsace Lorraine, nous ne la lâcherons jamais. Comprenez-vous ? Nous n’avons d’autres choix que de résister, tenir tête à un envahisseur qui rêve à notre destruction. Cette guerre qui frappe le peuple arménien de plein fouet n’est en rien un conflit local. Les conseillers militaires turcs et pakistanais, les brigades djihadistes coupeurs de têtes, venues de Syrie, de Lybie, et d’Afghanistan l’attestent. Tendez bien l’oreille à ce que dit Erdogan et vous comprendrez mes alarmes. L’homme est fidèle à ses paroles. Son ambition revancharde pétrie de haine et de colère est sur le point de prendre son essor. À moins de l’arrêter dans son élan, il sera trop tard et pas seulement pour les Arméniens. Bientôt c’est la Grèce qu’il jettera dans la mêlée sanglante et les Balkans suivront. Votre obsession financière a-t-elle eu raison de votre raison ? Ne voyez-vous pas ce qui se trame ? Les habitants de l’Artsakh et de l’Arménie ne sont pas des acteurs de la région, Ils sont la région et ce depuis plus de deux mille ans. Ils en sont la porte, les gardiens immuables.
À vous de savoir ce qu’ils protègent, n’êtes-vous pas agrégé d’histoire ?
Veuillez accepter, Monsieur le ministre, mes salutations républicaines les plus sincères.
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11. Nouvelles d'Arménie
29 octobre 2020
http://www.armenews.com/spip.
Déclaration sur la menace génocidaire imminente de l’Azerbaidjan et de la Turquie contre l’Artsakh (Haut-Karabakh)
Depuis le 27 septembre 2020, l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, a lancé une guerre à grande échelle et sans provocation contre la République d’Artsakh et la République d’Arménie. Au cours des derniers jours, les forces azerbaïdjanaises ont intentionnellement attaqué des civils et des infrastructures civiles et ont massivement bombardé Stepanakert, Chouchi, Mardakert, Hadrout et d’autres localités avec des armes à sous-munitions et d’autres armes interdites par le droit international humanitaire.
La cathédrale Saint-Sauveur (Ghazanchetsots) de Chouchi a été gravement endommagée après deux raids aériens délibérés menés par l’armée azerbaïdjanaise les 8 et 9 octobre. Il ne s’agit pas seulement d’une violation de la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et de ses deux protocoles (1954 et 1999), mais également d’un aspect de la politique de génocide culturel que le gouvernement azerbaïdjanais a mis en œuvre au cours des 30 dernières années en détruisant systématiquement le patrimoine historique arménien, y compris des milliers de Khatchkars (croix sculptées) dans la ville de Djoulfa (Nakhitchevan). Il est bien établi que le génocide culturel constitue une preuve claire de l’existence d’une intention particulière de commettre un génocide.
En outre, il est établi que les forces armées et les forces aériennes turques participent directement aux hostilités. En outre, il existe de nombreux rapports de médias internationaux impartiaux montrant que pendant l’actuelle agression azérie à grande échelle contre l’Artsakh, un nombre important de mercenaires identifiés comme des djihadistes de Syrie et de Libye, et probablement aussi d’Afghanistan et du Pakistan, sont embauchés et envoyés par la Turquie vers L’Azerbaïdjan pour lutter contre les Arméniens. Cela constitue également une violation du droit international.
L’implication directe de la Turquie dans le conflit qui dure depuis des décennies n’est donc plus une menace que les Arméniens d’Artsakh, d’Arménie et de Turquie ont pu craindre, mais d’une réalité menaçant d’anéantir les Arméniens en Artsakh et au-delà. Une déclaration récente du président turc, Recep Tayyip Erdogan, annonçait que la Turquie, allait « continuer à remplir la mission de leurs grands-pères, qui a été mise en œuvre il y a un siècle dans le Caucase ». Cela constitue une menace directe de poursuite du génocide arménien qui a commencé en 1915.
