Air France Magazine n°211: Dossier Spécial Arménie novembre 2014
AIR FRANCE MAGAZINE
VOUS PROPOSE un dossier spécial sur l'Arménie dans son numéro 211 de novembre 2014
En exclusivité sur Nouvel Hay Magazine !
« ARMÉNIE : »
mot a mot
« Tsaved tanem ! » Cette expression, utilisée à tout crin, serait l’équivalent du français « ça va », mais au sens littéral, elle se traduit plutôt par « je prends ta peine ». Une expression qui transcrit bien l’état d’esprit altruiste des Arméniens. Et si le voyage dans ce pays grand comme la Belgique vaut le détour pour sa beauté, il vaut sans doute davantage encore pour l’âme de ses habitants. Selon Nazareth Karoyan, critique d’art et figure de la scène artistique, les Arméniens chérissent tellement la liberté individuelle qu’ils montrent le plus grand respect face au comportement et à la façon d’être d’autrui. C’est donc entendu, bienvenue en Arménie.
MATÉNADARAN
Centre de la culture spirituelle arménienne, c’est l’un des plus riches dépôts de manuscrits et documents au monde. Y sont préservés et étudiés près de 18 000 ouvrages (dont de nombreux palimpsestes et un incunable) en arménien, grec, latin, syriaque, arabe, perse, hébreu ou éthiopien, traitant aussi bien de religion que des trivium et quadrivium de philosophie, de médecine, d’histoire ou de poésie (Grigor Narekatsi). On y trouve également des traductions arméniennes d’œuvres perdues, comme la Chronique d’Eusèbe de Césarée ou les traductions des écrits de Philon d’Alexandrie. Cet intérêt pour les livres s’est accéléré au V e siècle, celui de Mesrop Machtots, créateur de l’alphabet arménien. De grandes bibliothèques voient alors le jour et s’enrichissent au fil des siècles grâce à la traduction et à la copie. L’histoire complexe du pays a vu nombre d’ouvrages détruits ou dispersés, mais il s’est toujours trouvé quelqu’un pour sauvegarder le patrimoine. L’Homéliaire de Mouch, livre de 600 pages en peau de mouton et pesant 27 kg, a ainsi été protégé en 1915 par deux sœurs vivant dans l’est de la Turquie, qui se le partagèrent pour faciliter son rapatriement. Restaurateurs et savants ne manquent pas de travail, mais se consacrent aussi à de drôles d’expériences : l’un d’eux a déchiffré un texte crypté du XI e siècle et redécouvert les recettes d’un antique tord-boyaux et d’une huile de soins royaux à base d’une cochenille très rare. Il en produit depuis quelques fioles vendues dans la boutique du centre.
ARARAT
D’Alexandre le Grand aux Romains, des Mongols aux Arabes, de l’Empire ottoman à l’empire soviétique, l’histoire de l’Arménie a sans cesse été traversée par les envahisseurs. Avec pour effet de renforcer son identité autour de son alphabet si particulier et de certains symboles. Dans ce pays où la foi est prégnante, le mont Ararat, aujourd’hui à la frontière turque, figure sur les armoiries du pays, et est l’un de ses signes les plus forts. L’Ancien Testament raconte que c’est à son sommet que l’arche de Noé s’est échouée après le Déluge et a patienté pendant la décrue des eaux – récit que l’on retrouve dans la tradition coranique, Kuh-e-Nuh, signifiant en persan « montagne de Noé ». Volcan aux neiges éternelles, toujours actif, il s’élève à plus de 5 100 m d’altitude et est visible, comme son petit frère – le petit Ararat –, dès l’aéroport d’Erevan. Son image se retrouve aussi sur le plus fameux brandy arménien, dont Churchill se serait plu à dire qu’il n’avait rien à envier aux cognacs français.
PAYS DE PIERRE
C’est l’un des surnoms du pays. Les Arméniens aiment à l’expliquer par l’excédent de roches laissé là par Dieu, une fois qu’il eut bâti le monde. Entre les volcans, les montagnes, les gorges et les vallées, mieux vaut ne pas oublier d’emporter de bonnes chaussures, car les occasions de longues promenades, de pique-niques ou de coriaces trekkings sont innombrables. Les plus paresseux auront aussi tout leur content de panoramas. Goris, charmante ville dans le sud du pays, est dominée par de magnifiques demoiselles coiffées. À 5 km de là, c’est un paysage féerique de versants parsemés de ces tours de pierre qui servaient autrefois de refuge aux villageois et désormais de logis pour les vaches. À l’est d’Erevan, Garni permet de très belles balades en baskets ou en espadrilles dans un défilé rocheux que longe une rivière. Les surprenantes parois d’orgues basaltiques, aux faux airs de Forteresse de Solitude si chère à Superman, sont appelées ici « symphonie de pierres ».
