François Hollande, vainqueur solitaire
C’est souvent dans une extrême solitude que naissent ces épopées-là. Celle-ci pourrait commencer dans le secret d’une chambre, au coeur d’un petit immeuble tranquille du 15e arrondissement de Paris. L’été 2009 va s’achever. Assis sur une chaise, François Hollande évoque devant sa compagne Valérie Trierweiler l’année qui s’ouvre. Ils ont passé l’été en Espagne sans trop de sollicitations. Depuis un an qu’il n’est plus premier secrétaire du Parti socialiste, il a commencé une traversée du désert qui ressemble à un retour vers le réel. Samedis passés chez Ikea ou Alinéa pour meubler le nouvel appartement du couple et dimanches à vélo ou à jardiner, dans la maison de l’Isle-Adam de Valérie Trierweiler. Mais l’an prochain ?
Pendant les vacances, il a déjà écouté son cher Jean-Pierre Jouyet, l’un de ses plus vieux amis, que son passage pendant un an et demi au sein du gouvernement Fillon n’a jamais tout à fait éloigné : “Il faut que tu y ailles. Tu peux y arriver, tu n’as rien à perdre, et c’est ta dernière chance. Tu auras 57 ans. Après, il sera trop tard.” C’est désormais la rentrée et, devant sa compagne, c’est lui cette fois qui pose la question. “Si j’y vais, il faut que je m’organise. Qu’est-ce que tu en penses ?” L’ancienne journaliste politique énonce les choses sans fard : “Soit tu penses que tu es le meilleur, et tu y vas. Soit, tu penses qu’un autre est meilleur que toi, et tu n’y vas pas.” Dans l’intimité d’un couple, les vérités s’expriment sans craindre de passer pour des vanités : “Je suis le meilleur !” “Alors, vas-y ! Mais ne bricole pas. Mets tout en place pour que ça marche.”
François Hollande n’est pas de ces chefs d’Etat qui, à 10 ans, comme Nicolas Sarkozy, rêvaient de “faire président”. Seule sa mère – “ma meilleure militante”, a-t-il souvent vanté – disait le contraire, mais n’est-ce pas le rôle de toutes les mères de tenter de bâtir une légende ? Au fond, cet énarque et ancien magistrat de la Cour des comptes qui a bâti toute sa carrière au PS sans jamais se voir proposer de ministère caressait sans doute des rêves moins fous que celui d’entrer à l’Elysée. “J’aimerais bien un jour avoir Bercy”, confiait-il modestement à quelques amis de Corrèze, il y a encore quatre ans.
“CETTE FOIS, JE NE LAISSERAI PAS PASSER MON TOUR”
On peut bien raconter aujourd’hui qu’il y a toujours cru, qu’il l’a toujours voulu, la vérité est autre. Le fantôme de 2007 a longtemps plané au-dessus de lui et, avec ce scrutin, l’ombre de Ségolène Royal. Depuis la défaite de la mère de ses quatre enfants, qui s’est confondue avec leur séparation publique, François Hollande n’ignore pas que certains responsables du Parti socialiste lui en veulent. En 2005, alors qu’il était premier secrétaire, le PS s’était déjà déchiré sur la Constitution européenne sans qu’il ose exclure les frondeurs du “non” menés par Laurent Fabius et Jean-Luc Mélenchon. En 2006, les éléphants du parti n’ont saisi que bien plus tard pourquoi il s’était effacé devant “Ségolène”. En 2012, c’est donc autant une revanche qu’il doit prendre qu’une preuve de caractère qu’il doit apporter.
“Cette fois, je ne laisserai pas passer mon tour”, réplique un beau jour François Hollande à un Brice Hortefeux qui l’interroge sur ses intentions. “Je me suis trouvé seul, face à moi-même, j’étais libéré de toute tutelle, à ne servir plus personne, au sens privé également”, confiera-t-il au quotidien La Montagne le 30 novembre 2011. Il n’est plus rien dans le parti, les journalistes oublient de lui rendre visite, mais il a tranché. Après deux ans d’une vie plus douce, il se plie à une nouvelle discipline. Il commence par maigrir – trop, diront ceux qui aimaient François Hollande rond, rose, enveloppé dans sa bonhomie. C’est un signe qui ne trompe pas. Il se lève tôt, travaille dans le petit bureau de son appartement, avec vue sur les immeubles sans âme qui bordent le parc André-Citroën.
