ELECTIONS REFERENDAIRES EN TURQUIE
Le dimanche 16 avril au soir, les autorités turques ont annoncé le résultat des élections référendaires. Le « OUI » aurait obtenu 51,4% des voix et le « NON » 48,6%, bien que l’opposition et les observateurs étrangers aient mis en doute la véracité de ces résultats.
Il est néanmoins très significatif de constater que la capitale du pays Ankara et les grandes villes comme Istanbul et Izmir ont voté « NON » au changement de la constitution.
Le président Erdogan essaie par tous les moyens de concurrencer la popularité de Mustapha Kemal Atatürk, fondateur de la République turque. La dislocation de l’Empire ottoman a donné naissance à la République turque en 1923 avec le soutien de l’URSS et des pays occidentaux. Atatürk fut le président d’une République laïque dont il conçut les institutions à l’image de celles de la Suisse. Quant au président Erdogan foncièrement attaché à la religion musulmane, il ne peut compter que sur la population fanatique des campagnes qui, depuis la disparation d’Atatürk en 1938, n’a jamais abandonné sa croyance. Les régimes dictatoriaux ne peuvent s’imposer qu’à la suite d’un coup d’État ou dans des pays ou le niveau de vie de la population est inférieur à celui des pays démocratiques. Pour pouvoir gouverner un dictateur doit s’assurer le soutien quasi unanime de son peuple. Avec 51,4 % des suffrages, le président Erdogan n’a pas forcément les coudées franches. Ce dernier scrutin vient de révéler la fracture au sein de la société turque, actuellement très divisée. En décapitant l’état-major de l’armée considérée comme l’épine dorsale du pays, Erdogan a affaibli la défense de la laïcité en Turquie. Le putsch raté des 15 et 16 juillet 2016, dont on ne connait toujours pas les instigateurs, a permis au président Erdogan d’accuser son ancien allié Gülen, qui réside aux États-Unis, d’en être à l’origine. Profitant de la confusion, le président Erdogan a repris l’initiative pour consolider son pouvoir en éliminant grand nombre de ses adversaires. Avant ce putsch, il y avait 190 000 détenus dans les prisons turques. Depuis 12 000 personnes ont été placées en détention préventive, 60 000 magistrats, enseignants et militaires ont été limogés. Telle est la situation de la Turquie actuelle après le référendum. Dans tous les cas de figure , avec sa courte majorité, le président Erdogan aura du mal à gouverner le pays, qui risque de devenir une poudrière au bord de l’explosion. Le compte à rebours est lancé après ces élections référendaires, mais on ne sait pas qui a le doigt sur le détonateur.
Nersès Durman-Arabyan