"SYRIE : GUERRE OU MANŒUVRES MILITAIRES ?
"Le dénommé « Printemps arabe » qui a pris sa source en Tunisie s’est propagé de l’Afrique du Nord à la Syrie de Bachar El Assad.
Avec l’appui de l’Union Européenne et des États-Unis, les opposants au régime syrien comptaient renverser le président élu en exercice. La résistance de Damas et de son armée a permis d’affronter les assauts d’une opposition hétéroclite, renforcée par des éléments étrangers.
Ni l’Union Européenne ni les États-Unis par le bras armé de l’OTAN n’ont osé intervenir directement en Syrie comme ils l’avaient fait auparavant en Libye afin de renverser Kadhafi et de l’assassiner lors des bombardements. La disparition du leader libyen a favorisé l’implantation de l’organisation État islamique (EI), soutenue par l’Arabie Saoudite. L’organisation terroriste a profité de la déliquescence de la Libye pour s’emparer d’un arsenal militaire et développer des camps d’entrainement. En se structurant en Irak et en Syrie sur un large territoire, comme base arrière d’un nouveau Califat, l’EI s’est rendu coupable de crimes contre l’humanité envers des populations principalement chrétiennes mais également envers les Kurdes, les Alevis ou les Chiites.
Les vestiges archéologiques et historiques de ces régions furent aussi la cible de la folie destructrice de l’EI comme la cité antique de Palmyre ainsi que le mémorial du génocide des Arméniens de DeïrEz -Zor. L’intervention occidentale en Libye laissa un goût amer à la Russie qui avait énormément investi dans ce pays et comme il était à craindre que la menace s’étende à la Syrie, la diplomatie russe était sur ses gardes. Le régime syrien semblait avoir du mal à contenir des mouvements de mercenaires affiliés à l’État islamique et à Al Qaida qui avaient noyauté la véritable opposition démocratique syrienne réduite à peau de chagrin. En demandant l’aide militaire à la Russie, Damas jouait sa dernière carte. La Russie installa une base aérienne à Hememin et renforça sa présence militaire dans sa base maritime de Tarsous sur la Méditerranée. Durant la crise syrienne, la Turquie avait ouvert sa frontière avec son voisin, permettant d’accueillir des réfugiés fuyant la guerre civile, installés dans des camps de fortune. Ankara reçut à ce titre plusieurs milliards de dollars* de l’Union Européenne pour son action humanitaire. La Russie livra du matériel militaire en Syrie par mer et par air à destination de ses implantations. La Turquie ne put empêcher le passage des navires russes par les détroits du Bosphore et des Dardanelles, selon un accord signé avec la Russie. Il faut néanmoins rappeler que l’aviation turque intercepta un avion civil russe transportant des touristes et que la chasse turque abattit un avion militaire russe le 24 novembre 2015 au-dessus de la frontière syrienne.
Le 16 juillet 2016, un coup d’État contre Erdogan avorta et la reprise en main du pouvoir par le président turc fut le théâtre d’une répression sans précédent. Le 19 décembre 2016, Andreï Karlov, ambassadeur de Russie en Turquie, fut abattu par un policier turc de 22 ans, Mevlüt Mert Altintaş. La crise entre la Turquie et la Russie fut à son paroxysme. La Russie exigea des excuses et des réparations, infligeant à la Turquie un embargo sur le commerce et le tourisme.
Cet événement rappelait l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, qui fut le prélude de la Première Guerre mondiale. Était-on proche d’une Troisième guerre mondiale ? La sagesse l’a heureusement remporté. Erdogan a présenté ses excuses à Poutine, la Russie a partiellement levé les sanctions contre la Turquie. Le 13 septembre 2017, la Turquie, membre de l’OTAN, a signé un contrat pour l’achat de quatre S-400 russes pour la défense aérienne, irritant ainsi l’Union Européenne et les États-Unis. Au cours d’exercices conjoints en septembre, baptisés Zapad 2017, la Russie et la Biélorussie ont fait la démonstration de leur haute-technologie militaire. La Russie semblait particulièrement satisfaite des opérations sol, mer, air. Un nombre important d’attachés militaires étrangers assistait à ces exercices. Normalement, ces manœuvres ne visent qu’un ennemi imaginaire où tout n’est que simulation, sauf en cas d’accident. La Turquie s’est rendu compte de son intérêt en se rapprochant de la Russie. Ainsi, Erdogan ne demande plus le départ du président Bachar El-Assad. La Russie et l’Iran jouent un rôle majeur dans la région, et la Turquie ne peut l’ignorer. Le soutien de la Russie a permis à l’armée syrienne de reprendre le contrôle d’Alep, Hama, Homs, Ouyarabat, Akerbat et de Deïrez-Zor.
De son côté, la Russie a eu l’opportunité de tester ses capacités militaires en grandeur réelle, tout en faisant une démonstration de force. Par des bombardements ciblés de son aviation, tirs de missiles à partir de sa flotte en mer Caspienne, de ses destroyers et sousmarins en Méditerranée, que certains qualifiaient de lac russe. La Russie a réduit efficacement les positions de l’Etat islamique en Syrie. Il n’est pas étonnant qu’Erdogan ait changé de camp. À la question d’un journaliste : « Quand il y aura une guerre atomique entre les Etats-Unis et la Russie, d’après vous qui sera vainqueur ? » Poutine aurait répondu : « Personne, car ce sera la fin de l’Humanité. » Espérons que la sagesse des dirigeants primera et qu’ils choisiront la voie de la vie plutôt que celle de la mort."
Nersès Durman-Arabyan Paris le 10 Octobre 2017 contact@armen-progrès.com
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