Il lit, découpe, trie, à l’ancienne, range les papiers dans des chemises de toutes les couleurs qui jonchent la moquette. Il n’a pas voulu s’offrir les services d’une assistante payée sur les fonds du conseil général de Corrèze, et cette sobriété est autant le signe de sa prudence que la marque d’un homme qui n’a besoin de personne. Il n’y a pas, dans la mythologie de François Hollande, de “fidèle secrétaire”, comme dans celle de François Mitterrand.
Il n’y a d’ailleurs pas grand monde autour de lui. Pas de vrai courant au sein du PS, pas de think tank, et même pas l’ombre d’un intellectuel mondain : François Hollande a voulu tenir à distance Bernard-Henri Lévy, qui avait soutenu Ségolène Royal, puis Dominique Strauss-Kahn. Aujourd’hui, Franz-Olivier Giesbert s’intéresse à lui, mais, longtemps, les biographes ne se sont pas bousculés pour raconter sa geste. C’est l’histoire d’un homme qui a fait sa carrière à l’ombre d’un parti quand d’autres – Lionel Jospin, Ségolène Royal – incarnaient les soubresauts de l’histoire de la gauche : pas vraiment matière à frissons ou à best-sellers.
DES CHAISES AUX FAUTEUILS
Depuis l’automne 2008, ils ne sont d’ailleurs que huit, experts ou élus, à se réunir tous les lundis midi dans le petit bureau d’angle du député de Corrèze, autour de Stéphane Le Foll, l’ancien directeur du cabinet de François Hollande rue de Solférino. Parmi eux, Isabelle Sima, la fille des Chassagne, qui l’ont hébergé à Tulle, en 1988. Pour rire, ils se nomment eux-mêmes “les 3 %”, la cote d’avenir présidentiel que donnent alors les instituts de sondage à François Hollande. Au fil des semaines, pourtant, l’assemblée s’agrandit peu à peu. Un jour, le bureau devient trop étroit : la petite équipe descend au premier sous-sol de l’immeuble qui jouxte l’Assemblée. “Des fauteuils en cuir noir de VIP avaient remplacé nos chaises en dur. On s’est réjouis : tiens, c’est déjà un mieux”, se souvient Bernard Rullier, directeur de cabinet adjoint du président du Sénat, Jean-Pierre Bel.
Depuis que “François” paraît déterminé, d’autres amis se sont proposés pour l’aider. Un vieux copain d’HEC, André Martinez, ancien du groupe Accor devenu consultant, lui a suggéré de réunir chaque lundi matin, chez lui, autour d’un petit-déjeuner, un autre groupe prêt à l’aider. Ils sont moins d’une demi-douzaine, mais ce sont des amis de près de quarante ans, tous diplômés d’HEC ou de l’ENA. François Hollande y retrouve des anciens de sa promo Voltaire, comme Jean-Pierre Jouyet ou Jean-Marc Janaillac, devenu président du directoire de la RATP. Mais on a aussi fait venir des hommes qui ont vécu une campagne présidentielle au coeur du réacteur et appris les leçons de l’échec : le conseiller d’Etat Christophe Chantepy, directeur de campagne de Ségolène Royal en 2007, ou Laurent Olléon (HEC, ENA), un quadragénaire qui a connu François Hollande lors d’un stage en Corrèze. Emmanuel Macron, un jeune inspecteur des finances passé dans le privé, à la Banque Rothschild, est enfin venu rejoindre la bande de Martinez. Début 2010, la semaine de François Hollande s’ouvre sur une heure de discussion avec la fine fleur de la technocratie, chargée de l’aider à combattre son principal concurrent, Dominique Strauss-Kahn.
DSK n’est pas n’importe quel adversaire. L’ancien ministre de l’économie de Lionel Jospin a lui aussi une revanche à prendre sur la primaire de 2006. Ségolène Royal, cette “nulle”, comme il disait avec mépris, l’avait alors battu à plate couture. Cette fois, auréolé de son prestige de patron du Fonds monétaire international (FMI), porté par une crise financière internationale qui rend plus raisonnables les militants de l’aile gauche du PS, son heure paraît venue. C’est du moins ce que disent les sondages, qui l’annoncent seul capable de vaincre Nicolas Sarkozy.