UN REGARD VERS LES ÉTOILES
Dans une lande désertique à côté de la route qui conduit vers Goris, des monolithes massifs de taille variable semblent tout simplement et bizarrement posés. Nombre d’entre eux sont curieusement percés de part en part d’un trou d’environ 5 cm de diamètre orienté vers le ciel. Leur ordonnancement ne serait pas anarchique, mais le résultat de savants calculs pour permettre la lecture des astres, plus probablement la course de la lune. Remontant à plus de deux mille ans avant notre ère, le site astronomique de Karahunj (ou Zorats Karer) est fascinant. Parce qu’il impose l’humilité à ses très rares visiteurs devant le désir de connaissance de ses fondateurs (allez donc mouvoir des blocs de plusieurs tonnes à seule fin de s’inquiéter si la Terre tourne !). Et en dépit de ses airs de bout du monde, il se dégage de l’endroit une sérénité immense.
KATCHKARS
Ces stèles de pierre gravées de forme rectangulaire sont spécifiques au pays. Encastrées dans le mur des monastères et des églises, parfois rupestres, elles sont le plus souvent dressées à même le sol. Leur fonction peut être votive, commémorative, voire conjuratoire. Construites depuis le IX e siècle, de taille humaine, même si certaines atteignent plusieurs mètres, leur sommet est souvent arrondi et recourbé. Sur leur face orientée vers l’ouest figurent divers symboles : croix chrétienne, arbre de vie, soleil, grenade… Les gens fortunés faisaient sculpter des bribes de leur vie ou des indices sur leur profession, telles des scènes de danse, de bataille à cheval, un arc ou une partie de pêche. Noratous, tout proche du lac Sevan, est l’un des plus beaux endroits où les admirer. On y déambule librement autour de centaines de khatchkars projetant leur silhouette voûtée sur la colline.
MONASTÈRES
Ils ont essaimé dans tout le pays et leur architecture remarquable de simplicité est servie par les cadres où ils sont bâtis, des sites somptueux qui nécessitent parfois une longue marche avant d’y accéder. Les trois monastères suivants sont à portée de chacun : Noravank, planté au cœur d’un défilé rocheux, est quasi invisible l’été, sa pierre rouge se fondant dans les hautes falaises qui l’entourent. Momik, sculpteur du XIV e siècle, y a laissé sa patte. Plus au sud, Tatev est desservi par le plus long téléphérique au monde, mais par la route, le belvédère mérite un arrêt. Du petit kiosque au bout de l’arête rocheuse, le regard embrasse toute la vallée depuis une hauteur vertigineuse. Le complexe de Geghard est constitué de quatre églises, en partie troglodytes, bâties à différentes époques. De nombreuses cellules creusées çà et là dans la montagne servaient de logis spartiates aux hommes de foi. En surplomb, taillé dans la roche, un vaste jamatoun à la résonance pure sublime les chants qui parviennent aux salles sises dessous grâce aux conduits percés dans les parois.
CARAVANSÉRAIL
Quand la route se faisait à pied ou à cheval, l’Arménie, coincée entre la Géorgie, l’Azerbaïdjan, l’Iran et la Turquie, était une terre de passage obligé des marchands et des voyageurs. Entre la ville de Martouni d’un côté et celle d’Eghegnadzor de l’autre, le périple n’est pas des plus désagréables et les fondateurs du caravansérail du col de Sélim ne s’y sont pas trompés. La route qui conduit à ce bâtiment du XIV e siècle, stratégiquement situé et construit pour sécuriser les marchandises tout en reposant les montures des routiers de l’époque, offre une vue magnifique sur la chaîne montagneuse. En redescendant vers Eghegnadzor, on aperçoit de temps à autre les pierres de vieux ponts, vestiges de l’ancienne voie. Aujourd’hui encore, le caravansérail est une halte rituelle pour les Arméniens qui transitent d’une vallée à l’autre. Sachant cela, mieux vaut éviter de déjeuner avant de s’y arrêter : les gens de passage ont coutume de partager dolma, agneau et vodka avec les voyageurs.
