Selahattin DEMIRTAŞ serait-il le Hrant DINK des Kurdes ?
Aux dernières élections législatives, le 7 juin 2015, le président Erdogan n’avait pu, avec son parti AKP, s’assurer la majorité absolue au Meclis, le parlement turc. Il décida de provoquer de nouvelles élections pour le 1er novembre 2015. En effet, la percée électorale du parti pro-kurde HDP de Selahattin Demirtaş avait permis l’entrée au parlement de 80 de ses représentants, risquant ainsi de compromettre la politique despotique du président de la République turque.
Que s’est-il passé entre ces deux dates ?
Le HDP était sous la menace des djihadistes, d’une part, et de forces obscures, d’autre part. Des attaques ciblèrent des représentations du HDP. Des Kurdes furent victimes d’actes terroristes à Diyarbakir en juin, à Suruç en juillet, et en octobre, un attentat à la bombe lors d’une manifestation de Kurdes à Ankara sema la mort parmi la population. Mettant à profit cette situation chaotique servant ses intérêts, le président Erdogan mena une campagne axée sur la peur, en agitant la menace d’une guerre civile, au cas où il n’obtiendrait pas la majorité au parlement. Les élections eurent lieu le 1er novembre, et une heure-et-demi après la fermeture des bureaux de votes, les premiers résultats donnèrent officiellement l’AKP vainqueur. Une telle rapidité dans la proclamation des résultats dans un pays de 80 millions d’habitants avait pourtant de quoi surprendre ? Et elle attira l’attention de nombreux observateurs quant à la régularité du scrutin. Si cette dernière consultation donna une majorité absolue au parti islamo-conservateur AKP, 59 députés kurdes seront également présents dans l’hémicycle. Le président Erdogan devra faire face à un adversaire de taille en la personne de Selahattin Demirtaş. Ce jeune élu a une carrure politique incontestable, son dynamisme et sa clairvoyance en tant que président du HDP permettront aux Kurdes de défendre leurs droits au sein du parlement. Une personnalité d’une telle envergure est assez rare dans la sphère politique turque. Les Arméniens d’Istanbul avaient eux aussi un représentant de cette qualité, lucide et combattif, en la personne de Hrant Dink. Mais il fut assassiné en 2007 devant les locaux de son journal Agos par un assassin nationaliste. Selahattin Demirtaş sera-t-il considéré comme le Hrant Dink des Kurdes ? En aucun cas, nous ne souhaitons à Selahattin Demirtaş un sort destin aussi tragique que celui de Hrant Dink.
Nersès DURMAN-ARABYAN Paris – Novembre 2015