Charles Aznavour, l’artiste d’origine arménienne le plus connu à travers le monde
Auteur, compositeur, chanteur, acteur, Charles Aznavour a tous les talents. Il est sans doute l'artiste d'origine arménienne le plus connu à travers le monde. Il a aussi des convictions pour l'Arménie, qu'il défend bec et ongles.
A 90 ans, Charles Aznavour est loin de penser à la retraite. Dans sa propriété de Mouriès, au cœur de la vallée des Baux, il fourmille de projets, d'envies, de passions. C'est là qu'il a bien voulu s'impliquer pour le Centenaire du génocide, avec une série d'émissions radio et un film documentaire. Intitulée « Aznavour story 2015 », la première sera diffusée en février par les radios franco-arméniennes de Paris, Lyon, Vienne, Valence et Marseille (Ayp FM, Radio Arménie, Radio A et Radio Dialogue), ainsi que par JM, la radio juive de Marseille (rediffusions prévues au deuxième semestre). Signé Richard Findykian, le film « Charles Aznavour en Provence » sera projeté le 25 avril à Marseille, lors du Festival du Livre Franco-Arménien (Palais de la Bourse).
Si dessous on vous présente un entretien, qui a été mené par le journaliste et écrivain Jacques BONNADIER.
Vos parents arrivent en 1923 en France. Comment est-ce que cela s'est passé ?
Charles Aznavour : Je ne sais pas du tout. Ils venaient de Grèce. Je suppose qu'ils sont arrivés par Marseille. Et je suppose beaucoup de choses, par exemple que ceux qui avaient un peu plus d'or dans les plis de la robe de la mère, ils pouvaient monter jusqu'à Avignon ou jusqu'à Valence, et puis jusqu'à Paris. Exactement comme la transhumance des juifs, telle que la raconte Marek Halter dans un de ses livres.
Ils vous ont quand même raconté comment ils avaient échappé au génocide…
Charles Aznavour : Non. Même si je sais que mon père avait un passeport russe, qui lui a permis d'être accueilli par un bateau italien. Quand les soldats sont venus, il a pu dire ''Ici, vous n'êtes plus en Turquie, c'est un espace international'', et on leur a fiché la paix. Ensuite, comme tous les émigrés de ce coin-là, ils sont passés par Salonique.
Et le génocide lui-même, ils vous en parlaient ?
Charles Aznavour : Non, ma mère pleurait sa famille régulièrement mais ils n'avaient pas besoin d'en parler pour qu'on sache que c'était grave.
Quand ils sont arrivés en France, ils avaient l'intention de s'y installer ?
Charles Aznavour : Non. Ils partaient pour l'Amérique. Mais pour l'Amérique, il y avait des quotas et ils n'ont reçu l'autorisation que deux ans après leur arrivée en France. Et entre-temps, ils s'étaient déjà habitués au pays, ils n'avaient plus envie d'aller plus loin. Ce n'est pas ma naissance en 1924 qui les a retenus ici, c'est l'amour qu'ils ont ressenti pour ce pays qui a tout changé.
Ont-ils conservé les coutumes et traditions de leur pays d'origine ?
Charles Aznavour : Mon père a d'abord gagné sa vie en chantant pour l'immigration. Il chantait en russe, en yiddish, en arménien… Il faisait les bals arméniens et c'est comme ça qu'il a pu acheter son restaurant : il était très bien payé, paraît-il. En revanche, mes parents n'ont pas poussé leurs enfants vers les traditions arméniennes… pas plus qu'ils ne nous en ont empêchés.
Vous-même, ce n'est qu'en 1963 que vous découvrez la terre d'Arménie. Pourquoi si tardivement ?
Charles Aznavour : En vérité, on était heureux que le communisme soit venu en Arménie parce que tout d'un coup, le communisme a défendu l'Arménie. Il lui a fait du mal aussi parce ceux qui sont partis de l'étranger pour s'installer là-bas en 1947 ont parfois fini au goulag… Ils ont donc eu les deux choses mais comme on dirait en Chine, ils avaient au moins leur bol de riz. J'ai mieux connu l'Arménie quand elle a eu des difficultés et à ce moment-là, je me suis réveillé, je me suis dit ''J'ai des possibilités, je vais essayer de faire quelque chose pour mon pays d'origine''. Cela a été un choc de découvrir cette Arménie de 1963. Les gens me disaient ''Ah, tu reviens au pays !'', je répondais ''Mon pays, c'est la France''. Ils se sont habitués par la suite mais au début, ils avaient un peu marre de mes réponses.
Quand vos parents sont arrivés, ils étaient officiellement apatrides. Ca a duré combien de temps ?
Charles Aznavour : Ils avaient des passeports "Nansen". Ca a duré jusqu'après la guerre. Mon père s'était engagé volontaire, ensuite il a fini dans la Résistance. Ce sont deux choses importantes. Les gens qui ont fait ça ont eu droit à la nationalité française… qu'ils n'ont quand même pas eue très facilement. Mais ils n'ont pas naturalisé ma sœur qui était née en Grèce, à Salonique, c'est curieux l'administration… Et elle n'est jamais devenue française, elle est canadienne ! Quand mon père s'est engagé dans l'armée, il a été très bien reçu parce qu'il a été affecté dans les cuisines, dans un régiment qui était dans le Sud-Ouest, il n'y avait que des étrangers, surtout des juifs, des Russes et quelques Arméniens. Il ne faisait pas la cuisine à la française mais ce qu'ils aimaient. Et en plus, il jouait de la musique et il chantait ! A son retour, il a aidé ceux qui en avaient besoin, notamment les Manouchian : elle était secrétaire à la Jeunesse arménienne de France, dont il faisait partie, ils étaient orphelins tous les deux, ils avaient beaucoup de choses à se dire.
SOURCES: laprovence.com