LE TOURNANT DE L’AFFAIRE DSK
Ce n’est pas tout à fait ce que pense François Hollande. Pas exactement ce qu’il entend sur les marchés, et pas seulement à Tulle. Beaucoup de militants socialistes se méfient de DSK. Trop social-démocrate. Trop “libéral”. François Hollande entend même un jour parler de son adversaire potentiel comme d’un “cow-boy américain”. C’est un candidat “hors sol”, persiflent ses amis : doté d’une belle cote de popularité, mais à 10 000 km de la France. Face à l’homme des avions, de Washington, de la mondialisation, le président du conseil général de Corrèze se veut le candidat des clochers et des terroirs. Plus question de partir en vacances en Italie ou en Espagne, en cet été 2011. Pas davantage en Asie, où il n’a jamais mis les pieds autrement que pour des vacances en Thaïlande. Pour la campagne de la primaire, il veut parcourir les villes et les villages de l’Hexagone. Pour un peu, lui, l’homme qui déteste marcher, rêverait, dit-il, de “traverser la France à pied”. Il va rencontrer sa chance, le coup de dés qui transforme un destin.
Ce 15 mai 2011, Valérie Trierweiler a gardé son portable près d’elle, au pied du lit. Il lui porte la nouvelle qui se répand depuis quelques heures : “DSK arrêté à New York.” L’affaire du Sofitel a fait irruption dans leur nuit. François Hollande, qu’elle finit par réveiller, a balayé la nouvelle, incrédule : “Rendors-toi. Tout ça, c’est des conneries…” Des conneries ? A un mois et demi de la clôture des candidatures de la primaire, Dominique Strauss-Kahn, le grand favori, est accusé de viol par une femme de chambre d’un hôtel de New York. “DSK out”, “DSK fini”, disent désormais les textos. Ce dimanche matin, François Hollande n’est pourtant pas certain que la chute de son rival soit une bonne nouvelle pour lui. En journaliste, sa compagne voit dans l’événement “l’équivalent médiatique de la mort de Diana ou de l’effondrement des Twin Towers”. Lui, raisonne en politique et songe au “pacte” passé entre la maire de Lille et le patron du FMI. “Il va y avoir un élan autour d’Aubry”, redoute-t-il.
“C’est dommage, confie-t-il le lendemain à ses amis du “3 %”, j’aurais aimé débattre avec lui et le battre. Cette victoire m’aurait donné une légitimité supplémentaire.” Et au “groupe du lundi” : “J’aurais gagné dans cette victoire contre celui que l’on considérait comme le meilleur économiste mes galons de présidentiable. Cela aurait été mon tremplin.” Alors que le PS défile dans les médias pour, au choix, dire sa “sidération” devant la chute de son ancien champion, crier au complot ou espérer le retour “rapide” de Dominique Strauss-Kahn, le futur président se cantonne à des déclarations d’une infinie prudence. “Nous souhaitons tous que ce ne soit pas vrai”, commente-t-il sobrement sur Canal+. “François Hollande est le seul dirigeant socialiste qui ne nous ait ni téléphoné ni écrit”, fulminera plus tard Anne Sinclair.
C’est peu dire que l’affaire du Sofitel, tout d’abord, le déstabilise. En perdant son rival, l’élu de Corrèze vient aussi de perdre sa stratégie. Le “président normal” n’était pas seulement une critique du “bling-bling” présidentiel, c’était une flèche décochée à Dominique Strauss-Kahn autant qu’à Nicolas Sarkozy. L’ex-premier secrétaire se retrouve devant l’actuelle chef du PS, cette “dame des 35 heures” qui plaît à l’aile gauche de son parti, et se trouve aussi largement ancrée en province que lui. Même dans le groupe des “3 %”, même aux petits-déjeuners du lundi, ça tangue dans la “hollandie”. “Je dois récupérer les strauss-kahniens”, comprend aussitôt le futur candidat. Dans les années 1980, avec un ancien mao devenu énarque atypique et aujourd’hui décédé, Jean-Michel Gaillard, François Hollande signait des tribunes et des livres sous le nom de “Jean-François Trans”. Derrière ce pseudonyme transpirait le souci d’échapper à des courants jugés ringards et “bouffeurs” d’énergie. Jean-François Trans n’a pas changé. Ce n’est pas le courant de DSK qu’il veut rafler, mais quelques-unes de ses têtes d’affiche.