Cette déclaration n’est pas un cas isolée. La Turquie nie officiellement et continuellement le génocide arménien, mais divers responsables, y compris le président, ont laissé entendre à plusieurs reprises que la Turquie était prête à, une fois de plus, « donner une leçon » aux Arméniens et que la « déportation » des Arméniens en 1915 était la décision la plus appropriée à l’époque. « Arménien » est un terme de malédiction couramment employé en Turquie, et « restes de l’épée » est une autre expression péjorative utilisée en turc pour désigner les survivants du génocide, qu’Erdogan a publiquement utilisé lors d’un briefing en mai 2020. Ces exemples et beaucoup d’autres expriment tous une reconnaissance et une approbation tacites du génocide ; c’est, en d’autres termes, ce discours de haine qui menace d’un nouveau génocide. Les attaques contre les églises arméniennes et d’autres propriétés partout dans le monde par les nationalistes turcs sont en augmentation. Dernièrement, les Arméniens et d’autres chrétiens d’Istanbul ont été pris pour cible et accusés d’avoir prétendument propagé le coronavirus, et les Arméniens ont également été harcelés par des Turcs pro-azéri depuis le déclenchement de la guerre actuelle. La victime la plus ciblée a été l’homme politique turco-arménien Garo Paylan, du parti pro-kurde HDP. Et le gouvernement d’Erdogan n’épargne pas ses intellectuels turcs ou kurdes et ses citoyens ordinaires, les poursuivant pour la moindre transgression imaginaire.
La position des dirigeants et de la société azerbaïdjanaises est encore plus agressive. Depuis des années, le discours et la propagande anti-arméniens font partie de la politique officielle de l’État. Quotidiennement, un endoctrinement est pratiqué dans les écoles et les médias d’État diabolisant les Arméniens, les présentant comme un mal absolu qui devrait être privé du droit de vivre en Artsakh et en Arménie, y compris dans la capitale Erevan. Dans l’un de ses nombreux discours publics, le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev a lui-même parlé d’une « conspiration arménienne hypocrite et mondiale, soutenue par des hommes politiques occidentaux, au moyen de la corruption et de pots-de-vin », ce qui n’est pas sans rappeler la thèse d’Adolf Hitler sur la « conspiration juive mondiale », réitérée à plusieurs reprises dans Les discours nazis comme prétexte et justification de l’Holocauste.
Il ne s’agissait donc pas simplement de rhétorique quand, le 3 octobre, au début du conflit actuel, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinyan, dans son discours à la nation, a déclaré ce qui suit : « L’objectif des bandits azerbaïdjanais et turcs n’est pas de revendiquer un territoire. Leur objectif est le peuple arménien. Leur objectif est de poursuivre leur politique génocidaire ». En fait, l’histoire, du génocide arménien aux trois dernières décennies de conflit, ainsi que les déclarations politiques actuelles, les politiques économiques, les sentiments des sociétés et les actions militaires des dirigeants azerbaïdjanais et turcs devraient nous avertir que la perpétration d’un génocide des Arméniens au Nagorno-Karabakh, et peut-être même en Arménie, est une possibilité très réelle. Tout cela prouve que les Arméniens peuvent être massacrés si un territoire arménien vient à être occupé, par conséquent la reconnaissance de l’indépendance de la République d’Artsakh est le moyen de sauver les Arméniens d’Artsakh de l’extermination maintenant ou dans un proche avenir.
Et déjà on peut faire valoir qu’il y a complot en vue de commettre un génocide, incitation directe et publique à commettre un génocide et tentative de commettre un génocide, qui sont tous des actes que, selon l’article 3 de la Convention des Nations Unies de 1948 sur la prévention et la répression des crimes de génocide, tous les États du monde sont tenus de prévenir et de punir.
En tant que membres de la communauté universitaire, nous exigeons que la communauté internationale prenne des mesures directes et sérieuses pour que l’agression azerbaïdjanaise cesse immédiatement et que la propagande et la haine étatiques anti-arméniennes en Azerbaïdjan et en Turquie prennent fin. Nous appelons la communauté internationale à élever la voix contre la xénophobie, l’agression et la guerre, et pour la prévention d’un nouveau génocide.
