Mostra de Venise 75. At Eternity Gate ( à la porte de l’éternité). Coupe Volpi à Willem Dafoe. Qui a tué Vincent Van Gogh?
Par Laura Damiola
Le peintre des Tournesols, Vincent Van Gogh, a-t-il vraiment lui-même mis fin à ses jour, en proie à la dépression, comme l’affirme sa biographie la plus répandue ? Telle est la question que soulève le film At Eternity’s Gate, de Julian Schnabel, en compétition officielle à la Mostra de Venise 2018, et qui a valu à l'acteur américain Willem Dafoe la Coupe Volpi de la meilleur interprétation masculine.
Dafoe interprète ici un Van Gogh troublant de vérité, entre délires et lucidité, un grand artiste fragile, incompris, damné, mais un rêveur obstiné qui revient sur son œuvre au crépuscule de sa vie. Le film raconte les dernières années de la vie du peintre hollandais, lorsqu’il quitte Paris, trop gris pour lui, et va chercher la lumière du Midi à Arles. Van Gogh se lie d’amitié avec Paul Gauguin, connaît des crises de nerfs et l’internement, puis se réfugie à Auvers-sur-Oise.
« Nous avons voulu créer l'équivalent de que vous pouvez ressentir quand vous observez une oeuvre », a dit le cinéaste, dont c'est la troisème participation à la Mostra. Il ne s’agit pas d’un biopic mais plutôt d’un voyage introspectif, tout autant inspiré d'événements survenus dans la vie de Van Gogh que de certaines de ses toiles. L'esthétique d ’At Eternity’s Gate est proche de celle de Van Gogh, entre champs de blé, tournesols et plans colorés de filtres bleus et jaunes, des couleurs chères à l'artiste.« Quand je suis devant un paysage plat, je vois une porte vers l'éternité » répétait Van Gogh., d’où le titre repris par Schnabel.
Le film évoque largement le rapport de l'artiste avec la nature et dieu. Malgré une vie tragique et malheureuse, éclatent dans ses tableaux un amour pour le monde, la nature, les hommes, son besoin de vivre dans les couleurs chaudes, mais aussi l’inquiétude et une angoisse profonde. Le réalisateur traduit l’élan obstiné qui a permis à Van Gogh de surmonter la pauvreté, ses problèmes psychiques et le rejet de son travail. Schnabel met en exergue la solitude et la folie d’un homme porté par un besoin presque obsessionnel de donner et recevoir de l’amour, par une générosité exacerbée, par une sensibilité qu’il ne pouvait gérer. Un homme oscillant entre euphorie, crises dépressives et actes autodestructeurs : jusqu’à se donner la mort comme on l’admet communément ? Pas si sûr.
Le scénario s’articule sur une théorie différente.Vincent Van Gogh est mort en 1890, à l’âge de 37 ans. La version officielle veut qu'il se soit tiré une balle dans la poitrine à Auvers-sur-Oise, un village d'artistes situé près de Paris. « Aucun témoin n’a assisté à l’acte. Ce que l'on sait, c'est qu'il est revenu à l'auberge, blessé, avec une balle logée dans l'estomac, ce qui n'est pas la meilleure façon pour se tuer. En outre, personne n'a jamais retrouvé l'arme », relève l’écrivain Jean-Claude Carrière, auteur du scénario, présent à Venise. Circule une version d’un homicide accidentel, Van Gogh aurait été victime blessé par balle accidentellement par un couple d'adolescents qu'il connaissait. Le peintre aurait décidé d'endosser la responsabilité de l'incident dans le but de les protéger.
« C'est ce contre quoi nous nous battons : la sombre et romantique légende de Van Gogh. Durant la dernière partie de sa vie Vincent travaillait tout le temps.Il peignait une toile par jour et ce n'était pas du tout la personne triste, pessimiste et déprimée qu'on a souvent décrite », estime lle scénariste.
A l’écran, Willem Dafoe est entouré d'un casting cinq étoiles, composé notamment d'Oscar Isaac dans le rôle de Paul Gauguin et de Mad Mikkelsen, dans la peau d'un prêtre qui questionne l'artiste sur sa vocation et le sens de son œuvre. Niels Arestrup, Vincent Perez, Mathieu Amalric et Emmanuelle Seigner sont également à l'affiche.
At Eternity's Gate sortira le 16 novembre aux États-Unis, mais n'a toujours pas de date de sortie française.