L’ÉLARGISSEMENT DU CERCLE HOLLANDAIS
Pierre Moscovici est le premier à le rejoindre. “Mosco” n’avait jamais eu, jusque-là, de mots assez durs pour parler de l’ancien premier secrétaire. Un “lâche”, un “mou”, un “petit”. Cette fois, il est prêt à devenir son premier ministre ! Avec lui, d’un coup, le cercle des hollandais paraît s’élargir. Le 31 mai 2011, à la Bellevilloise, à Paris, personne ne connaît le nom des conseillers de Paris dont le ralliement à la candidature de François Hollande est égrené par une sono poussive. Mais Pierre Moscovici, c’est enfin un nom qui résonne aux oreilles des initiés et tranche avec l’anonymat des troupes. A l’Elysée, Nicolas Sarkozy, qui s’était préparé à affronter la maire de Lille, est sonné.
C’est souvent dans les blessures d’amour-propre qu’il faut trouver l’aiguillon des plus vertigineuses réussites. François Hollande est devenu “présidentiable”, et beaucoup, chez les socialistes et à l’UMP, n’en reviennent pas. “François Hollande, président de la République ? On rêve !”, avait lâché du haut de sa superbe Laurent Fabius, avant la primaire. Cette fois, c’est Nicolas Sarkozy qui moque le candidat socialiste. “Il est nul”, lâche un jour le candidat de la droite à M, le magazine du Monde. Ou, pire, encore : “Et ça, ça veut gouverner la France ?” “Ça” n’oubliera jamais. Pendant des mois, il va “faire le sérieux”, comme il dit, et tenter de se bâtir une stature de présidentiable. L’homme des bons mots disparaît tout à coup – à tel point qu’Hélène Jouan, de France Inter, se sent obligée de réunir ses traits d’esprit dans un livre, Le Petit Hollande illustré par l’exemple (Nouveau Monde, 120 p., 9,90 euros), comme dans une sorte de manifeste posthume. Et que des petits plaisantins inventent pour les iPhone une application aussi commerciale que nostalgique : “Les cent meilleures blagues de François Hollande.”
Piqué dans sa fierté, bien décidé à faire mentir Nicolas Sarkozy, le candidat socialiste commence par s’entraîner au duel télévisé de l’entre-deux-tours du mercredi 2 mai avec un faux rival : Guillaume Bachelay. Rue de Solférino, on tient cette ancienne plume de Laurent Fabius et de Martine Aubry pour l’un des plus féroces conseillers. N’est-ce pas lui l’inventeur de cette “gauche molle” qui visait directement le député de Tulle ? Curieusement, pourtant, l’exercice est vite abandonné : le jeu entre le candidat et son sparring partner “sonne faux”. François Hollande révise tout seul, et invente sa fameuse anaphore : “Moi, président de la République…” On ne peut mieux dire que, pour battre Sarkozy, Hollande juge seize fois plutôt qu’une qu’il ne peut compter que sur lui-même.
Rarement, dans l’histoire de la Ve République, président aura mené campagne aussi solitaire. Dans un mois, qui saura encore qui furent les quatre porte-parole du socialiste ? “Il les a tous neutralisés. Même pas un gazouillis. La parole, il l’a portée lui-même”, note un intime. “C’est simple, raconte Julien Dray, il nous a installés dans le local de l’avenue de Ségur, il a lancé le trousseau de clés au milieu, et il a dit : ‘Débrouillez-vous’, et il est parti sur les routes.” Seul Manuel Valls, l’ancien rival de la primaire devenu responsable de la communication du candidat, ou Aquilino Morelle, le seul à s’être rendu à Tulle, dimanche 6 mai, ont émergé de l’équipe de campagne. “Seuls ont compté les gens utiles”, résume Valérie Trierweiler.
DU GENTIL AU DUR
L’utilité des autres… C’est peut-être cela qui le rapproche le plus de ses prédécesseurs. C’est cette part de son caractère, aussi, qui a le plus changé depuis quelques mois. Avant, François Hollande était “le gentil”. C’est même le titre d’une des rares biographies qui lui sont consacrées. Maintenant qu’il s’approche du but, il ne fait plus de sentiment et souhaite qu’on le sache. “Il s’est durci”, dit son entourage. François Hollande s’adjoint désormais ceux qui peuvent le servir, et délaisse sans trop d’états d’âme ceux qui, dans la route vers la victoire, ne lui apportent rien. “Il n’a jamais voulu s’abandonner à un réseau, un clan”, dit Jean-Pierre Jouyet. Comprendre : il n’est pas prêt à tout au nom de l’amitié, et peut, par nécessité, passer l’éponge sur les avanies glissées par ses ennemis passés.