Kirk C Allison, MS, Health Humanities, Saint Scholastica College, États-Unis
Eugene N. Anderson, professeur émérite, anthropologie, Université de Californie, Riverside, États-Unis
Maral N.Attallah, conférencière émérite, Département des études critiques sur la race, le genre et la sexualité, Humboldt State University, États-Unis
Yair Auron, Université ouverte d’Israël (émérite), Israël
Vahagn Avedian, chercheur indépendant, études sur le génocide, la paix et les conflits, Suède
Aris Babikian, ancien juge de la citoyenneté, Canada
Peter Balakian, professeur Rebar des sciences humaines, Université de Colgate, États-Unis
Jean-Philippe Belleau, professeur agrégé d’anthropologie, University of Massachusetts Boston, États-Unis
Caroline Bennett, membre du conseil consultatif de l’IAGS, chargée de cours en anthropologie culturelle, Université Victoria de Wellington, Nouvelle-Zélande
Sara Birjandian, Vancouver, BC, Canada
Martin Bitschnau, « Société pour la documentation des génocides [ger] (Völkermord.at – Gesellschaft für die Dokumentation von Völkermorden) », Autriche
Matthias Bjørnlund, Institut danois pour les études à l’étranger, Danemark
Nélida Elena Boulgourdjian, Université de Buenos Aires, Argentine
James Burnham Sedgwick, professeur agrégé, Département d’histoire et de sciences classiques, Université Acadia, Nouvelle-Écosse, Canada
Sara E. Brown, membre du conseil consultatif de l’IAGS, directrice exécutive du Center for Holocaust, Human Rights & Genocide Education, New Jersey, États-Unis
Israel W. Charny, ancien président, International Association Genocide Scholars (IAGS), directeur exécutif, Institute on the Holocaust & Genocide, Jérusalem
John Cox, UNC Charlotte, professeur agrégé, Département des études mondiales, directeur, Center for Holocaust, Genocide & Human Rights Studies, États-Unis
Don Cummings, Holocaust and Genocide Studies, Éducateur professionnel, Worcester (MA) Public Schools, USA
Asya Darbinyan, chercheuse invitée, Clark University, États-Unis
Hilary Earl, Département d’histoire, Université Nipissing, Canada
Kate W. English, Directrice exécutive, EIHR : The Educators ’Institute for Human Rights, Washington, DC, États-Unis
Jenna Fagan, Lehigh University, États-Unis
Amy Fagin, membre du conseil d’administration de l’IAGS ; Directeur : Beyond Genocide Center for Prevention, New Salem, Massachusetts, États-Unis
Hervé Georgelin, professeur d’histoire, Université d’Athènes, Département d’études turques et d’études asiatiques modernes, Grèce
Todd Gitlin, Columbia University, États-Unis
Patrick Hein, maître de conférences en politique, Université des études étrangères de Tokyo, Japon
Tessa Hofmann, auteure et chercheuse indépendante en études du génocide, Berlin, Allemagne
Suzanne Khardalian Holmquist, réalisatrice, Stockholm, Suède
Anahit Khosroeva, Institut d’histoire, NAS, Arménie
Pál Kránitz, chercheur indépendant, Hongrie
Theodosios Kyriakidis, Université Aristote de Thessalonique, Grèce
Samantha Lakin, doctorante avancée, Centre Strassler d’études sur l’Holocauste et le génocide, Université Clark ; Fulbright Scholar (Rwanda 2017-2018 ; Suisse 2 011-2012), États-Unis
Bård Larsen, Civita, Oslo, Norvège
John Liffiton, directeur, Conférence sur le génocide, Scottsdale Community College
Robert Jay Lifton, Columbia University, États-Unis
Dominika Maria Macios, Institut polonais d’études sur l’art mondial, Pologne
Charikleia Magdalini Kefalidou, Université de Caen, France
Joseph Mai, Clemson University, États-Unis
Suren Manukyan, membre du Conseil consultatif de l’IAGS, chef de la Chaire UNESCO sur l’éducation et la prévention du génocide et d’autres crimes atroces à l’Université d’État d’Erevan ; Musée et institut du génocide arménien, Arménie
Armen T. Marsoobian, professeur de philosophie, premier vice-président de l’Association internationale des spécialistes du génocide, Southern Connecticut State University, New Haven, CT, États-Unis
Harutyun Marutyan, directeur, musée et institut du génocide arménien, Arménie
Alyssa Mathias, doctorante, Département d’ethnomusicologie, Université de Californie, Los Angeles, États-Unis
Ibrahim Malazada, chercheur invité au CRPSR, Université de Coventry, Royaume-Uni, enseignant à l’Université de Soran, région du Kurdistan
Arda Melkonian, Fuller Theological Seminary, États-Unis
Doris Melkonian, Fuller Theological Seminary, États-Unis
Éva Merenics, chercheuse indépendante, Hongrie
Michaela Moura-Koçoglu, professeure adjointe, Center for Women and Gender Studies, Florida International University, Miami, États-Unis
Stacey M. Mitchell, Perimeter College de la Georgia State University, États-Unis
Alexandra Morehead, Brown University, États-Unis
Luisa Morettin, NCI University London, Royaume-Uni
Adam Muller, membre du conseil consultatif de l’IAGS, professeur et directeur, Peace and Conflict Studies, Université du Manitoba, Canada
Jeanine Ntihirageza, Professeur et Directrice du Center for Genocide and Human Rights Research in Africa and the Diaspora, Northeastern Illinois University, Chicago, USA
Darren O’Brien, Université du Queensland, Australie
Rubina Peroomian, UCLA, Genocide Studies, États-Unis