UN MORCEAU DE CIEL SUR TERRE
Sans accès direct à la mer, les Arméniens se consolent avec le lac Sevan. Serti entre de hautes montagnes, la perle d’Arménie est l’un des plus vieux lacs d’altitude au monde. Approvisionné par l’eau de près de trente rivières, il s’étend sur 75 km de long et 56 km de large. Depuis quelques années, il fait l’objet de beaucoup d’attentions de la part des autorités, soucieuses de préserver la qualité de ses eaux et les nombreuses espèces de poissons, parfois très rares, qui y vivent. Sa biodiversité a été mise à mal du fait d’un pompage trop important jusqu’au milieu des années 1960, mais sa flore, qui demeure très riche, et ses rives sablonneuses en font un lieu de villégiature très prisé. On y pratique le ski nautique, les randonnées à vélo, la baignade, ainsi que des croisières en yachts à voile et catamarans.
VOSKI CHUGA
La virtuosité des artisans orfèvres arméniens est mondialement reconnue. À Erevan, il existe d’ailleurs un étonnant endroit appelé Voski Chuga, le marché de l’or, situé à quelques encablures de la splendide place de la République. Dans un bâtiment sans éclat, le rez-de-chaussée et le premier étage fourmillent de dizaines de petits stands de bijoux. Il y en a pour tous les goûts : des petites bagues d’or ou d’argent discrètement incrustées de diamants aux montures extravagantes où se bousculent les émeraudes et les rubis. Les étals sont essentiellement tenus par des femmes, certaines à la posture hiératique, d’autres hautes en couleur, quelques hommes à la mine grave assurant la sécurité. Au deuxième étage, un dédale de minuscules ateliers regroupe les établis des fondeurs, des sertisseurs et des orfèvres. Pour un peu plus d’intimité, les bijouteries ne manquent pas dans les rues Abovyan ou Tumanyan, voire au Dalma, un grand mall construit en bordure de la ville avec une salle spacieuse dédiée à la joaillerie.
KHOROVATS
Ce n’est pas en Arménie que les gens rechignent à passer à table. Et pour cause ! Légumes succulents, frais et croquants, arbres des vergers ployant sous les variétés de prunes, abricots, cerises, grenades…comme autant de rubis et d’or. Et l’eau à la bouche, qui vient si facilement grâce au fumet des fameuses grillades ou khorovats. La viande cuisinée en brochettes est une institution savoureuse depuis des milliers d’années. Certains khatchkars en portent la preuve gravée : des traits horizontaux figurent les brochettes de porc, d’agneau, de bœuf ou de poissons, cuites au barbecue de pierre, de métal ou dans le tonir (four traditionnel en argile). Cette grosse jarre, souvent enfoncée dans la terre, sert aussi à la cuisson du lavash, le pain local. En accompagnement, des dolma (farce enroulée dans des feuilles de vigne ou de choux), des ghapama (citrouille farcie), des soupes et moult variétés de caviar d’aubergines, aux saveurs de citron, d’ail, d’oignon, de thym, basilic, persil, estragon, paprika, cumin, coriandre, huile de noix…
ARMÉNIA MARRIOTT HOTEL
Hôtel historique d’Erevan, il est l’œuvre de l’architecte Mark Grigorian. Sa partie centrale fut construite en 1954. Il fut longtemps le seul établissement touristique de la ville et l’unique lieu de réception des hommes d’État et des personnalités en visite. La literie king size fit son apparition suite à la visite de Charles Aznavour, en 1960, qui craignait de tomber de son lit. Il est vrai qu’à l’époque la dimension et les équipements des chambres étaient on ne peut plus spartiates. Ce n’est qu’après la fin du bloc soviétique et le rachat de l’hôtel en 1998 par la chaîne Marriott que celui-ci acquiert son standing de luxe sans rien renier de son classicisme. Tout est alors mis en œuvre pour satisfaire une clientèle exigeante : room service, salle de fitness et de conférence, bar, Wi-Fi et personnel aux petits soins. En soixante ans d’existence, cet hôtel, classé monument historique, n’a jamais fermé ses portes.
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