Son dicton fétiche ? “Tu ne dis rien, tu n’oublies rien.” François Hollande a fait le ménage dans les archives de sa mémoire. Effacé, au moins provisoirement, le “Flamby” d’Arnaud Montebourg, qui jugeait que “le pire défaut de la candidate” Royal, c’était “son compagnon”. Mise entre parenthèses, la phrase lâchée par Laurent Fabius pendant la primaire de 2011. L’ex- “plus jeune premier ministre de la France” est venu à Canossa. Un jour, après la primaire, le soutien de Martine Aubry a tendu à “François” un vilain sac de supermarché : “L’emballage est affreux, mais à l’intérieur, je crois que cela te plaira.” Laurent Fabius y avait glissé un manuscrit venu de sa collection personnelle : l’original du texte que Jean Jaurès adressa au capitaine Dreyfus. Mieux qu’un cadeau : presque un hommage.
Des amis, en revanche, ont été laissés de côté. Son chef de cabinet, le dévoué Faouzi Lamdaoui, réclame la 9e circonscription des Français de l’étranger ? François Hollande laisse Martine Aubry la livrer à l’un de ses protégés. Quand, aux premiers jours de la campagne, Areva découvre dans l’accord Verts-PS un paragraphe trop radical sur le nucléaire, François Hollande prend son téléphone et appelle, furieux, le négociateur des accords pour lui passer un savon. Qu’importe qu’il s’appelle Michel Sapin, son ancien copain de promo et de chambrée au service militaire. Qu’importe si l’ancien ministre lui a demandé, dans quelques semaines, de devenir le témoin de son (re) mariage, par fidélité.
Le pouvoir est un aimant puissant. Malgré ces petites vexations, personne n’a plus lâché le futur président. “La dernière promo politique de l’ENA”, comme dit souvent François Hollande, n’a jamais flanché. Dans la petite bande de quinquagénaires, tous sont restés fidèles à “François”. Michel Sapin a écrit le programme économique du candidat. Bernard Cottin, ex-PDG de Numericable, est devenu mandataire financier. L’avocat Dominique Villemot rédige des notes sur la fiscalité, tandis que Jean-Jacques Augier a déniché l’immeuble du siège de la campagne, avenue de Ségur. A la présidence du Sénat, Pierre-René Lemas, le nouveau directeur de cabinet de Jean-Pierre Bel, a réuni des jeunes conseillers qui sauront, dès la mi-mai, irriguer les cabinets ministériels. “Il n’y avait pas eu en 2007 avec Ségolène – pourtant elle aussi une ancienne – de réunions de notre promotion Voltaire comme il y en a eu cette année pour François”, constate Jean-Pierre Jouyet. D’anciens condisciples de droite issus de la même promo, Dominique de Villepin et Renaud Donnedieu de Vabres, qui bien vite ont lâché publiquement Nicolas Sarkozy, ont même été conviés à leurs déjeuners.
Mercredi 2 mai, lors du débat télévisé qui a opposé François Hollande au président sortant, se pressaient pourtant dans la loge Aquilino Morelle, Manuel Valls, et les quelques conseillers choisis par ce dernier. Pas de Michel Sapin, aucun des vieux amis de la promotion Voltaire n’avaient été conviés. Ce dimanche, à Tulle, où la petite bande s’était réunie il y a vingt-quatre ans lorsqu’il est devenu pour la première fois député, François Hollande était seul, à nouveau. Il a voulu une victoire sans “shadow cabinet”, sans énarques, sans Parisiens. Demain, sans doute, la crise les rendra indispensables. Mais aujourd’hui, il veut croire que c’est “avec les Corréziens”, c’est-à-dire sans eux tous, qu’il l’a emporté. “Il faut le laisser jouir seul des meilleurs moments de sa victoire, avant que cela ne tombe comme à Gravelotte”, excuse Jean-Pierre Jouyet. Seul, parce que c’est aussi seul, finalement, qu’il l’a emporté.
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